De quoi je me mêle : Même pas l’essence pour nous immoler !

Les deux grands salons sur les ailes du Palais dont j’étais devenu très vite un familier étaient donc remplis de ces parures à jeter en plus des robes somptueuses qu’elle n’avait jamais mises même si l’unité coûtait le salaire mensuel cumulé de quarante généraux maliens. La Rolls intérieur or ? Celle-ci, ils ne voulaient pas la laisser derrière eux. Mais la Merco classe EZ, la Toyota V16, ils n’en voulaient pas.

En l’espace de trois heures, j’étais donc touché par la grâce de Sidi Bouzid. Ben Ali ému par mes larmes – je lui avais dit qu’il n’était pas un dictateur et que je ne voulais pas qu’il s’en aille, lui qui a fait le bonheur de la Tunisie et la fierté de l’Afrique- m’offre tout ce qu’il ne pouvait amener. Et moi vous me connaissez, je ne voulais pas garder tout cela pour moi.

Une dizaine de costumes sont allés immédiatement à un ami chef de parti. Au cas où  on le consulterait pour le très attendu re-mali-ment (pas remaniement), ce serait toujours mieux que son unique costard beige à huit boutons et trois fentes dorsales dont celle du milieu infligée par le pressing. J’en ai donné aussi cinq ou six à un ancien député dont les vestes à épaulettes indiquent l’âge moyen de la garde-robe. Mais ce dont je ne veux vas vous mêler, c’est l’ingratitude de sa cousine qui se trouve être mon épouse.

Car figurez-vous, je venais juste de lui donner l’intégralité des bijoux et robes Trabelsi quand, sans ménagement, elle me secoua et me répéta comme tous les matins « hey, réveille-toi et donne le prix de condiment, la bonne va aller au marché ». Ma décision était prise : m’immoler. Je fonce alors chez le revendeur d’essence au coin de la rue. Lequel avait eu la mauvaise idée et la mauvaise orthographe de mettre sur une petit bout de carton : « crédi interdi ». Quelle poisse!

Adam Thiam 18/01/2011