DE L’INFORMEL A UNE ÉCONOMIE FORMELLE  

Le Mali engage la réflexion pour sécuriser les bases d’un développement
économique durable

À l’initiative du ministère de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de
la Formation professionnelle, le Mali vient de poser un jalon décisif vers
la formalisation de son économie. En effet, l’atelier de sensibilisation et
de concertation sur la «Recommandation 204 de l’OIT» (tenu les 22 et 23
juillet 2025 à Bamako) a jeté les bases d’un futur diagnostic et d’une
stratégie nationale intégrée pour enclencher ce tournant structurel.

Définir ensemble une trajectoire réaliste et inclusive pour sortir des sentiers de
l’économie informelle qui concentre aujourd’hui l’essentiel des activités
économiques au Mali ! Tel était l’enjeu de l’atelier de sensibilisation et de
concertation sur la «Recommandation 204 de l’OIT» organisé les 22 et 23
juillet 2025 à Bamako. Sous la présidence de Mme Oumou Sall Seck, ministre
de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle,
ces deux journées d’échanges et de réflexion ont réuni un large panel
d’acteurs institutionnels, syndicaux, patronaux et de la société civile.
Selon le rapport 2023 du «Profil pays du travail décent» produit par
l’Observatoire national de l’emploi et de la formation (ONEF), 95,9 % des
actifs maliens âgés de 15 ans et plus travaillent dans l’informel, soit près de
6,7 millions de personnes. Côté entreprises, 98 % des unités économiques
(environ 272 330) évoluent hors des radars administratifs et fiscaux de l’État.
Cette configuration pèse lourdement sur les finances publiques, car elle se
traduit par une évasion fiscale massive, une faiblesse des recettes et une
précarité généralisée des emplois.
Pour Seydina Abass Dramé, secrétaire chargé du secteur informel, cette
situation reflète à la fois les difficultés structurelles de l’économie malienne et
les limites des politiques publiques passées. «Le secteur informel, qui
représente entre 60 et 80 % des emplois, reste la voie la plus accessible pour
des milliers de jeunes sans emploi et des populations rurales dépourvues
d’infrastructures et de soutien financier», a-t-il souligné. Adoptée en 2015 par
l’Organisation internationale du travail (OIT), la «Recommandation 204» sert
aujourd’hui de boussole à de nombreux pays africains pour structurer la
transition vers l’économie formelle. Pour le Mali, l’enjeu porte sur l’amélioration
des conditions de travail et la protection sociale des travailleurs,
l’accroissement des recettes fiscales pour soutenir les investissements
publics, et le soutien à une croissance durable ainsi qu’à l’innovation
entrepreneuriale.
L’atelier de Bamako s’est ainsi fixé cinq objectifs stratégiques, notamment
renforcer les capacités des acteurs concernés sur les enjeux et les
implications de la Recommandation 204 ; évaluer en profondeur les
dynamiques du secteur informel malien afin d’identifier les principaux leviers

d’action ; prioriser les secteurs économiques à fort potentiel de transformation,
à l’image de l’artisanat, de l’agriculture, du commerce ou encore du transport ;
créer un groupe de travail multisectoriel chargé de piloter le diagnostic et
l’élaboration de la stratégie ; et enfin, élaborer une feuille de route claire et
réaliste, appuyée par un plan d’action et un calendrier.
Le diagnostic attendu devra s’attaquer à plusieurs freins structurels comme la
complexité et la lourdeur des procédures administratives pour enregistrer une
entreprise, la perception d’une fiscalité dissuasive chez les petits
entrepreneurs, le manque de sensibilisation aux avantages de la formalisation,
ainsi que la difficulté d’accès au financement formel qui pousse de nombreux
acteurs informels à s’autofinancer ou à recourir à des systèmes de prêt non
conventionnels.
Pour y répondre, les propositions avancées lors des échanges insistent sur la
simplification et la digitalisation des démarches administratives via des
plateformes en ligne, la création d’incitations fiscales temporaires comme des
exonérations ou réductions fiscales pour les nouvelles entreprises formalisées,
le développement des infrastructures de base pour mieux connecter les
entrepreneurs ruraux aux circuits formels, ainsi que l’accompagnement et la
formation des acteurs informels afin de leur faire mieux percevoir les bénéfices
durables de l’intégration au secteur formel.
«La transition vers l’économie formelle est un impératif pour garantir la
protection des travailleurs et sécuriser les bases d’une économie durable», a
assuré Mme Oumou Sall Seck. En structurant une stratégie nationale,
appuyée par un diagnostic rigoureux, le Mali espère enclencher une
dynamique de formalisation progressive. Mais, ce pari reste suspendu à la
volonté politique, à la mobilisation des ressources financières nécessaires et à
l’adhésion des acteurs économiques. Si les chiffres actuels traduisent
l’urgence, la stratégie annoncée à l’issue de cet atelier pourrait bien ouvrir,
enfin, une brèche vers une économie plus inclusive, productive et équitable.
Sory Diakité