Culture: Totems et Interdits dans la tradition Malienne

Le totem est soit un animal, soit une plante ou un objet considéré comme protecteurs d’un individu ou comme ancêtre mythique représentant un groupe social par rapport à d’autres groupes d’une même société. Généralement le totem est assimilable à un patronyme ou une ethnie. Il varie d’une région à une autre. Ainsi au Mali chaque patronyme a son totem. Selon le professeur Mamadou Fanta Simaga, le totem est l’un des pivots de la vie de tout être humain. Il tire son origine des alliances et protections qu’accordaient les animaux, les arbres ou les esprits à nos aïeux dans certaines difficultés et pour les remercier ceux-ci leur promettaient respect, soumission et obéissance absolue à eux et à leurs descendances.

En exemple ils citent le cas des Simaga qui ont pour totem le cobra. Leur ancêtre avait épousé  en secondes noces une jeune fille qui ne l’aimait pas. Pour se débarrasser de l’homme sans lever de soupçons, elle alla lui offrir au champ de la bouillie de mil dans laquelle elle a mis du poison. Il y avait un cobra qui était couché sur un arbre à coté de l’homme qui avait détecté le poison. Donc quand il a voulu boire la bouillie, le cobra pour le sauver se jeta de l’arbre et versa la bouillie à terre et la verdure touchée par la bouillie s’est fanée à vue d’œil. C’est ainsi que pour remercier le cobra, l’homme jura que ni lui ni aucun de ses descendants ne feront jamais de mal à un cobra et même jusqu’à preuve du contraire cela est respecté. Les totems sont souvent illustrés par des fétiches représentés dans certaines communautés comme les protecteurs de toute la population. On leur offre des offrandes pour demander  protection et bénédictions.   

Les totems sont différents des interdits. Les interdits sont des impératifs institués par un groupe, une société et qui prohibent un acte ou un comportement. Contrairement aux totems, les interdits sont à la fois assimilables à un patronyme, une société ou à une famille bien déterminé. Ils existent dans toutes les civilisations africaines et plus particulièrement dans les quatre coins du Mali. Selon M. Simaga les interdits sont des actes condamnables pouvant entacher la noblesse d’un individu. Dans la société initiatique bamanan, braver un interdit c’est renier les règles de conduite élaborées  par les ancêtres pour une meilleure cohabitation des différentes couches de la société. Chez nous, les interdits s’imposent généralement dans les relations humaines ou dans les lieux de travail.

Les mariages entre certaines ethnies sont interdits comme entre les peulh et forgerons ou dogon et bozo. Ils ne doivent ni se quereller, ni se battre ni se blesser et de surcroit toutes relations intimes sont interdites entre eux. Même si avec l’évolution certaines personnes semblent prendre à la légère certains de ses interdits, nos personnes ressources nous indiquent que toute personne les bravant sera poursuivie par la malédiction divine. Mais de nos jours, on les rencontre même si ceux des bozos et dogons restent l’une des plus vérifiées de notre pays. Le mariage entre peulh et forgeron qui est pourtant interdit semble ne pas l’être.   Pour M. Simaga, les conséquences – même si on semble les cacher – sont bel et bien là, telles que la pauvreté qui suit les époux, la stérilité dans certains cas, la déficience mentale des enfants ou la mort subite d’un des conjoints. « Ce sont des pactes de sang passés entre nous et le sang ne ment pas»,  a-t-il dit. Si les interdits existent dans les relations humaines, ils existent aussi dans les lieux de travail. Ainsi dans le cas de la forge il est interdit de griller la viande, ne jamais insulter grossièrement, d’y avoir des relations sexuelles, et d’y enter avec un miroir.    

A vouloir à tout prix braver ces interdits et totems, on finit par être frappé par la malédiction divine appelée chez nous « Niama ».  

Le « Niama » est une force maléfique qui guette l’homme chaque fois qu’il enfreint la coutume ou une rupture d’alliance. Il va du rejet de la communauté, au suicide, à la pauvreté ou à la mise à mort.            

Adiaratou Sangaré

Le Républicain 29/09/2011