Contribution: L’initiative AMO doit être un succes

 

Même si nul n’est censé ignorer la LOI N°09- 015 DU 2 6 JUIN 2009 PORTANT INSTITUTION DU REGIME D’ASSURANCE MALADIE OBLIGATOIRE, il serait préférable de l’étoffer pour son peuple. Car, quand on échoue de communiquer, on communique des échecs.

En dépit de la couverture médiatique dont l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) bénéficie depuis plusieurs mois, la population des cotisants concernés est, semble – t – il, en situation de sous information, de désinformation ou que sais – je encore ? Sinon, comment se peut – il faire que même la C.S.T.M, une des organisations syndicales (les plus représentatives des travailleurs maliens) conteste la mise en œuvre des mesures relatives à l’AMO.

D’abord, ainsi que l’on sait, il serait malaisé pour un Etat du tiers monde de prendre en charge une santé nationalisée où la protection est la même pour tous. Même en France et en RFA le système de prise en charge de santé repose sur les assurances sociales par opposition au système d’assurances privées couvrant le risque – maladie aux USA après versement des primes par des employeurs et salariés à des compagnies privées. Le système d’assurances privées américain n’étant pas suffisant, une réforme pour une plus large couverture du risque maladie des populations a récemment été proposée et acceptée pour répondre à des objectifs de justice sociale.

D’autre part, il est archiconnu que le fonctionnement spontané de l’économie, entraînant des déséquilibres, des inégalités voire des injustices, requiert l’intervention de l’Etat surtout en matière sociale, intervention fondée sur l’organisation d’une solidarité entre les citoyens. L’Assurance Maladie Obligatoire est-elle une forme de solidarité ? Il n’est pas indifférent de se souvenir que les cotisations d’assurance-maladie sont loin d’être des charités individuelles obligatoires. Les cotisants s’attendent en retour à des prestations sociales, à des revenus sociaux en fonction des critères de solidarité nationale.

En saine logique, un fonctionnaire comme tout autre titulaire de revenu du travail (droit sur la production ou salaire) se doit d’accepter le prélèvement obligatoire (‘‘taxe’’ indolore ?) sur ledit droit sur la production. N’en déplaise à certains, le caractère obligatoire ne porte atteinte ni à l’intégrité physique ou morale du salarié ni, de façon inconsidérée, à son revenu primaire. Il n’a rien d’anti-démocratique. Loin s’en faut. Si l’Etat ne doit pas assujettir un salarié à un prélèvement (minime soit-il) sans l’en aviser au préalable, qu’il exprime ses regrets avec l’élégance voulue.

Toutefois, il importe qu’un débat télévisé sincère soit ouvert afin que l’opinion, singulièrement la population des cotisants AMO/CANAM, soit imprégnée sur un certain nombre de points comme par exemple :

1-l’AMO couvrira-t-elle tout type de consommation médicale (l’hospitalisation, les soins du médecin, du dentiste, les biens médicaux disponibles à la pharmacie, les transports, les cures, la prévention) ?

2- Si oui, jusqu’à quel plafond ?

3-   Le système AMO privilégie t-il la liberté de choix du médecin, et la faculté d’en changer ?

4-Quels sont les principaux acteurs intervenant dans le système de santé au Mali ?

5-Quelle est la qualité  du mécanisme de suivi et contrôle des producteurs de soins désignés à l’intention des assurés ?

6- Outre l’Etat, les autres employeurs doivent-ils de façon similaire contribuer financièrement aux  cotisations AMO ?

7-Quels sont les pourcentages des participations de l’Etat et desdits employeurs aux ressources de la CANAM par rapport à la part contributive des salariés ?

8- Quelles sont les mesures incitatives prises en vue d’améliorer la qualité de prestation des structures s’occupant de l’hygiène publique dans le souci de réduire le taux de risque maladie ?

9 Qu’est-ce qu’un déficit de sécurité sociale ? Quelles stratégies faut-il adopter au cas où la CANAM serait en situation de déficit de sécurité sociale ?

10- En matière d’assurance-maladie, la CANAM, en tant que caisse sans but lucratif relevant de l’administration publique, accepterait-elle le consumérisme c’est à dire une organisation des consommateurs des produits CANAM, organisation qui développerait des moyens d’information et d’action afin de défendre les droits des assurés ?

11- Existe  t-il un lien entre les ressources de la CANAM et la croissance du P.I.B ?

12- Quelle est la capacité  actuelle de financement des dépenses médicales de la CANAM ?

13- Peut-on un jour parler d’une fusion entre l’INPS et la C.M.S.S ? Pourquoi la mission AMO relative aux employeurs du secteur privé n’a  t-elle pas été attribuée à l’INPS ?

14- Existera  t-il une bureaucratie inquisitoriale pour l’assurance maladie obligatoire ?

Cette liste des questions n’est pas exhaustive. La santé publique est une question délicate. Dans un pays où la majeure partie de la population active connaît un faible pouvoir d’achat, l’initiative Assurance Maladie Obligatoire est belle mais necessite une certaine dexterite. Chacun en ce qui le concerne doit avoir l’amabilité de jouer son rôle correct afin qu’elle porte fruit de façon pérenne sur la base du principe de la bonne gouvernance consistant non seulement en l’obligation de rendre compte de l’Administration publique, la transparence, l’efficience et l’efficacité de prestation, la réceptivité, la prospective (capacité d’anticipation des problèmes) de toutes les parties prenantes et surtout en la primauté du droit.

Si la privatisation de nos entreprises nationales peut être critiquable en termes de Produit National Brut (PNB), devons nous également essuyer des échecs (organisationnels) en développement social et solidarité, en sécurité sociale ?  

A mon humble avis, les réactions qui résulteront des réponses aux questions citées plus haut permettront à un syndicat si oui ou non il peut contester le prélèvement obligatoire tenant à l’assurance maladie.

Qu’il me soit aussi permis de rappeler que comme toute règle de droit, le projet de loi N°09- 015 DU 2 6 JUIN 2009 PORTANT INSTITUTION DU REGIME D’ASSURANCE MALADIE OBLIGATOIRE adopté par l’Assemblée Nationale et promulguée par le président de la République présente un caractère abstrait, général et impersonnel et s’applique à toutes les personnes concernées. De même, nous ne sommes pas sans savoir qu’il existe une distanciation entre la loi et son application car le réel bien que n’étant pas abstrait n’est lui-même pas toujours totalement saisissable. En conséquence, peut-être la loi en question recèle-t-elle quelques lacunes ou ambiguïtés ? Toutefois, la CSTM aurait marqué son accord relatif par lettre N°08/0132/CEN-CSTM du 22 avril 2008 non sans manifester contre sa méthode de mise en œuvre.

Ainsi le gouvernement l’a-t-elle rendu facultative par sa déclaration télévisée. Sans vouloir ici emprunter le raisonnement par l’absurde, le Gouvernement (l’Administration dit-on) afin de répondre à un souci pressant de l’intérêt social, de l’ordre public, a probablement voire irrésistiblement joui des atténuations tenant au principe de légalité relevant d’un droit non codifié, largement jurisprudentiel, un droit du déséquilibre, un droit incertain, le Droit Administratif. En quoi pèche  t-il que l’Administration fasse une telle déclaration surtout si cela ne dérange pas la sauvegarde de la sécurité juridique ? Surtout si le droit est un moyen et non une fin en soi pour garantir la paix et l’harmonie sociale ?

En toute humilité, j’endigue ce développement et laisse les juristes de haut niveau, disposant de toutes les bonnes données sur l’AMO malienne, s’engager dans cette interprétation analytique.  Enfin, je vous remercie de votre aimable attention et vous prie de bien vouloir considérer cet article non comme une péroraison d’avocat ou un bagout voulant à tout prix pousser à adhérer à l’Assurance Maladie Obligatoire malgré ses imperfections mais comme un avis incitatif en vue de favoriser l’apport des éléments mélioratifs dans l’intérêt supérieur de la nation.

Gardons à l’esprit la nécessité d’un débat télévisé franc et responsable des différentes parties prenantes de façon qu’il ne change en un judo verbal périlleux. Dans un pays sous-développé, nul ne sait vers quelle extrémité nous conduira une société, sans innovations ni mesures rigoureuses en matière de sécurité sociale.         

MALIKI KARAMOKO KANTE

Le Républicain 12/07/2011