Comment ATT a nommé la première Malienne chef de gouvernement

Fin du suspens. Dimanche 3 avril, pour remplacer Modibo Sidibé démissionnaire depuis le 30 mars, le président malien Amadou Toumani Touré (ATT) a nommé Mariam Kaïdama Cissé à la tête du gouvernement. À 62 ans, cette ressortissante de Tombouctou, mariée et mère de quatre enfants est la première femme Premier ministre de l’histoire du Mali. Diplômée de l’École nationale d’administration de Bamako, elle a réalisé dans sa longue carrière de haut fonctionnaire plusieurs stages de perfectionnement en France, en Italie, en Belgique, au Canada et au Sénégal…

Après avoir passé plus de vingt ans à des postes de direction des entreprises d’État et trois ans comme conseillère de l’ex-président Moussa Traoré, elle présidait depuis 2003 le conseil d’administration de la Société nationale de tabac et allumettes du Mali (Sonatam). Auparavant, de 1993 à 2003, elle avait été nommée secrétaire exécutive du CILSS à Ouagadougou (Comité inter-état de lutte contre la sécheresse au Sahel).

Lundi matin, elle retrouve ATT pour la seconde fois. La première, c’était sous la transition démocratique lorsqu’elle fut ministre du Plan et de la Coopération internationale d’août 1991 à juin 1992. Alpha Oumar Konaré, en fin de mandat, lui confiera lui aussi un ministère : celui de l’Agriculture. Kaïdama, comme on l’appelle, ne restera au gouvernement que trois mois, de mars à juin 2002, mais elle y côtoie le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Modibo Sidibé, qui doit lui passer désormais le témoin.

L’obstination d’ATT

Pourquoi et comment ATT l’a-t-il choisie pour l’aider à boucler son ultime mandat, dans un pays qui ne passe pas pour être en pointe de l’émancipation féminine ? D’abord, le président aime les symboles – et c’en est un de nommer la première femme chef de gouvernement d’un pays. C’est comme cela que beaucoup de gens de l’entourage d’ATT, mais aussi de nombreux observateurs de la scène politique, interprètent cette nomination.  

Mais ATT a prévenu qu’il n’était pas « prêt à accepter des ministres candidats à l’échéance 2012 » dans son gouvernement, ce qui peut expliquer que de nombreux candidats potentiels n’aient pas été retenus. Même Mariam Kaïdama Cissé, qui ne devrait pas être l’Ellen Johnson-Sirleaf du Mali, a failli ne jamais être nommée. Une économiste occupant une fonction dans un ministère tenait aussi la corde – elle n’a finalement pas été retenue car n’ayant jamais été ministre auparavant (contrairement aux trois précédents Premiers ministres d’ATT). Le nouveau Premier ministre ne doit son poste « qu’à l’obstination du président ». Selon un proche du dossier, celui-ci « a été travaillé au corps toute la journée du dimanche contre une carte féminine pour une fin de mandat grosse de défis ». Jusqu’en fin de journée dimanche, les chances d’un Mohamed Salia Sokona, – ancien ministre et ambassadeur – ou d’un Natié Pleah, le ministre de la Défense, étaient encore fortes.

Une montagne de défis

Ce n’est que vers 18 heures qu’ATT fait finalement venir Django Cissoko, son secrétaire général dont le nom avait aussi été avancé pour la Primature, afin qu’il publie le décret historique. Selon des sources bien informées, la lettre de mission de Mme Cissé sera chargée. Outre l’organisation des élections de 2012, il s’agira de conduire des réformes institutionnelles, notamment le projet de révision de la Constitution ainsi que l’adoption du projet de Code de la famille. Rien de simple…

D’autant que le temps est très serré, et que les deux réformes sont très sensibles. Mme Cissé peut cependant déjà compter sur l’engagement du père de la révision constitutionnelle, Daba Diawara, qui est pressenti dans le nouveau gouvernement dont la formation devrait aller très vite – quarante-huit heures tout au plus. Par ailleurs, un consensus semble avoir été trouvé entre le Parlement et les associations musulmanes autour du futur Code, dont le projet avait été fortement querellé en 2010.

À ces chantiers délicats, tout indique qu’ATT ajoutera enfin celui du dialogue social et de la gestion saine des ressources. Sans compter les défis du Nord-Mali où les activités salafistes et le narcotrafic sont florissantes. Le tout dans un contexte de crise sous-régionale – notamment à cause de la Côte d’Ivoire et de la Libye – qui a des répercussions sur le Mali. « Ce ne sera pas de la tarte », prédisent les « grins » de Bamako, ces lieux de causerie qui se politisent à mesure qu’approchent les élections de 2012.

Source JA   05/04/2011