Chronique du web : Lemoney-time électoral

Dans leur narration des évènements sportifs à grand enjeu, nous avons souvent entendu les  Chroniqueurs parler de «money time ». Au football, enbasket-ball, enhandball, au tennis…,lemoney time est « la période qui rapporte gros », « le moment où tout se joue ». C’est surtout « la période pendant laquelle la possession du ballon devient cruciale et où les
joueurs vedettes sont censés faire des prouesses. Il s’agit en général des dernières minutes de jeu ou parfois du dernier quart temps, où chaque passe réussie, chaque panier ou but marqué peut être décisif pour passer définitivement devant l’équipe adverse. Le moment où l’on plie ou tue le match !
En matière électorale aussi, la comparaison me semble appropriée et, cette semaine, « nos
champions » entament la 3 ème et dernière semaine de leur campagne démarrée en fanfare pour certains, mais poussive pour d’autres. Entre ce lundi (23/07) et ce vendredi (28/07), les 24 compétiteurs vont devoir se découvrir totalement, sortir le grand jeu et tenter de faire définitivement la différence. Il s’agira, pour ceux qui ont une courte tête d’avance, de creuser leur avance sur le reste du peloton. Et pour ceux qui sont soit dans les profondeurs,soit dans le peloton de queue, d’aller chercher dans leurs tripes pour recoller au train en remontant la pente. Comme au Tour de France !
C’est vraiment la toute dernière ligne droite qu’il faut savoir tenir et surtout ne pas faire
d’écarts ou d’embardée inopportune qui pourrait avoir pour conséquences fâcheuses une
sortie de route. Comme rappelé plus haut, c’est maintenant que tout se joue. Pour faire
mienne une formule lapidaire, « les dés sont jetés » (aleja jacta est) et j’ai la faiblesse de
croire qu’ils ne sont pipés pour personne.
Ces cinq derniers jours auront une charge psychologique tellement lourde que nos nerfs
seront à cran à chaque instant. Cinq longs jours à tenir encore avant de gagner le graal, faire
un parcours honorable ou toucher le fond. Tous les compétiteurs savent qu’ils jouent gros,
mais certains sont convaincus qu’ils jouent leur survie politique. A tout bout de champ, on
verra le loup-garou sortir du bois, les fantômes nous hanter et la bête immonde s’atteler à
nous gâcher notre belle fête de la démocratie.
En effet, la crise de confiance entre la Majorité et l’Opposition, un temps jugulée, pourrait
resurgir, s’exacerber à nouveau et assombrir les derniers instants d’une campagne qui,
jusque-là, se déroule dans un fairplay digne de « l’épopée russe » de la FIFA. Quelques
affaires scabreuses enfouies dans les cartons de l’histoire pourraient ressortir, comme par
miracle, pour agrémenter lemoney time. Ou une brusque poussée d’adrénaline liée à des
détails inhérents à l’organisation du scrutin pourrait faire redouter une rupture de confiance
et, en conséquence, creuser la polarisation.
Cemoney time, il faut s’apprêter à le vivre pleinement, à « boire le calice jusqu’à la lie »,
mais sans jamais s’enivrer puisqu’il s’agit du Mali, de son sort, de son avenir, du destin de
vingt millions d’hommes et de femmes. Nul acteur ne doit perdre de vue ce facteur de
pondération et se convaincre fortement que la fin ne saurait justifier les moyens.
En cette matière où l’on fait preuve d’imagination débordante pour dénicher les slogans les
plus percutants, ne jamais avoir ni en pensée, ni à la bouche la formule suicidaire « A la
guerre comme à la guerre ». Heureusement, les campagnes citoyennes mises en place, les
observateurs nationaux et internationaux qui sillonnent le pays, les coopérations bilatérales

et multilatérales qui surveillent et accompagnent le processus… sont autant de coussins qui
pourraient amoindrir l’impact des chocs éventuels et nous aider, en définitive, à aboutir ce
processus tant obsessionnel et passionnel.
Quels que soient les enjeux du moment, le soir ou le lendemain du 29 juillet 2018, le cours
du fleuve Djoliba n’aura pas changé de direction, nos maisons ne seront pas transplantées…
et les relations sociales que nous entretenons depuis fort longtemps n’auront pris la
moindre ride.Dieu bénisse le Mali !
Serge de MERIDIO