Chronique du Vendredi / L’allumette et le baril de poudre ou Senoussi au Mali

Ce n’est pas la première fois  que la présence de membres influents de l’ancienne nomenklatura de Tripoli est signalée dans les pays voisins de la Libye. On se rappelle que l’épouse du Guide Safia, sa fille Aicha et ses fils Hannibal et Mohammed avaient cherché refuge en Algérie le 29 août dernier. Début Septembre, la présence de Saad Kadhafi, des généraux Ali Kana, ex-chef de la sécurité de la région de Sebha et de Rifi, ancien chef d’état major de l’armée de l’air libyenne, était confirmée vers Arlit,  au Nord du Niger.

Problèmes en perspective pour le Mali

Mais la dépêche Afp tranche d’avec les scénario algérien et nigérien jusque-là. D’abord le caractère officiel : l’arrivée de la famille du Guide en Algérie a été vulgarisée par l’Agence algérienne de presse suite à un communiqué du ministère algérien des affaires étrangères qui précise même que l’Onu ainsi que le Cnt avaient été  informés de la présence de ces hôtes. Pour ce qui est du Niger, les autorités administratives locales étaient les premières à signaler la présence de ces ex-dignitaires libyens sur son sol. Le gouvernement la confirmera par la suite. Rien de tel pour l’instant au Mali. La dépêche Afp est la première source.

Reste à savoir si elle sera confirmée ou démentie officiellement. Elle reste en tout cas très sérieuse. Imaginons simplement la pression que subit Niamey sur la présence au Niger d’ex-dignitaires libyens qui ne sont même pas recherchés par la Cpi. On sait par exemple, d’après Jeune Afrique que ne prenant plus ce pays pour sûr, Saadi veut chercher asile en Ouganda, Rifi en Egypte et Kana au Maroc. Imaginons également le bras de fer entre l’Algérie et le Cnt qui réclame l’extradition en Libye de l’épouse de l’ancien guide et de sa famille. Or Abdallah Senoussi, né en 1949 au Soudan, marié à la sœur de Safia la veuve de Kadhafi, est l’objet depuis fin juin, d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes contre l’humanité. Interpol le recherche également  depuis le 9 septembre. Dans les années 1980 où il dirigeait la sécurité intérieure libyenne, la main de Senoussi était vue derrière les nombreux assassinats d’opposants à Kadhafi à l’intérieur comme à l’extérieur.

En France, il est condamné  par contumace en 1999 pour l’affaire du DC 10 d’Uta qui a coûté la vie à 170 personnes. Il est plus nettement impliqué dans  les exécutions d’Abou Salim qui ont fait 1200 morts en 1996. On parle aussi de lui dans la féroce répression du soulèvement de Benghazi du 15 au 20 février dernier. C’est la première fois qu’un ex-dignitaire libyen recherché par la Cpi et Interpol et crédité d’un pouvoir de nuisance hors du commun est signalé par une dépêche – non démentie au moment où nous mettons sous presse – et  relayée à une aussi grande échelle. Pour les stratégistes,  la présence de Senoussi au Mali, si elle se confirmait, serait simplement l’allumette qui se rapproche du baril de poudre sahélien. La réaction officielle est, à cet égard, impérative.

Adam Thiam

Le Républicain 28/10/2011