Bakary Togola à propos de sa prétendue agression physique à Koutiala : «Personne ne m’a touché, personne n’a touché à ma voiture…»

Le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali, non moins président de l’Union des coopératives des cotonculteurs du Mali, vient de boucler une mission dans les zones de production de coton du Mali. Bakary Togola était avec le nouveau Président directeur général de la CMDT, Modibo Koné. C’était dans le but de présenter ce dernier aux paysans des zones de production de coton, d’échanger avec eux sur la prochaine saison ; de discuter des autres questions de la filière coton. La tournée est partie de Fana pour s’achever à Koutiala. C’est au cours cette étape qu’il a été dit que Bakary Togola a échappé à un lynchage ; que sa voiture a été endommagée et qu’il souffre physiquement. Nous l’avons rencontré le dimanche 21 février 2016, chez lui, à Yirimadio, avant son voyage pour Ségou pour le marché de la Bourse céréalière. «Personne ne m’a touché, personne n’a touché à ma voiture ; celui qui a dit ça a menti …». Voilà ce qu’il nous a confié en substance.

Le Reporter : Vous revenez d’une tournée dans les zones cotonnières du Mali, avec le nouveau PDG de la CMDT. Quels ont été vos constats sur le terrain ?

Bakary Togola : D’abord, je remercie l’ensemble des producteurs, les paysans et autres acteurs de la filière coton. Je remercie les autorités administratives et politiques des localités que nous avons visitées. Je n’oublie pas les maires, les présidents de Conseil de cercle qui nous ont chaleureusement accueillis dans leurs localités respectives. Je pense que quand un chef d’Etat choisit une personne, pour une mission, le peuple doit placer sa confiance en lui. C’est pourquoi Modibo Koné et moi, nous étions dans les zones de production de coton, pour aller voir les producteurs, les dirigeants des communes et des villages pour nous confier à eux, pour qu’on puisse faire notre travail. On a commencé dans la filiale de Fana. Après Fana, on est parti à Kita, à Bougouni, à Sikasso, à Koutiala. On a été dans l’arrondissement de Mahou, qui est une fierté pour nous aujourd’hui. Celui qui ne sait pas qu’on peut bien produire la bonne qualité de coton, avec un bon rendement, peut passer dans la commune de Mahou. La personne verra comment est le coton là-bas. Il y a des gens qui font 40 tonnes de coton de premier choix, de la très bonne qualité. Ils remplissent toutes les conditions demandées pour avoir de la bonne qualité. C’est après qu’on est revenu à Koutiala. Je remercie le commandant, la famille Ouattara, l’Imam, la famille Dembélé et tous les membres de l’encadrement à Koutiala. Je pense que les messages étaient basés sur la confiance. Notre objectif pour la prochaine saison, c’est de faire 800 000 tonnes ou à défaut, 750 000 tonnes de coton. Pour faire 800 000 tonnes au Mali, ce n’est pas un problème ; on peut même faire 1 million de tonnes de coton. Parce qu’il y a la terre, les personnes, les ressources et les matériels. Mais les producteurs nous ont dit de mettre l’accent sur le prix du coton : il faut que les semences, les engrais et les matériels soient à leur portée et à temps opportun. Ils veulent que tout cela soit de bonne qualité, parce que si on doit aller à 800 000 tonnes, alors que la prévision initiale était 600.000 tonnes, il faut une augmentation des semences, du prix du coton et une baisse du prix de l’engrais. C’est ce que les producteurs ont demandé. Et s’ils ont ça à temps, disent-ils, avec une bonne pluviométrie, ils sont décidés à dépasser les 800 000 tonnes.

Ils ont évoqué aussi le problème de ristournes, un système qu’ils disent ne plus comprendre…

C’est vrai, je pense que c’est un autre besoin. Ils ont parlé du problème de ristourne. Nous, nous avons demandé quelle est la base même de ce problème de ristournes parce qu’il ne s’agit pas de ça, mais d’un complément de prix. Il y a une clé de répartition depuis le contrat-plan de 1991 à 2005. Ce contrat-plan demandait le coût de production de chacun et les producteurs faisaient leur coût de production à part ; la CMDT faisait aussi son coût de production à part. Mais toujours, il y avait des problèmes. On a changé ça en 2005, en disant qu’on va faire un protocole, où la CMDT va faire toutes ses dépenses à 40% et les producteurs à 60%. Un moment donné, c’était avantageux pour les producteurs, mais c’était le contraire pour la CMDT, qui avait des problèmes. Parce que nous (producteurs), on avait une augmentation du prix, et elle, la CMDT, avait une baisse de coût. Au moment où Tiénan Coulibaly était le PDG de la CMDT, il a approché notre Conseil d’administration et il nous a demandé de diminuer notre prix pour être à 45% et 55% pour la CMDT. Nous avons accepté. Un moment donné, on a vu que les choses marchaient bien à la CMDT et nous lui avons demandé de nous céder à 60% et 40% pour elle. Malgré cela, nous avons des problèmes. C’est pourquoi, lors du Conseil d’administration, nous avons demandé que ce soit 65% pour nous et 35% pour la CMDT.

Les responsables de cette société sont en train de faire ce calcul. Donc, on attend le résultat pour informer les paysans, surtout à temps. Nous avons dit cela à tout le monde, les paysans ont compris, mais les gens pensent qu’en parlant ou en mettant la pression, on peut avoir gain de cause. Je ne comprends pas cela, étant donné que nous avons tous fait confiance à la CMDT, car c’est elle qui vend le coton et non moi, Bakary Togola. Je ne suis qu’un producteur de coton. Je vends mon coton dans mon village à l’usine de la CMDT. Mon village est payé à partir du classement de l’usine. Mais, s’agissant de la fibre coton, la CMDT seule est autorisée à l’acheter et la revendre. Après sa vente, il y a un consultant qui vient faire les calculs. C’est ce dernier qui nous donne le résultat de son travail. Si on prend cette année, on a donné 235 Fcfa aux producteurs comme prix d’achat et on nous a dit qu’avec tout le calcul, le coût de production a été de 245 Fcfa. Donc, il y a 10 Fcfa de différence que les producteurs devraient restituer.

Comment restituer ces 10 Fcfa ? Y a-t-il un mécanisme pour cela ?

Oui, parce qu’il y a une clé de répartition qu’on est en train de reprendre pour que ce problème là soit réglé. Mais si quelqu’un dit malgré tout cela que la CMDT a mal fait, on doit l’écouter aussi. C’est pourquoi nous sommes partis avec le nouveau PDG pour débattre de tous ces problèmes avec les paysans et les producteurs ; histoire de «laver le linge sale en famille». Mais je pense que l’erreur vient de la CMDT qui dit avoir fait 14 milliards de Fcfa de bénéfices et que nous, on devrait avoir 5 milliards de Fcfa. Cela pose des problèmes. C’est comme dans un village quand on dit aux producteurs qu’il y a le premier et le deuxième choix de coton dans le même camion. Avant, pour comprendre cela, c’était des problèmes au niveau des paysans. Mais aujourd’hui, tout le monde sait que c’est possible d’avoir les deux premières qualités de coton dans le même camion. C’est pourquoi nous continuons la sensibilisation au niveau des producteurs et de nos ressortissants pour qu’ils comprennent. Selon moi, les rencontres avec la base sont utiles.

Quelles ont été les grandes difficultés de la saison passée, parce que certains producteurs parlent d’impact négatif de la pluviométrie sur leur culture ?

Oui, la pluviométrie a impacté négativement sur nos cultures, mais ça dépend des zones de culture. Ça a beaucoup joué sur notre rendement, parce qu’on avait aménagé 600 000 hectares et qu’avec cela, on pouvait faire 600.000 tonnes de coton. Mais on ne maîtrise pas le calendrier de la pluie. D’habitude, du 25 mai au 15 juillet, on ne semait plus les graines de coton. Mais actuellement, la campagne même commence en juillet. Donc, il y a un changement climatique qui joue sérieusement sur notre rendement. Je le redis : nous n’avons aucune maîtrise sur la pluie car il y a aussi eu des inondations. Le coton et le maïs, s’ils sont inondés pendant 3 jours par l’eau, ce n’est pas bon. Avec des situations comme ça dans un champ, on ne peut plus s’attendre à une récolte. C’est ce qui fait que nous avons eu 520.000 tonnes. Ce n’est pas petit, c’est plus que ce que nous avons eu l’année passée et c’était sur les mêmes superficies. Ce n’est pas un problème qui est lié à quelqu’un. On ne peut pas accuser le ministre, le PDG de la CMDT ou moi-même pour cela. C’est un problème de changement climatique. On ne peut pas maîtriser cela et on ne peut sanctionner qui que ce soit pour cette raison.

Pouvez-vous corriger cela parce que vous tablez sur 800 000 tonnes de coton ?

Ça dépend de Dieu. La pluie n’appartient pas à un homme. Aujourd’hui, on est prêt pour faire les 800 000 tonnes, mais c’est Dieu qui va décider de cela et non pas nous. On peut bien préparer les champs, avoir les superficies qu’on veut, les matériels, les semences et les engrais comme on souhaite, mais la décision finale qui est l’eau dépend du Grand Dieu. Parce que, si la répartition de la pluie n’est pas bien, ça joue sur les rendements. Même s’il pleut aussi trop, s’il y a trop d’eau dans les champs de coton avec des inondations, c’est un autre problème pour nous. Et le moment qu’on souhaite avoir la pluie, si on ne l’a pas, ça joue sur nos rendements. Nous n’avons pas cette maîtrise. C’est pourquoi il faut qu’on soit ensemble ; Dieu même nous demande d’être ensemble et il sera à côté de nous. Si on n’est pas ensemble, il ne sera jamais avec nous. C’est pourquoi ce que nous demandons à l’ensemble des producteurs, à tout le monde, à tous les Maliens, c’est d’être ensemble, parce que sans l’agriculture au Mali, rien ne bouge. 50% des céréales viennent des zones cotonnières du Mali. Donc, sans le coton, il n’y a pas d’autosuffisance alimentaire au Mali. Il faut que le coton soit accompagné ; il faut que les cotonculteurs soient ensemble ; il ne faut pas que des gens se cachent derrière eux pour nous créer des problèmes. Parce que tout ce qui est en train d’être créé comme problème, il y a d’autres gens qui sont à la base et on les connaît. S’ils n’arrêtent pas, on va les dénoncer.

On a appris beaucoup de choses sur l’étape de Koutiala. Il semble que vous avez été exfiltré de la salle de réunion ; que votre voiture aurait été endommagée et que les populations de Koutiala ont organisé des manifestations de contestation contre votre personne. Qu’en est-il exactement ?

Je pense que, vous-même, vous avez vu ma voiture à la porte. Il n’y a pas de traces, ni rien. Tu es en train de me parler, mais tu vois que je n’ai rien eu. On ne peut pas empêcher les gens de parler, mais un leader, il faut l’écouter. Sinon lors de l’étape de Koutiala, je n’ai rien constaté d’autre que du respect. Nous avons passé deux nuits à Koutiala et s’il y avait un problème, pourquoi je vais rester dans cette ville. Tous ceux qui sont en train de faire du bruit, savent pourquoi ils le font. Je ne peux pas mentir que j’ai vu des mouvements de contestations à Koutiala, même si ça a été fait, moi, je n’ai pas vu cela. La ville de Koutiala est grande aujourd’hui. Je ne peux pas être au courant de toutes les manifestations ou activités, mais j’ai participé à la réunion au siège de Kafo Jiginew, sans aucun incident ; tout le monde peut le témoigner. Toute la réunion s’est bien déroulée, sans difficulté. S’il y a eu une manifestation de colère à Koutiala, je ne peux pas dire que c’est faux, mais aucune n’a été faite devant moi ou encore lors de mes passages dans la ville. Personne ne m’a touché, personne n’a touché à ma voiture et celui qui dit ça, a menti. Il a menti, c’est une bêtise et ce n’est pas bon pour le pays. Le Mali, ce n’est pas pour quelqu’un, c’est pour nous les Maliens. C’est à nous de le construire, avant d’autre personne. Mais si on continue à mentir, en faisant de la mauvaise communication, ce n’est bien. Il faut qu’on arrête ça. Me voici devant toi, je me porte bien, je vais prendre la route de Ségou pour aller participer à la Bourse des céréales. Je remercie les populations de Koutiala pour leur hospitalité. Nous avons fait cette première tournée avec le nouveau Président directeur général de la CMDT, Modibo Koné, tout s’est bien passé. Nous disons : Dieu merci !

Avez-vous des mots pour conclure cet entretien ?

Je remercie l’encadrement de la CMDT qui nous accompagne nuit et jour : les chefs d’usines, les mécaniciens, les autres travailleurs de la CMDT jusqu’au nouveau PDG, Modibo Koné. Je pense qu’il faut qu’on soit ensemble, le Mali a besoin de ça. Je remercie le chef de l’Etat et son gouvernement pour l’accompagnement envers la filière de coton. Je ne saurais terminer sans saluer les producteurs qui sont là au premier plan, et je prie Dieu qu’il nous accompagne pour atteindre les 800 000 tonnes.

Propos recueillis par Kassim TRAORE