Au Mali, un accord de paix fragile avec la rébellion touareg

IBK Djeri

Il est censé tourner la page des groupes politicos-militaires et terroristes dans cette zone du sahel. Mais la question est sur toutes les lèvres : combien de temps l’accord va-t-il tenir?

Que contient l’accord?

C’est d’abord un signe positif mais au-delà du contentement mutuel des signataires, de la communauté internationale, des chancelleries, du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui l’applaudit, cet accord de paix n’apporte pas une réponse nette et satisfaisante à la dégringolade malienne. La médiation internationale, conduite par Alger, a mis en avant la restauration de l’ordre et la stabilité dans les régions du nord qui, elles, aspirent à plus de justice, de services sociaux, d’éducation. Or, dans l’accord tout est fondé sur le sécuritaire et peu sur la restauration de l’Etat à travers ses missions et prérogatives.

Au fond l’accord n’apporte rien de bien notable puisque l’élection au suffrage universel d’une assemblée régionale existe déjà dans la loi malienne. Certes, on revient à une certaine légalité internationale qui réjouit les chancelleries. Mais pour combien de temps? La décentralisation, idée généreuse sur le papier, relancée dans l’accord, est déjà appliquée, mais mal.

Pour qu’elle soit mieux appliquée il faut des institutions solides et un Etat fort. La crise du Mali c’est surtout et essentiellement une crise de l’Etat, de gouvernance, et moins une crise nord sud qui est souvent mise en avant par les instances internationales. Pour un observateur joint à Bamako, «90 % de l’accord existe déjà. Rien de bien neuf.

Mais le cœur du problème c’est l’application même de l’accord». Par qui et comment sera-t-il appliqué? Rien dans l’accord sur les échecs retentissants des politiques publiques passées. Sans réflexion sur ce que serait une bonne gouvernance l’accord ne pourra pas «tenir très longtemps», selon une source à un moment proche des négociations.

Quels pourraient être les points de crispations?

Dans un premier temps la nomination et la composition des chefs d’état-major, par exemple dans le Nord, pourraient bien ouvrir une séquence de nouvelles frictions entre communautés toujours surarmées. Ce qui fait douter certains observateurs de la pérennité de l’accord à moyen terme. Ensuite la violence peut ressurgir à tout moment. Il faut se souvenir que le mois de mai a été extrêmement sanglant : accrochages entre groupes, assassinats de civils, réformation de groupes jihadistes dans les boucles du Niger et exode de 30 000 réfugiés dans la région de Tombouctou.

Qu’en pensent les populations du Nord?

Les quelques remontées de terrain, selon la terminologie en vigueur, mettent en avant la relative et faible représentativité des signataires. Certains échos recueillis dans le Nord évoquent même un problème de légitimité. Les populations se disent : mais où est notre place dans cet accord? Elles soulignent les inégalités de traitement : c’est le Sud qui «prend tout l’argent». Le Sud, en miroir, répond que le Nord accapare «toutes les ressources». En fait ces populations veulent plus d’Etat, de protection, et se méfient d’une décentralisation qui, jusque-là, a multiplié les strates administratives, les zones grises, ces fameux «paliers intermédiaires» qui autorisent tous les détournements d’argent public. Elles sont conscientes que le chaos a permis tous les trafics et que l’Etat a depuis longtemps failli.

Jean-Louis LE TOUZET

Source: Le 22 /06/2015