Attaques de Tenenkou L’ombre de Hammadoun Koufa avec un Mouvement de Libération du Macina plane

 

Les dernières attaques de Tenenkou, aux dires de certains cadres de cette localité n’ont pas surpris. Car dans cette localité, aucune bande criminelle ne répond de rien.  Les populations sans assistance, longtemps livrées à elles-mêmes ont eu le temps de développer un sentiment d’abandon, mettant l’Etat et ses représentants en cause.  Cette zone de cohabitation entre Maures, Peuls et Touaregs est devenue au fil du temps, une terre de repli pour différents groupes armés repoussés du grand nord par les opérations militaires des casques bleus et de Barkhane. Ne bénéficiant pas de l’Etat et de ses partenaires, du même traitement que les régions situées plus au nord du Mali, la bande qui lie Nampala, Léré et Ténenkou est en proie à toutes les aventures possibles, y compris la velléité d’y ramener un « ordre ancien » : celui de l’Empire théocratique peulh du Macina de Sékou Amadou au XIXème Siècle.

Les habitués des plénières de l’assemblée nationale du Mali n’ignorent pas non plus la situation qui prévaut sur cette bande s’étendant le long de la frontière avec la Mauritanie. Pendant la législature passée, les élus de Tenekou (dont l’honorable Témoré Tioulenta) ont attiré l’attention à maintes reprises, sur l’urgence qu’il y avait à surveiller et à ne pas continuer de laisser à l’abandon cette zone. Toutefois, cet abandon s’explique par des considérations géostratégiques et géopolitiques, faisant de l’épicentre de la rébellion, comme Kidal, une priorité et reléguant au second plan la bande en cause. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre que toutes les zones affectées par ce phénomène n’ont pas eu le même traitement, « on n’a pas traité toute la zone affectée de façon équitable. Dès qu’ils ont été attaqués et qu’ils se sentent mal à l’aise ils se replient sur cette bande », explique un député.

Après les attaques perlées de Nampala, le 5 Janvier et de Tenekou, les 8 et 16 Janvier 2015, les populations restent encore dans la peur. Des informations font état d’enrôlement des jeunes de la localité par les groupes rebelles. Ils ne sont pas étrangers aux dernières attaques de Tenenkou, remontés contre l’Etat, pour les avoir laissé à l’abandon. Selon un cadre de Ténenkou rencontré à Bamako, « ils prêtent facilement une oreille attentive aux alternatives miroitées par les Jihadistes et suivent ».

Aujourd’hui, faute de revendication, il parait difficile de dire avec certitude, qui sont les assaillants de Tenenkou. Ce qui est sûr, les assaillants parlaient aux populations, en peulh, témoignent les ressortissants de Tenenkou.

« Ils ont dit qu’ils n’ont pas à faire à la communauté mais qu’ils sont contre l’Etat et ses représentants. Ils font leur conquête au nom de la religion et  revendiquent un certain ‘’ordre ancien’’ », disent les ressortissants. « Nous sommes là pour la religion…  Allah Akbar… La Ilaha ilalah » (il n’y a de dieu que Dieu), scandaient-ils. Selon d’autres sources, les assaillants avaient à leur disposition des enregistrements de prêches de l’Imam Hammadoun Koufa qui a participé à la prise de Konna par les Jihadistes le 10 Janvier 2013. (Lire Portrait de Hammadoun Koufa).
Sentiments d’abandon

Les témoignages que nous avons recueillis avec des ressortissants de Tenenkou ont plusieurs fois évoqué un douloureux évènement du 18 Mars 2013. A cette date, des forains ont été attaqués au niveau du village de Doungoura dans la commune rurale de Toguéré Coumbé, située sur cette bande. Des hommes armés ont fusillé et égorgé une vingtaine de Maliens qu’ils ont jetés dans un puits, déplore un ressortissant de Tenenkou. Il y a eu des rescapés qui ont parlé, mais les plaintes n’ont pas donné lieu à une enquête sérieuse, malgré les multiples initiatives des cadres ressortissants de Ténénkou. Notre interlocuteur reconnait que la Minusma s’y est rendue sur le terrain, mais seulement au début d’Avril 2014, soit plus d’une année après les crimes. A sa suite, la gendarmerie nationale sera là aussi.

Mais jusque là, rien d’officiel sur les tueries de Doungoura. « Les parents des victimes de cette attaque du 18 Mars 2013 n’ont reçus aucune condoléance venant des autorités et il n’y a eu aucune rencontre entre ces communautés et l’Etat », nous signale un ressortissant de Tenenkou. Il y a donc un sentiment d’abandon qui rend indispensable des réparations, des rattrapages que l’Etat doit faire. La frustration est grande du  côté des populations comme du côté des cadres. « On ne peut pas comprendre que l’Etat existe et ne s’occupe pas d’une partie de sa population », déplore-t-on.

Toutefois, à l’initiative d’un ancien député de la localité, Témoré Tioulenta, une association a été créée, le «Collectif justice pour les victimes de Doungoura ». Elle doit lutter pour que les voix des victimes et de leurs parents soient entendues par les pouvoirs publics. Pendant ce temps, des attaques se multiplient sur cette bande incontrôlée. Il n’y a pas de communication officielle et les rebelles semblent se trouver en  terrain conquis. Les populations déplorent un « manque d’attention de l’Etat » face aux cris des populations, y compris au plan humanitaire. On dénonce l’absence de services sociaux de base ; les écoles sont à l’abandon. Dans ce contexte, qui peut empêcher ‘’les marginaux et des révoltés’’ d’être tentés et embarqués pour cette aventure avec les Jihadistes ?

Aujourd’hui, à Tenenkou, on pense que malgré la présence de troupes à Dioura et Nampala, l’implication des populations parait plus que nécessaire et que sa contribution peut apporter plus d’effet que la présence des blindés sans cette implication. La solution est dans l’accompagnement de la communauté à la prise en charge de sa sécurité. Si l’Etat ne le fait pas, c’est d’autres qui pourraient le faire contre l’Etat.
B. Daou
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Qui est Hammadoun Koufa ?

S’il a survécu à l’opération Serval, Hammadoun Koufa doit avoir 62 ans. Il serait ressortissant, de Niafunké, ou alors, c’est là qu’il aura passé son jeune âge. C’est entre 2010 et 2012, qu’il était devenu un grand prêcheur, avec un discours qui s’en prend aux autorités politiques et administratives et appelait à un islam plus rigoureux.

Aux premières heures qui ont suivi la prise de Konna par les jihadistes, le jeudi 10 janvier 2013, le nom de Hammadoun Koufa était sur toutes les lèvres. On lui attribuait la prise de cette ville stratégique. Imam réputé pour ses prises de position radicales, Hammadoun dit Hammadoun Koufa  par adjonction du nom de son village natal, est un prêcheur qui s’est fait connaitre notamment grâce à ses nombreuses interventions, sur les stations de Radio de Mopti.

C’est dans une mosquée de Konna, le soir même de la prise de cette localité, qu’il fera la déclaration suivante « il n’y a plus de préfet, plus de sous préfet, plus de maire, plus jamais d’impôts et de taxes, plus de carte nationale d’identité… ». Désormais ; poursuit-il, « les femmes restent à la maison, elles n’en sortiront que voilées et il n’y a plus de loi que la charia et c’est l’iman de Konna qui aura la charge de l’appliquer ».

Mais la gloire n’aura finalement duré que le temps d’une journée. En effet, alors que la ville de Konna se préparait déjà à enterrer ses morts, tôt levendredi 11 janvier 2013, intervinrent les premières frappes aériennes conjointes de l’armée malienne et  de l’armée française. Depuis, on ne sait plus ce qu’est devenu l’Imam qui devenait l’Emir de Konna. Certains l’ont donné pour mort, suite à ses blessures, mais aucune preuve formelle n’est venue corroborer cette version. Depuis le vendredi 11 janvier 2013, personne n’a plus jamais eu de ses nouvelles à Mopti. Certains expriment leur crainte qu’il n’ait eu l’idée d’aller faire un tour au Nigeria avec Boko Haram, ou avec certains katibas d’Alqaida.

B. D.

Source: Le Républicain Mali 2015-01-23 02:14:49