Amidou Danioko: Un maître bijoutier

Amidou Danioko Un maître bijoutier

Reconnu pour l’originalité et la richesse de ses œuvres, il fait sans doute partie des créateurs maliens qui ont révolutionné leur domaine ces cinquante dernières années.

Rien d’étonnant donc qu’il ait remporté le prix Label d’excellence de l’Unesco en 2007

« Je fais des pièces uniques qui sont vendues à travers le monde entier. »

Amidou Danioko, maître bijoutier à la Maison des artisans de Bamako, n’est pas peu fier de son travail.

Il nous reçoit dans son box d’à peine trois mètres carré qui est composé d’une forge et d’un présentoir dont la charpente est faite en aluminium et le corps en verre.

Un long miroir de plus d’un mètre est fixé sur un autre pan de mur permet au client d’apprécier les bijoux à essayer.

Ici tout est estampillé « Taasiri » ou attaché le feu.

Car Amidou se donne régulièrement des défis à relever, « celui qui s’est donné comme mission d’attacher le feu ne peut se reposer », dit-il.

Il fait sans doute partie des créateurs maliens qui ont révolutionné leur domaine ces cinquante dernières années.

À son actif, plus 300 modèles (bagues, bracelets, boucles d’oreille, tours de cou, chaînes et pendentifs), aussi bien en or, argent, en bronze, et autre métaux précieux qu’avec du bois d’ébène ou des cuirs, qui sont repris par d’autres bijoutiers dans la ville de Bamako et souvent au-delà même des frontières notre pays.

Amidou explique qu’il a du mal à reproduire ou à tenter d’imiter un objet.

« J’ai toujours envie de faire du nouveau, pas de revenir sur ce que j’ai déjà confectionné.

» En réalité, notre maître artisan est à la fois concepteur ou designer de pièces.

Ailleurs, il se serait contenté de produire des formes et de les mettre à la disposition des exécutants pour la réalisation de l’œuvre qu’il aura conçue.

C’est ainsi que de 1996 à nos jours, il se rappelle avoir produit plus de 100 modèles de bracelets qui sont aujourd’hui vendus à Bamako et ailleurs.

« Si je ne m’abuse, tous les modèles de bracelet qui sont portés de nos jours à Bamako ont été conçus par moi-même. »

Mais, comme tout bon artiste, Amidou ne peut pas expliquer l’envie qui lui vient fréquemment de produire de nouvelles formes. Ce qui explique en réalité sa « propension à ne produire que des pièces uniques ».

« Chaque fois qu’un client m’emmène un modèle à reproduire, je le donne volontiers à un autre artisan, car je ne peux pas faire ça », confie-t-il.

Beaucoup de clients qui lui apportent des modèles industriels faits dans d’autres pays.

OPPORTUNITÉ- Amidou a plus d’un autre tour dans son sac, il a aussi mis au point une formule qui permet de trouver la bonne mesure d’un bijou à partir de la mesure du tour de bras, du doigt ou du cou du client. Il affirme vouloir déposer bientôt cette formule au Centre malien de promotion de la propriété industrielle (CEMAPI) afin de la protéger.

Après avoir parcouru le monde entier pour vendre ses créations, Amidou travaille depuis 2011 avec de grandes marques internationales Hermès (France) ou Soon (Luxembourg).

Dans un passé récent, le ministère de l’Artisanat et du Tourisme a offert aux artisans maliens l’opportunité de parcourir presque toutes les grandes places fortes du monde qui donnent de la valeur à l’artisanat.

Par exemple, les expositions-ventes à la Bourse du commerce dans le 1er Arrondissement de Paris (France) étaient des moments très importants pour l’artisanat de notre pays, se souvient Amidou Danioko.

« C’est à travers ces expositions que de nombreux galeristes, salons, marques et autres magasins de vente ont pris contact avec nous artisans du Mali.

Nous y avons ainsi noué des contacts avec des Chinois, des Japonais et des Américains, des Brésiliens et des Australiens.

Ces relations se poursuivent de nos jours », explique Amidou.

Milan Polomack est une artiste designer de la Martinique.

Elle expose régulièrement dans les grandes villes comme Paris, Londres, New York, Berlin ou Bruxelles.

Elle travaille avec Amidou Danioko depuis 2010.

Actuellement en séjour à Bamako, nous l’avons rencontré au siège de « Taasiri » à la Maison des artisans.

Elle explique qu’elle apporte surtout des dessins qu’elle a du mal à réaliser.

Elle fait également des commandes que Amidou exécute en pièce unique.

Si elle apprécie naturellement le travail de Amidou, elle estime que son client doit chercher à documenter davantage ses productions.

La quarantaine, Amidou Danioko est vite reconnaissable par son crâne à moitié lisse du fait de la calvitie.

La barbichette prolonge son menton.

Ce bijoutier est reconnu pour l’originalité et la richesse de ses œuvres.

Cela lui a permis de remporter des prix et des récompenses aussi bien au Mali, en Europe et même en Amérique.

En novembre dernier, son œuvre intitulée « N’dola » a obtenu le prix Label d’excellence de l’Unesco en 2007.

C’est un ensemble de pendentif, de boucle d’oreille et de bracelet.

Chacun de ces éléments est un assemblage du bois d’ébène et de l’argent.

Le Label d’excellence de l’Unesco sert de mécanisme de contrôle de qualité, et constitue un instrument pour la commercialisation des produits.

Il garantit la qualité irréprochable des produits traditionnels faits-mains.

Ce label est délivré à des produits innovateurs de la région Afrique au Sud du Sahara.

Il est organisé pour la première fois dans cette partie de l’Afrique.

Le Label d’excellence n’est donc pas attribué «aux meilleurs» produits comme le serait un prix à la suite d’un concours.

C’est une marque d’approbation qui garantit que le produit artisanal ou la ligne de produits fabriqués qui respecte les critères de qualité définis et qui ont été élaborés conformément aux exigences de l’authenticité culturelle et de la protection de l’environnement.

PROCESSUS DE PROTECTION- Le « N’dola » de Amidou Danioko a été sélectionné en même temps que quatre œuvres dont une de Ag Ali, un autre d’un artisan malien.

La foire de Paris, un des plus hauts lieux de la vente des objets d’artisanat, recevra désormais les œuvres de ces deux créateurs.

Les lauréats rentreront également dans le musée de l’Unesco à Paris.

En fin 2006, le bureau du commerce extérieur du Canada a sélectionné cinq artisans maliens de la bijouterie et des accessoires de mode pour un voyage d’étude à Montréal et à Toronto.

Les échantillons de produit que Amidou et ses quatre collègues ont présentés, suivent actuellement un processus de protection afin qu’ils ne puissent pas être plagiés.

Avant cela, son bracelet dont la manche est en argent et la table, en bois d’ébène autour duquel est enroulé un fil d’argent, a été sélectionné parmi les 50 meilleures œuvres design du continent africain par le ministère français des Affaires étrangères et le ministère de l’Artisanat du Burkina Faso.

Amidou a exposé à Ouaga grâce au soutien du ministère de l’Artisanat et du Tourisme et du Centre national de la promotion de l’artisanat.

Une grande exposition qui a regroupé les professionnels de la mode et des accessoires de la mode du monde entier.

C’est ainsi qu’un grand magasin luxembourgeois a décidé de présenter dans ses rayons des œuvres de Amidou.

Depuis 2006, ce magasin vend régulièrement toute sa gamme de produits allant des bracelets aux boucles d’oreille en passant par les bagues, les pendentifs, les tours de cou et les cœurs de chaîne.

Son objectif est d’ouvrir une petite unité de fabrication et pourquoi pas un centre d’apprentissage pour transmettre ses techniques de création et fabrication à des jeunes.

Youssouf Doumbia

Source: L’essormali