Affrontements entre militaires et décisions de la CEDEAO : Les Bamakois se prononcent

Sambou Fofana, Professeur. d’Histoire et Géographie au lycée Mamadou Sarr: «Je suis déboussolé par cette situation»

Le Mali est à une phase importante de son histoire, un tournant assez déterminent, qui appelle l’union sacrée de tous ses fils, plus particulièrement des forces de défense et de sécurité, pour un seul objectif aujourd’hui, à savoir la réunification du pays. Si l’on constate que c’est cette même armée qui se livre à une guerre fratricide interne, alors moi, en temps que citoyen civil, je suis un peu déboussolé par cette situation, qui est très regrettable, qui ne fait pas honneur à notre armée et qui n’était pas opportune dans la situation actuelle. C’est pourquoi c’est un malheureux incident qu’il faut rapidement juguler pour aller vers un regroupement de l’armée malienne vers des objectifs qui sont clairs.

Moussa Diarra, électricien en bâtiment: «En aucune façon il ne devait avoir ces incidents»

Il n ya pas deux capitaines dans un bateau. Après ce qui s’est passé le 22 mars, les militaires devaient se donner la main pour faire face à d’autres défis. Ils sont chargés de nous protéger et non de se tirer dessus. En aucune façon il ne devait avoir ces incidents. Mais Dieu aime le Mali, c’est pourquoi il n’a pas voulu que les bérets rouges prennent le dessus sur les bérets verts. Nous devons tous prier pour que notre pays surmonte cette phase critique de son histoire.

Lahaou Konté, calligraphe décorateur: «Nous regrettons ce qui s’est passé»

Ce qui doit arriver,arrivera. Je demande aux militaires de parler le même langage, dans l’intérêt du Mali. Les défis sont nombreux aujourd’hui dans le pays. Au-delà de la situation au Nord, il ya plusieurs autres problèmes auxquels les autorités doivent faire face. Entre autres, le défi de la sécurité alimentaire, qui frappe même les familles de Bamako. Les gens vivent au jour le jour. S’il faut que, dans ces conditions, les militaires se battent entre eux, vous voyez ce que cela peut entrainer. Nous prions le bon Dieu pour qu’il fasse en sorte que notre pays puisse retrouver sa stabilité. Le Mali est un pays de paix. Nous regrettons ce qui s’est passé et prions pour que cela ne se reproduise plus, car les militaires sont d’abord chargés de notre sécurité.

Bintou Traoré, couturière: «Ces affrontements ne se justifient pas»

Je commencerai par prier le bon Dieu pour que le calme qui règne  à Bamako en ce moment puisse être une continuité, et cela pour de bon. Parce que le Mali a plus que jamais besoin de stabilité au Sud pour faire face aux multiples écueils de l’heure. Sur la tentative de renversement de situation et les affrontements de la nuit du 30 avril au 1èr mai, je pense qu’ils ne se justifient pas. C’est la preuve d’ailleurs que nos militaires et nos hommes politiques n’ont pour seul objectif que la défense de leurs intérêts égoïstes. Je ne soutiens pas la junte qui a renversé Amadou Toumani Touré, mais je pense que le Mali était dans une situation qui pouvait légitimer le coup de force du 22 mars. Tant qu’il n y aura pas de stabilité au Sud, il sera très difficile pour le CNRDRE de tenir son principal engagement, à savoir la gestion de la crise du Nord. Je demande à la classe politique, aux militaires et à la société civile de comprendre que le seul combat qui vaille aujourd’hui, celui de la réunification du pays et la gestion de la crise alimentaire, qui commence déjà à se faire sentir.

Propos recueillis par Yaya Samaké

Tangara Mamadou, agent CAECE Jiguiseme Lafiabougou ACI: «C’est à l’armée malienne d’aller au Nord»

Pour ne pas créer un problème en plus de la crise que nous vivons actuellement, l’accord cadre stipule qu’après 40 jours, la facilitation, le CNRDRE et les forces vives vont décider de la mise en place de la transition. La CEDEAO ne doit pas s’arroger le pouvoir d’imposer un Président au Mali, encore moins de décider de la durée de la transition. A Dakar, la CEDEAO a bien fait en décidant d’envoyer des soldats sur notre territoire seulement à la demande du gouvernement malien. D’ailleurs, ce serait une honte totale pour l’armée malienne. On a des soldats, c’est à l’armée malienne de libérer le Nord du pays.

Mohamed Sow, vendeur d’écrans plats: «Je suis pour que Dioncounda assure la transition»

Moi, je suis entièrement d’accord avec la CEDEAO pour que Dioncounda assure la transition, puisque les 40 jours de l’intérim sont trop courts. Seulement, si la CEDEAO veut vraiment aider le Mali, il faut qu’elle envoie des militaires au nord, mais pas des militaires pour protéger Dioncounda. Tout ce que les Maliens souhaitent, c’est de retrouver l’unité du pays.

Aladji, entraîneur de football: «Mettre le Mali au dessus de tout»

Nous faisons partie de la CEDEAO, malheureusement nous ne maîtrisons pas les textes de cette organisation sous-régionale. La question que je me pose, c’est est-ce que la CEDEAO a vraiment reculé par rapport aux décisions prises au sommet d’Abidjan? Sinon, un an de transition n’est pas suffisant. Je pense aussi que cette transition ne peut pas aller sans les militaires qui ont fait le coup d’Etat. Je demande que tout le monde mette le Mali au-dessus de tout. D’autre part, c’est vraiment regrettable, les combats de l’autre jour ont opposé les bérets rouges aux bérets verts, soit deux corps au sein d’une même armée. Le Capitaine et la junte doivent faire tout pour restaurer la quiétude au sein de l’armée nationale.

Boubacar Traoré, jeune diplômé sans emploi: «Les militaires doivent rentrer dans leurs casernes»

Selon l’accord cadre, les militaires doivent rentrer dans les casernes. Nous, les jeunes, on n’a pas de travail. Pire, maintenant même ceux d’entre nous qui ont trouvé un boulot sont en train de perdre leur emploi. Autre chose, le Premier ministre a promis de garantir la sécurité des populations, ce qui est loin d’être fait. J’accepte tout, sauf les militaires au pouvoir. Pourquoi attendre 40 jours pour choisir celui qui va diriger la transition? Maintenant que le pays est divisé, le vrai problème se trouve au Nord. Malheureusement, tout le monde se précipite sur la transition.

Propos recueillis par Pierre Fo’o Medjo

Le 22 Septembre 07/05/2012