Affrique de L’Ouest :L’économie de la drogue en plein boom

Le trafic de drogue et le blanchiment d’argent sale sont devenus des activités florissantes en Afrique de l’Ouest en général et au Mali en particulier. Un crime organisé parfois au plus haut niveau des Etats.Presque tous les pays d’Afrique de l’Ouest sont aujourd’hui touchés par l’économie de la drogue. Le crime organisé a en effet connu un développement prodigieux et spectaculaire ces dernières années dans cette partie du continent. A telle enseigne que le trafic de drogue et le blanchiment de l’argent qui en découle sont devenus des activités ordinaires de bien des acteurs économiques et sociopolitiques.

Le Bénin en plaque tournante

De par sa proximité  avec son voisin géant le Nigeria, le Bénin est depuis longtemps une plaque tournante de nombreux trafiquants de drogue nigérians. Mais aussi de Ghanéens, qui préfèrent transiter par ce pays pour se rendre en Europe ou ailleurs. Sans oublier de plus en plus de Béninois, même des personnes au-dessus de tout soupçon, qui participent à ce commerce bien plus lucratif que tous les autres, de connivence avec des commerçants libanais ou indo-pakistanais généralement. Cette situation oblige les autorités béninoises en charge de la lutte contre le trafic des stupéfiants à redoubler de vigilance.

«Un de nos compatriotes qui était venu rencontrer des gens qui voulaient faire des affaires avec lui s’est vu remettre à son départ une mallette pleine de drogue. Comme elle était tellement lourde, il a eu la présence d’esprit de l’ouvrir et d’en découvrir le contenu», raconte un diplomate européen en poste à Cotonou. Récemment encore, un trafiquant qui avait avalé des boulettes de drogue a été arrêté à l’aéroport international Cardinal Bernadin Gantin de cette ville principale.Le phénomène n’est pas nouveau. Loin s’en faut. Et on serait même tenté de dire que les trafiquants affinent tellement leurs stratagèmes pour passer les frontières qu’il y a de moins en moins d’arrestations.

Policiers ripoux

En août 2007, une barque a échoué sur les plages de Grand-Popo et Ouidah après avoir chaviré avec ses occupants. Lesquels ont réussi à  prendre la fuite en abandonnant deux de leurs complices. Des kilos et des kilos de drogue se sont alors déversés. Certains habitants ne se sont pas fait prier pour se servir avant l’arrivée des agents de police. Parmi ces derniers, il s’est trouvé des indélicats pour en subtiliser aussi. Au total, 53 civils et 8 fonctionnaires de police ont été interpellés et écroués, parmi lesquels le Directeur général de la police nationale (DGPN), Antoine Azonhounmè.

«Aujourd’hui au Bénin, on retrouve même des trafiquants notoires de drogue partout, y compris à l’Assemblée nationale. Ils y vont parce qu’ils ont besoin de l’immunité parlementaire pour continuer à trafiquer impunément. Et ils se servent de cet argent pour acheter le vote des citoyens», s’indigne Arnaud Houssou, commerçant au marché international de Dantokpa à Cotonou.

Des régimes impliqués dans le trafic

Depuis que la longue crise sociopolitique en Guinée-Bissau a rendu le pays dépendant du trafic de drogue, il est devenu non seulement le réceptacle mais aussi le redistributeur de toute la drogue en provenance d’Amérique latine, à la faveur de la chute du régime de Lansana Conté, dont la triste réputation en la matière était aussi de notoriété publique. On se souvient d’ailleurs que son fils, Ousmane Conté, commandant dans l’armée guinéenne, a été arrêté et jeté en prison par l’ex-président Dadis Camara avant son éviction du pouvoir.

Tout comme la Guinée et la Guinée-Bissau, l’économie du Togo a survécu en grande partie grâce à ce crime organisé pendant les années de mise au ban par l’Union européenne. Des années de sanctions économiques contre le régime du président Gnassingbé Eyadema au cours desquelles Lomé (la capitale) a attiré des trafiquants de tout acabit et de toutes nationalités. Même si des Libanais restent toujours les champions, toutes catégories confondues.

Aqmi croise la route des trafics

Avec la création d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), les chemins de la drogue se sont multipliés en Afrique de l’Ouest. L’Aqmi participe à ce trafic comme à celui de cigarettes et d’armes. Le Mali, qui subit déjà les conséquences des enlèvements d’occidentaux par le réseau islamiste, fait également les frais d’un trafic de drogue en pleine expansion.

En novembre 2009, un avion en provenance du Venezuela a atterri à Gao au nord-est du pays, avec de la cocaïne et des produits illicites à son bord. Un faits divers aussi rocambolesque qu’inquiétant. Selon Alexandre Schmidt, le responsable de l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC), les trafiquants avaient incendié l’avion pour détruire toute trace de ce trafic. Mais les enquêteurs ont pu identifier la provenance de l’avion, apparemment affrété par des cartels de la drogue. Le 9 mars 2011, un pilote de nationalité française a été arrêté en rapport avec cette affaire.

Dans un récent rapport de l’ONUDC, l’Afrique de l’Ouest est considérée comme «un point de transit important dans le commerce de drogue d’Amérique latine vers l’Europe». A y regarder de près, le crime organisé dû à ce trafic prend des proportions on ne peut plus alarmantes dans toutes les capitales de la région. Mais la partie visible de l’iceberg reste les grands immeubles de verre ou de marbre qui y champignonnent ainsi que les grosses et rutilantes voitures de dernière génération qui y circulent. Dans ces pays, l’argent du blanchiment est injecté dans les économies par divers canaux. Sans que les pouvoirs publics puissent lutter contre ce phénomène, faute de moyens efficaces ou de volonté politique.

Slate.fr 01/04/2011