Affaire héritiers de Faran Samaké contre Amadou djicoroni :Le public finalement autorisé au procès

Les faits remontent au mois de juillet dernier. Au cours d’une conférence-débat portant sur le parcours du président Modibo Kéïta, tenue à Nara le 8 juillet 2010 à l’occasion des festivités du cinquantenaire, Amadou Djicoroni Traoré a soutenu ceci: «la thèse de la mort de Modibo Keïta est claire. C’est un empoisonnement par injection, sur une ordonnance prescrite par le Dr. Faran Samaké… ». Des organes de presse invités à ce débat ont relayé fidèlement ces propos. Pour les héritiers de feu Faran Samaké, c’est le fait qu’Amadou Seydou Traoré allègue, toujours à travers les mêmes organes de presse que : «…Faran s’est suicidé en mars 1978. Le pouvoir était en plein délire. Vous comprenez pourquoi je ne pouvais en aucune manière interpeller Faran. Ses responsabilités n’ont rien à voir avec le fait qu’il soit mort ou vivant. Je vous rappelle que j’ai de la répugnance à parler des morts. Je l’ai écrit dans mon livre, intitulé Devoir de mémoire, devoir de vérité. Mais, dans les cas d’exception, devoir oblige».

Dans la citation directe pour diffamation remise à Amadou Seydou Traoré, le 15 octobre 2010 à 11h 50, les héritiers du Dr. Faran Samaké qualifient ces propos de «pure calomnie, dans la mesure où la preuve d’une condamnation judiciaire dans ce sens n’a pas été rapportée par M. Traoré, encore que ce dernier n’a démontré nulle part le moindre élément tangible d’une prescription médicale émanant du Dr. Faran Samaké, encore moins que celui-ci se serait suicidé».

Ayant subi un préjudice moral à travers les nombreuses «déclarations diffamatoires» d’Amadou Djicoroni Traoré, les héritiers du Dr. Samaké se sont dits fondés à saisir le tribunal correctionnel de céans, en vertu des dispositions combinées des articles 380 et 384 du Code de Procédure Pénale, pour obtenir réparation de faits diffamatoires. Ils demandent au parquet de déclarer Amadou Seydou Traoré coupable des faits de diffamation qui lui sont reprochés et de lui faire une bienveillante application de la loi pénale. Ils demandent aussi au tribunal de condamner Amadou Seydou Traoré à cesser ses diffamations de la mémoire de feu Faran Samaké, sous peine de 500.000 FCFA d’astreinte par contravention à verser aux héritiers. Finalement, ils souhaitent la condamnation de l’accusé au paiement du franc symbolique à titre de dommages et intérêts.

Comme on a pu le constater lors de l’audience de consignation du 2 novembre dernier qui a vu la mobilisation de nombreux dirigeants politiques et anciens compagnons du défunt président, ce procès est hautement politique. Pour beaucoup, c’est l’occasion de faire enfin la vérité sur les circonstances de la mort du premier président du Mali. En tout cas, Amadou Seydou Traoré dit Djicoroni a confié à la presse qu’il détient les preuves. « Je détiens toutes les preuves de mes affirmations, concernant la mort de feu Modibo Kéita ».  Il s’est d’ailleurs étonné qu’après plus de 33 ans, on l’attaque pour des propos qu’il avait plusieurs fois tenus, notamment à l’occasion des débats et qui sont, d’ailleurs, sur l’Internet.

Ce qui est sûr et certain, les Maliens ont droit à la vérité et seront aujourd’hui très nombreux à l’audience de ce matin qui sera finalement ouvert au grand public. Les autorités judiciaires ont pris la décision d’accepter le public dans la salle, mais sous une forte protection des forces de sécurité.

On se rappelle que les deux parties s’étaient retrouvées devant le tribunal de première instance de la commune III le 2 novembre dernier pour une audience de consignation au cours de laquelle les avocats des plaignants avaient exigé de l’ancien dignitaire de la première République présente «  des excuses publiques par voie de presse » aux héritiers de feu Faran Samaké, alors que les conseils de la défense demandent « la comparution de  l’ex-chef de l’Etat, Moussa Traoré pour la manifestation de la vérité ». Au juges de décider.

Abdoulaye Diakité

L’Indicateur Renouveau 30/11/2010