Affaire Barou Tall Qui a intérêt à torpiller le droit ?

C’est une affaire qui est au cœur de l’actualité judiciaire brûlante malienne : un homme dénommé Almamy Cissé dit Djinè (diable), a tiré à bout portant, en plein jour, dans le quartier de Bamako-Coura, plusieurs coups de fusils sur la victime, le vieux Barou Tall, ancien président de l’APCAM. Les policiers, en faction, au niveau du rond-point de Gondole, accourus sur les lieux, ont porté secours et empêché même à la foule, de passer à la vindicte populaire.

Les enquêteurs de la police, PV à l’appui, ont procédé à l’interpellation du suspect. A la police du 1er arrondissement, ils ont fini par auditionner toutes les parties. Leur constat ne souffre d’aucune ambiguïté : agression à main armée et tentative d’assassinat.

Dans le quartier de Bamako-coura, où les faits se sont déroulés, tout le monde parle de cette affaire, comme dans un film de western.

L’embarras de ce dossier, c’est qu’il souffre aujourd’hui, d’une vive polémique judiciaire. En fait, quelques jours après l’incarcération du tireur, le nommé Cissé, jouissant certainement de solides liens occultes au sein du corps de la justice, au nom d’une procédure à la fois presque taillée sur mesure, sera remis en liberté provisoire. C’est dire que le dossier a été complètement vidé de sa substance juridique. Cissé est-il au-dessus de la justice malienne ? Où sont passés les très sérieux Tessougué et autre Malick Coulibaly, les fers de lance de notre justice ?

Le PV de police, qui visait les charges d’agression à main armée et tentative d’assassinat, a été tout corrigé pour ne retenir à l’encontre de ce dernier que des fiats sordides, comme par exemple, menace de mort, opposition à l’autorité légitime, violence et voies de fait. Une manière plus subtile de le mettre hors des sanctions pénales prévues par les infractions initiales. Mais cet acte n’est-il pas prémédité ?

Pour rappel, tout est parti d’un litige foncier sur la propriété de « Madeleine Coiffure » autour d’une concession, objet du titre foncier n°327-CIII du district de Bamako, à Bamako-Coura, domaine appartenant à la famille Haïdara. C’est donc pour les besoins de leurs activités professionnelles que le vieux Tall et son épouse ont signé avec les héritiers Haïdara un acte sous-seing privé, portant sur un bail emphytéotique à usage professionnel. Par accord, cet acte prévoyait que « la famille Haïdara prend l’engagement d’accorder aux époux Tall un privilège de premier rang au cas où les héritiers Haïdara se décidaient à vendre tout ou partie de l’immeuble ».

En application de cette clause, la vente de la propriété à M. Cissé sera tout naturellement annulée par la justice quand les époux Tall ont porté plainte à cet effet. Puis ensuite, suivra un long feuilleton judiciaire ponctué de rebondissements spectaculaires.

Mais, en définitive, selon les héritiers, qui ne demandent aujourd’hui que la jouissance de leur bien, la propriété définitive consacrée par la justice sur les lieux appartient aux époux Tall. Ces derniers détiennent toutes les pièces administratives et judiciaires leur octroyant la propriété de ce domaine litigieux.

Mais, rien n’y fait : les époux TAll n’arrivent toujours à jouir la propriété de leurs lieux, toujours convoités par M. Cissé qui ne recule devant rien. Il s’en sort souvent avec des soutiens occultes qu’il entretient dans les allées tortueuses de l’administration de la justice. La preuve ? Interpellé par les policiers pour agression à main armée et tentative d’assassinat, et écroué à la prison, l’intéressé bénéficiera quelques jours plus tard de la liberté provisoire avec la disqualification des faits en menace de mort, opposition à autorité légitime, violences et voies de fait.

Qui a intérêt à torpiller la procédure ?

Ce qui est sûr, c’est que dans ce dossier, il y a plus nettement une justice à deux vitesses qui est en oeuvre : tandis que la victime, de surcroît un vieux fonctionnaire à la retraite, a été brutalement attaqué à coups de fusil, en plein jour, tente vainement de chercher justice, son agresseur, lui, puisque protégé par ses connexions amoureuses, est habilement soustrait de la sanction pénale. Cela surprend au Mali aujourd’hui pour une justice qui avait entamé son renouveau. Chassez le Naturel ? Il revient au galop, tel semble être le cas des tribunaux maliens. Hélas !

Les époux Tall qui affirment à qui veut l’entendre qu’ils ont confiance en la justice de leur pays, eux, ne souhaitent faire aucun commentaire sur cette affaire, toujours pendante en justice, en estimant que la force du droit finira toujours par triompher des manœuvres sordides, des manèges des hommes du droit et leur penchant mercantiliste.

Nous y reviendrons

Le Matinal 2013-06-04 19:06:10