Adoption de la loi sur la prévention et la répression de l’enrichissement illicite

Faut-il le rappeler, ce projet de loi a été initié initié par l’ancien ministre de la Justice de la Transition, Malick Coulibaly. Avec l’adoption de cette loi, les acteurs de la lutte contre la corruption et la délinquance financière auront désormais entre leurs mains un instrument efficace pour traquer les délinquants financiers et les voleurs de la République.

Pour rappel, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, a décrété l’année 2014 comme celle de la lutte contre la corruption. L’adoption de cette loi vient donc à point nommé et le vote intervient au moment où le bilan des engagements des donateurs de Bruxelles est un peu flatteur.

En effet, sur les 2 155 milliards promis, seuls 965 milliards ont été positionnés pour le Mali, sur lesquels 333 milliards ont déjà été encaissés par notre pays. Car les bailleurs de fonds tiennent à une gestion transparente de leur argent. Avec cette loi, une véritable épée de Damoclès plane désormais sur les têtes de ceux qui auront la lourde charge de gérer ces fonds.

Ce qu’il faut retenir du texte, c’est que l’enrichissement illicite est défini comme l’augmentation substantielle du patrimoine de toute personne, que celle-ci ne peut justifier par rapport à ses revenus légitimes, ou un train de vie mené par cette personne sans rapport avec ses revenus légitimes. L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, une autorité administrative indépendante dotée de l’autonomie financière, sera la structure principalement chargée de coordonner l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de lutte envisagées au plan national, sous-régional et  internationale en matière d’enrichissement illicite.

Cet organe peut saisir le Procureur du Pôle Economique et Financier compétent, sur la base d’information graves et concordante. La lutte contre l’enrichissement illicite impliquera, dans son domaine de compétence, toute structure statutairement investie d’une mission de contrôle et de vérification de la gestion de services publics et, plus spécifiquement, les Pôles Economiques et Financiers, le Contrôle Général des Services Publics, le Bureau du Vérificateur Général, la CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières) et les Inspections des Départements ministériels.

Mais la poursuite et l’instruction des infractions d’enrichissement illicite relèvent uniquement de la compétence des Pôles Economiques et Financiers. A ce titre, le Procureur de la République du Pôle Economique et financier peut procéder ou faire procéder à une enquête pour enrichissement illicite en raison d’éléments laissant présumer une augmentation substantielle du patrimoine de la personne mise en cause ou un train de vie sans rapport avec ses revenus légitimes. Dans ce cas, la personne poursuivie dispose d’un délai de 60 jours pour justifier de l’origine licite des éléments de son patrimoine, par tout moyen.

Les peines applicables aux personnes physiques vont  de 1 à 3 ans  et de 3 à 5 ans d’emprisonnement, selon la gravité de l’infraction, et respectivement, en plus du remboursement intégral, d’une amende égale à la valeur des biens illicites et d’une amende égale au double de la valeur des biens jugés illicites.

Quant aux personnes morales, les peines sont l’exclusion des marchés publics, l’interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités commerciales, la fermeture définitive de l’entreprise ayant servi à commettre les faits et la dissolution.
Pour être plus efficace dans la lutte contre l’enrichissement illicite, le texte assujettit certaines personnalités à l’obligation de déclaration de biens devant la Section des comptes de la Cour Suprême. Il s’agit des Présidents et chefs des Institutions de la République, des personnes ayant rang de Ministre, du Vérificateur Général, du Vérificateur Général adjoint et des Vérificateurs, du Médiateur de la République, des membres de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, des membres de la CENTIF, des Présidents de Conseils d’administration des organismes personnalisés, des Gouverneurs, Ambassadeurs et Consuls Généraux, des Préfets et Sous-préfets.

S’y ajoutent les élus nationaux et locaux, les Ordonnateurs ou ordonnateurs délégués de budget, les Secrétaires généraux des ministériels, les Directeurs Nationaux ou Généraux des Services et Entreprises publics, les Directeurs des Finances et du Matériel des Départements ministériels et des Institutions de la République, les Premiers responsables des Autorités ou Institutions de Régulation sectorielle, les chefs de Juridiction et de Parquet, les magistrats du Siège et du Parquet et de l’Ordre administratif, les Chefs d’Etat-major, Directeurs nationaux, Chefs des Services Centraux et assimilés de l’Armée, de la Gendarmerie Nationale, de la Police Nationale et de la Garde Nationale, les Directeurs régionaux des services et entreprises publics, les Régisseurs et les Directeurs régionaux des Domaines et du Cadastre.

Sont enfin assujettis à cette obligation de déclaration tout Agent de l’Etat, des Collectivités locales ou des Etablissements administratifs publics chargé de la fonction d’ordonnateur ou de comptable public, tout responsable chargé de la passation des marchés publics et tout responsable des services financiers, d’assiette ou de  recouvrement. Ajoutons que cette déclaration de biens doit être actualisée à la fin de chaque année.

En défendant ce projet de loi, le ministre de la Justice a salué l’intérêt et l’attention que les députés ont accordés à ce texte.  En témoigne, selon lui, l’abondance et la qualité des amendements qu’ils ont apportés au projet de loi. A en croire Mohamed Aly Bathily, cette loi vise à assurer la transparence, car, a-t-il expliqué, lorsque des gens exercent des charges publiques, ils se doivent d’être transparents pour bénéficier de la confiance du peuple.

De son côté, le Président de la Commission des lois, l’Honorable Idrissa Sankaré, a donné les raisons des amendements qu’ils ont apportés à ce texte, notamment concernant les conjoints. Il a précisé qu’il s’agit des conjoints sous le régime de la communauté de biens. La motivation de cet amendement, c’est qu’il faut s’en tenir à la responsabilité personnelle des responsables assujettis à la déclaration des biens.

Il reste maintenant à savoir si cette loi sera appliquée dans son ensemble. Car, au Mali, on aime faire de bonnes lois, mais c’est leur application qui pose toujours des problèmes.

Youssouf Diallo

Le 22 Septembre 2014-05-18 23:37:38