LA COOPÉRATION MILITAIRE ENTRE LE MALI ET LA FRANCE : IMPASSE DEPUIS 1960-2020

Le document qui régit cette coopération, appelé Status of Forces Agreements (SOFAs) est mal compris par une majorité de maliens dont certains soupçonnent de contenir des clauses secrètes. Soit parce qu’il n’a pas été rendu publique et accessible, soit que son contenu n’a pas été vulgarisé et porté à la connaissance de la population. La procédure opaque de sa conclusion suscite également beaucoup d’interrogation.

«L’examen de cette coopération passe  d’abord par la recomposition et la construction des liens entre la France et ses anciennes colonies africaines après les indépendances» D’après Camille Evrard «l’outil militaire occupe une place spécifique dans les relations durant cette période postcoloniale. Puisque la métropole cherche à maintenir une présence militaire sur le continent » Dans ce contexte de décolonisation, les dirigeants africains de l’époque cherchent de leur côté à bâtir des armées républicaines capables de défendre leurs territoires en passant de l’armée coloniale aux armées nationales. C’est le cas du Mali où le 20 janvier 1961 le président Modibo Kéita proclama la fin de l’influence française au Mali. La rupture de la coopération militaire franco-malienne est remplacée par une coopération dynamique avec  l’ancienne Union Soviétique (URSS).

Coopération entre l’URSS et le Mali :

Les relations entre le Mali et la Russie sont anciennes et remontent à la période de l’indépendance du Mali. De 1960 à 1968, il existait  un vrai partenariat dynamique et respectueux entre le Mali et la Russie. Mais l’effondrement de l’URSS en 1991 a mis un terme à cette coopération qui a été relancée le 26 juin 2019, avec la signature des accords de défense et de coopération militaire entre les deux pays. Cet accord a été signé conjointement par les ministres de la Défense, Sergueï Choigou et Ibrahim Dahirou Dembélé, en marge du forum Armée 2019, près de Moscou. Ils prévoient l’équipement par Moscou des forces armées maliennes, les FAMA’s, Au cours des événements survenus au Mali, l’ambassadeur russe à Bamako, a reçu des remerciements lors de la mobilisation du M5-RFP, soit   le vendredi 21.08.2020 sur la place de l’indépendance.

Ainsi, «certains manifestants ont dit préférer une interaction avec la Russie et la Chine, plutôt qu’avec la France»

Pour Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), «Il n’est pas étonnant que deux des Colonels qui ont fait partie du putsch, précisément, le Colonel Sadio Camara, qui revenait donc d’une formation d’un an au Collège militaire supérieur de Moscou et un autre des putschistes, en l’occurrence, le Vice-président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), le Colonel Malick Diaw, qui lui-même était retenu pour repartir en septembre (en Russie, ndlr)»«D’ailleurs, poursuit M. Dupuy, on peut rappeler que sur les cinq membres du G5 Sahel (Mauritanie, Tchad, Burkina Faso, Mali, Niger), quatre des pays ont signé des accords de défense avec la Russie, sauf la Mauritanie»

Pour sa part, la journaliste et spécialiste de l’Afrique, Sadio Morel-Kanté explique: «L’ambition de la Russie est de réduire ou d’occuper des espaces des occidentaux en Afrique francophone. Le Mali a besoin de la Russie. Le Mali a besoin de diversifier ses partenaires » 

Après le coup d’État militaire du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN). En 1968, les nouvelles autorités militaires renouent avec la France par un accord de coopération militaire.

ACCORD DE COOPÉRATION MILITAIRE MALI-FRANCE :

«Le 16 octobre 2013, Le président de la République du Mali de l’époque aurait adressé au président de la République française, une lettre dans laquelle il aurait exprimé son souhait de conclure un traité de coopération en matière de défense.

Un traité est signé le 16 juillet 2014 par Jean-Yves Le Drian ministre de la défense de la République française et Bah Ndaw, ministre de la défense et des anciens combattants de la République du Mali.  Ce traité est comparable aux accords de coopération ou de partenariat de défense conclus avec 6 autres États avec comme objectif d’aider l’Afrique à créer son propre système de sécurité collective dans une perspective de coopération structurelle et opérationnelle».

Si cette influence française s’est maintenue dans le temps et la durée au Mali, l’heure est à une évaluation du bilan de cette coopération. Nous devons examiner la performance de cette coopération de façon séparée sur le plan de l’assistance technique. la défense, et des opérations militaires antiterroristes.

Analyse comparative de l’assistance technique :

Sur le plan qualitatif et quantitatif, l’armée malienne était mieux dotée en équipements soviétiques et bénéficiait d’une meilleure capacité logistique et opérationnelle de 1960 à 1968. L’assistance technique Soviétique avait  permis  de mieux former et perfectionner l’armée malienne qui avait conservé une forte capacité sous-régionale jusqu’en 1992 avec l’arrivée de l’ADEMA au pouvoir sous Alpha Oumar Konaré. Par un manque de vision stratégique à l’époque, son gouvernement avait procédé à l’inauguration de la «flamme de la paix» avec la destruction de certains armements de l’armée malienne. L’armée malienne a été affaiblie et sous-équipée depuis cette période jusqu’en 2020. Il faut ajouter à cette situation, l’embargo sur les armes, qui avait frappé les FAMA’s. Par la suite, plusieurs responsables chargés de la gestion des fonds alloués à l’armée, ont contribué à cet affaiblissement par les surfacturations, le détournement et malversation, y compris les mauvaises dépenses comme les achats d’aéronef, de pièces et équipements (voir rapport du vérificateur général de 2014).

ACCORD DE DÉFENSE :

Les accords de défense comportent un texte principal stipulant le « devoir d’aide mutuelle des deux pays pour préparer et assurer leur défense », ainsi que la possibilité de « faire appel à la France » (pour sa défense intérieure et extérieure) dans des conditions définies par des accords spéciaux. Dans le cas en espèce, ces accords spéciaux existent-ils entre le Mali et la France dans le cadre d’une collaboration mutuelle ? La conduite des bombardements dans le village de Bounty devrait nous donner la réponse, s’il y’a eu effectivement une participation conjointe aux opérations tel qu’il est indiqué par le communiqué du Ministre de la défense du Mali. Un des objectifs de cet accord de défense en matière de défense, c’est l’engagement des parties à concourir à une paix et une sécurité durable sur leur territoire, notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans leur environnement régionale respectif. Examinons l’analyse de Laurent Bigot ancien diplomate français qui avait émis des critiques de la politique française sur la crise malienne. Selon lui « la stratégie de Barkhane est un échec qu’il justifie par une incohérence totale accompagnée d’injonctions françaises mettant la pression sur les autorités maliennes ».

OBJECTIFS DE LA FORCE BARKHANE :

D’après l’ex-diplomate français dans un interview, Barkhane a trois objectifs qui sont :

1«Continuer à mettre la «pression» sur les groupes terroristes. Mais, il y’a eu un changement de formulation moins ambitieux, avec l’abandon du concept de «lutte» contre les groupes terroristes». Constat d’échec, due à une progression dans une zone rouge partout au Mali et dans les pays voisins.

2«Être en appui aux armées nationales pour les faire monter en capacité opérationnelle». Constat d’échec, par manque de victoire à l’actif des armées nationales, leur incapacité d’assurer la sécurité.

3 «Intervenir en faveur des populations locales» selon lui on ne peut pas être à la fois la main qui tue des terroristes (parents des populations locales) et la main qui aide (qui interviendrait en faveur des populations)». D’après M. Bigot cela pose un problème de légitimité» Il utilise une métaphore pour comparer le déroulement des opérations anti-terroristes au Mali dans un contexte de déliquescence de l’État malien, qui ressemble au schéma de schizophrénie en Afghanistan.

Paradoxalement, les maliens n’ont pas compris pourquoi les populations civiles de Ogossagou en 2019 et celles de Farabougou en 2020,  n’ont pas bénéficié de la mise en œuvre des dits accords et le déploiement des forces étrangères sur le terrain. La tactique de l’ennemi est asymétrique et requiert une stratégie holistique et de soutien conséquent aux FAMA’s. Plusieurs observateurs s’interrogent également pourquoi ni la MUNISMA, ni la France n’ont pas exercé leur mandat de protection et de sécurisation aux côtés des FAMA’s dans le village de Ogossagou le 23 mars 2019, où plus de 160 civils peuls étaient massacrés à l’aube. La même critique de l’absence d’appui aux FAMA’s en application du SOFA conclu, s’est produite lors des événements du siège de Farabougou par des présumés djihadistes, depuis le 6 octobre 2020, contrairement à l’objectif de ce fameux traité. Que faut-il comprendre dans la matérialisation de ces accords dont les objectifs semblent souffrir d’un dysfonctionnement dans la chaîne de commandement  depuis 2013 et d’une réelle coopération dans les opérations malgré la multiplication des concepts : de Serval à Barkhane, ensuite Takuba et maintenant Éclipse. Le gouvernement malien doit plaider devant le Conseil de sécurité, la mise en œuvre d’un mécanisme conjoint tripartite d’évaluation semestrielle (chaque 6 mois) du bilan des opérations sur le terrain et conditionner le renouvellement des accords à l’atteinte des objectifs fixés. La reconduite des accords dans la durée (exemple 5 ans)  n’a plus de sens sur le plan de l’efficacité en matière de coopération militaire. Une reconfiguration s’impose dans les pratiques de coopération surtout en matière d’opération militaire, pour éviter la stratégie d’aliénation de notre souveraineté. Il faut également éviter un enlisement des forces françaises, sans résultats probants et créer chez les populations, le sentiment de transformer la coopération militaire en «forces d’occupation». Si on fait actuellement un sondage scientifique, le résultat sera significatif sur le sentiment  d’une majorité de la population malienne qui rejette la politique de la France au Mali et qui souhaitent leur départ. Les dirigeants français doivent respecter la volonté populaire du peuple malien conformément aux instruments internationaux qu’ils ont signés eux-mêmes. Une coopération imposée par la stratégie militaire de déstabiliser ne fonctionne plus en Afrique, sauf créer un sentiment d’exaspération et de rejet. Toute coopération juste entre États souverains, doit être fondée sur une volonté mutuelle et de respect. La France ne peut pas prétendre avoir des intérêts vitaux au Mali, si les maliens ne veulent pas leur  reconnaître ce privilège et leur en faire bénéficier par rapport à d’autres partenariats plus dynamiques et plus humains. C’est la même loi du marché qui s’applique partout et pour tout le monde. Au même titre que le peuple français, le peuple malien aspire au bien-être moral et matériel. Il cherche uniquement à se développer avec ses propres ressources dans le cadre d’une liberté commerciale, la considération de réciprocité et la dignité. Tous les observateurs confirment l’échec stratégique de la conduite des opérations anti-terroristes et l’ambigüité de la politique française  de s’associer à un mouvement politique armé qui conteste la souveraineté du Mali. C’est ce qui est à l’origine de la conception malienne de déstabilisation. Pour répondre à la question du maintien au Mali de l’armée française, M. Bigot est affirmatif lorsqu’il fait remarquer qu’il y’a actuellement un sentiment d’hostilité envers l’armée française et un rejet de la politique française. Il  rappelle qu’une armée étrangère qui reste longtemps sur un territoire national est perçue comme une « armée d’occupation»» «La France a été libérée par l’armée américaine et avait célébré leur départ, lorsque le général De Gaule a demandé la fermeture des bases américaines ». Quoi de plus normal lorsque le peuple malien réclame le départ de l’armée française ?

OPÉRATION ANTI-TERRORISTE

Après les échecs successifs des forces françaises : Serval, Barkhane, nous assistons maintenant à l’internationalisation de la lutte anti-terroriste au sahel, par la mise en place de TASK FORCE TAKUBA, avec le déploiement des forces de l’Union Européenne. L’objectif affirmé serait : « appuyer les forces armées maliennes dans leur combat contre les groupes organisés menant des activités terroristes ».

«L’essence du travail consistera à conseiller (Advise), assister (Assist) les unités de l’armée malienne (FAMA) partenaires et les accompagner dans les activités de combat (Mentor) dans le cadre des opérations spéciales et antiterroristes. Mais la task-force Takuba (TFT) peut aussi de façon autonome, conduire des opérations séparées sans l’implication des forces maliennes, afin d’assurer sa propre sécurité et de créer les conditions pour la préparation et la conduite d’opérations conjointes ultérieures, dans les conditions fixées dans les opérations de Barkhane»

LE CADRE JURIDIQUE :

Cet accord : Status of Forces Agreements (SOFAs) convenu entre la France et le Mali sert de cadre juridique régissant l’intervention des autres pays de l’Union Européenne qui se joignent à TAKUBA.

Comme tout engagement international, avant d’envoyer ses hommes sur le terrain, le pays concerné doit envoyer à la France et au Mali une missive par laquelle il accepte expressément toutes les conditions énoncées et  convenues dans l’accord (SOFA) entre Français et Maliens sur le statut des forces. Un dispositif assez classique dans les opérations multinationales, dénommé SOFA. Nous assistons ainsi à une internationalisation des opérations militaires au Sahel avec la multiplication et la superposition des forces dont la chaîne de commandement échappe à la souveraineté des FAMA’s. Chaque force pouvait se déployer à sa guise sur le territoire malien, avant que la directive du président Bah Ndaw mette un peu d’ordre. Mais si le raid de Bounty a été fait sans la participation des FAMA’s, alors cette instruction est défiée.

L’application de l’immunité de juridiction :

Plusieurs maliens se posent la question de savoir si les militaires étrangers qui commettent des crimes peuvent être sont poursuivis devant la justice ? La plupart des accords de coopération militaire prévoit une clause d’exclusivité de compétence aux juridictions nationales des pays d’origine qui envoient leurs militaires en mission au Mali en cas d’infractions. La compétence de juridiction n’étant pas reconnue aux institutions judiciaires maliennes. Plusieurs maliens font référence à des soupçons (allégations de bavure), lorsque le journal Le Monde a rapporté que le 23 au 24 octobre 2017 « les militaires des forces «Barkhane» et «Sabre» auraient tué par erreur 11(onze) soldats maliens dans des frappes contre un camp djihadiste situé dans la zone d’Abeibera dans le nord du pays.  Cette affaire avait embarrassé Paris qui s’était empressé de démentir ». Mais le peuple malien et les familles des victimes attendent toujours de connaître la vérité que seule une enquête indépendante pourrait élucider. Sous la plume du journal Le Monde, Cyril Bensimon et Ghalia Kadiri, utilisent une métaphore pour décrire ce qu’ils appellent « Euphorie retombée »Après plusieurs jours de silence comme d’habitude, Bamako a fini par confirmer les faits dans un communiqué, daté du 31 octobre 2017, la mort de ses soldats «détenus par des terroristes», «à la suite d’une opération antiterroriste menée par la force ‘’ Barkhane’’». Les autorités de l’époque, malgré leur retard à réagir, ont évité le déni d’assumer la responsabilité qui leur incombait. Le ministre de la défense Tiéna Coulibaly, y affirme s’être entretenu le même jour avec l’ambassadeur de France au Mali, Evelyne Decorps, «tirant les leçons de cette tragédie, les deux parties ont convenu d’améliorer leur communication afin d’éviter la survenue d’un tel événement déplorable dans le futur ». L’histoire semble se répéter si la bavure au village de Bounty se confirme. Quant à la volonté d’améliorer le déficit de communication, «la réalité en matière de partage d’information révèle un dysfonctionnement, selon certains analystes».D’après le dit communiqué, il appert que : « Les victimes du raid français sont bien nos soldats. Ils ont été enterrés sur place. Nous avons demandé les coordonnées géographiques à l’armée française afin de récupérer les corps », ajoute Boubacar Diallo, chargé de la communication au ministère malien de la défense, qui précise que ce sont bien les onze militaires retenus en otages qui ont été tués. Des photographies des dépouilles de ces soldats qui étaient apparus le 18 octobre dans une vidéo pour implorer le président Boubacar Kéita (IBK) d’intervenir pour leur libération auraient permis de «recouper les informations» et de confirmer leur identité » sans grand risque de se tromper», assure par ailleurs à l’AFP une source anonyme au sein de ce ministère ». Très récemment, l’armée française a reconnu avoir bombardé des djihadistes dans le village de Bounty le 3 janvier 2021. Cette version est contredite par des villageois témoins oculaires et des ONG’S qui affirment que plusieurs victimes étaient des civils  non armés avec un bilan estimé à 19 personnes tuées. Une enquête indépendante est de plus en plus réclamée par le peuple malien pour élucider les circonstances et établir le nombre exact de victimes. On se rappellera qu’il y’a déjà eu d’autres «présumées bavures» contre des populations civiles par l’armée française. En vertu de l’article 9 du SOFA, même si la responsabilité de l’armée française est établie, les victimes ne peuvent poursuivre que l’État malien et « la partie malienne doit prendre en charge la réparation des dommages causés aux bien et aux personnes y compris lorsque la partie française est à l’origine, c’est à dire lorsque l’armée française tue des civils maliens dans un bombardement». Pour les victimes qui recherchent réparation et dédommagement contre la puissance de l’État malien qui contrôle les institutions, il y’a les difficultés liées au dysfonctionnement du système judiciaire, l’absence d’une administration de justice équitable, des moyens d’accès à la justice pour un citoyen démuni. A cause de ces considérations, cette disposition devient illicite, puisque les victimes n’obtiendront jamais réparation. C’est l’une des incohérences de cet accord de défense ou de coopération militaire avec la France.

Selon le diplomate Laurent Bigot l’armée française est dans un déni de vérité lorsqu’elle fait des victimes, elle ne reconnaît pas avoir« tué» des djihadistes mais plutôt «neutraliser. Plusieurs maliens se sont interrogés sur le sens de la stratégie de l’armée française qui aurait pris la décision de bombarder le présumé camp djihadiste à Abeibera, mettant en péril la vie des onze(11) soldats maliens en 2017. Leur décision aurait elle été la même s’il s’agissait de soldats français détenus en otage à la place de soldats maliens? Toutes ces maladresses justifient-elles le maintien d’un accord de défense qui n’est pas respecté surtout lorsque la politique française ne cache plus son soutien aux terroristes du MNLA. Nous demandons aux nouvelles autorités du pays de réaffirmer leur patriotisme et d’avoir le courage de Modibo Kéita qui a rendu caduc les accords de défense en janvier 1961, pour libérer le peuple malien d’une occupation. C’est la voie honorable pour rentrer dans l’histoire des grands hommes, comme Sankara, Rollings, Lumumba et Mandela.

En vertu de l’accord de défense conclu, nous allons d’abord aborder les aspects liés aux comportements des militaires déployés sur le terrain des hostilités.

De la Discipline :

L’article 11 stipule que concernant les militaires étrangers au Mali, ce sont les autorités de leur État d’origine qui peuvent exercer une compétence exclusive en matière de discipline sur les membres du personnel. En cas de manquement à leurs obligations, elles peuvent prendre toutes sanctions disciplinaires à leur encontre, sans préjudice d’éventuelles poursuites judiciaires. Cette disposition nous conduit aux infractions.

De l’infraction :

En vertu du projet de loi No.483 du Sénat français il est stipulé que les infractions commises par un membre du personnel de l’État étranger ainsi que par les personnes à charge relèvent de la compétence des juridictions de l’État d’accueil, sous réserve des dispositions prévues au paragraphe 2 du présent article qui suit. La question qui se pose est de savoir si cette disposition est reprises dans l’accord de défense

L’article 15 est relatif aux infractions commises par des militaires étrangers. Il est stipulé que la peine de mort, non encore abolie au Mali, ne sera ni requise, ni appliquée. Dans l’hypothèse où cette peine aurait été prononcée, il est prévu qu’elle ne soit pas exécutée. Les dispositions prévues permettent d’éviter que les militaires de la partie étrangère soient exposés devant les juridictions maliennes, non seulement à la peine de mort mais aussi à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, nous allons examiner si les clauses du SOFA en matière d’infraction pénale commise par un membre du personnel étranger est opposable aux crimes imprescriptibles. Sous réserve de la confirmation qu’il existe une autre disposition contraire à l’article 15, du projet de loi No. 483 du Sénat français, cette question soulève un intérêt en droit, puisque notre recherche ne nous a pas permis de prendre connaissance de la disposition qui empêche d’exercer un recours devant les juridictions nationales du pays d’accueil  contre des militaires étrangers qui commettent des infractions pénales ou des délits de droit commun. Selon la procédure classique, le gouvernement du pays d’accueil (le Mali) doit informer le pays d’origine qui exerce sa compétence envers le militaire incriminé. Examinons maintenant la question de compétence des juridictions internationales lorsque le droit humanitaire international est violé en détournant l’objectif de la guerre anti-terroriste. Exemple, le soutien à certains groupes armés assimilés à des terroristes alors que d’autres sont combattus avec des conséquences tragiques sur une population civile. L’article 9 du SOFA, ne couvre t-il pas l’illégalité et l’impunité? Si les normes juridiques sont les mêmes pour tout justiciable en matière d’infraction pénale, les victimes doivent pouvoir saisir  la Cour de justice de l’Union Européenne et la Cour Pénale Internationale(CPI) face à cette duplicité autour des objectifs d’une guerre. D’un autre côté, l’ONU doit pouvoir mettre en place une juridiction internationale spéciale sur les événements survenus au Mali depuis 2012 pour établir la responsabilité de tous les acteurs nationaux et internationaux. En dehors du fait d’énoncer l’existence de ces juridictions, leur compétence ne fera pas l’objet de notre discussion. Plusieurs maliens croient que les accords signés avec la France, couvrent l’impunité contre des victimes innocentes. Au regard de ce qui est énoncé, il est indéniable de reconnaître que tout crime de guerre commis dans le conflit malien de 2012 à 2020 est imprescriptible et il existe des recours visant à poursuivre les auteurs nationaux ou étrangers conformément aux normes juridiques reconnues. Les organismes de défense des droits de l’homme et la société civile doivent accompagner les victimes à se constituer partie civile, à mener des enquêtes et à faire constituer des dossiers par un conseil juridique afin de saisir le Conseil de sécurité qui étudiera l’opportunité de créer un tribunal spécial, ou référer ce mandat à la Cour Pénale Internationale, ou s’adresser à la juridiction nationale du pays d’origine pour action. Dans le souci de consolider la crédibilité de nos institutions judiciaires maliennes, il est temps de faire prévaloir notre souveraineté juridictionnelle dans les matières qui relèvent de la compétence de ces institutions  ou d’accompagner les victimes vers des instances appropriées pour obtenir réparation.

-Camille Evrard, post doctorante à l’Université Toulouse Jean Jaurès, Labex SMS,

=https://www.dw.com/fr/des-questions-sur-la-pr%C3%A9sence-russe-aux-c%C3%B4t%C3%A9s-de-la-junte/a-54687932

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/07/soupcon-de-bavure-de-l-armee-francaise-au-mali_5211279_3212.html

-Laurent Bigot, ancien diplomate français

Préparé par : Boubacar Touré, juriste, Montréal, Canada

le 19 janvier 2021

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