VICTOR SY L’homme qui se promenait avec son linceul !

 

A lui seul, il incarnait la soif de liberté, de justice sociale et de bonne gouvernance des Maliens. Et presqu’à lui seul, il a tenu tète au régime militaire du Comité militaire de libération nationale (CMLN) car martelant ouvertement les critiques que peu de citoyens osaient même murmurer. Victor Sy fut un homme, un vrai dans tous les sens du terme. Un homme de conviction qui s’est battu pour la société et non pas pour des postes. Malheureusement. Celui qui a résisté aux pires châtiments corporels, moraux et psychologiques n’était pas immortel. Le «Combattant suprême» a tiré sa révérence le mardi 21 mars 2023 à l’âge de 87 ans. A seulement 5  jours du 26 mars, la Journée des Martyrs de la démocratie dont il était l’illustre icône. Tout un symbole !

 

Grand révolutionnaire ! Patriote convaincu. Le Combattant Suprême que les brimades et les incarcérations n’ont jamais fait fléchir ! Voilà, entre autres, ce que les uns et les autres retiennent et que l’éternité retiendra aussi de Victor Sy arraché à l’affection de la nation le mardi 21 mars 2023. Ses faits d’arme font de lui un homme téméraire, hors du commun. En témoigne ce passage dans le livre du Capitaine Soungalo Samaké, «Ma vie de soldat».

«Je suis diplômé des écoles supérieures. Vous les militaires vous n’êtes que des illettrés. Vous savez à peine lire votre nom. Je ne suis pas contre le coup d’état en principe; mais si on avait mis quelqu’un de plus valable que Modibo, j’aurais été d’accord mais le remplacer par des ignorants, des incapables! Je ne suis pas d’accord. Et on me demande de me soumettre; je préfère plutôt mourir que de le faire», répondait-il à ses geôliers du «Camp Para», après deux jours de torture et de châtiments, qui n’en revenaient pas sans doute. Quel culot !

Mais ce passage caractérise à lui seul toute la personnalité de feu Victor Sy qui n’a jamais tu ses critiques à l’égard du Comité militaire de libération nationale (CMLN). Cela lui a coûté de connaître tous les prisons et bagnes célèbres du pays. Mais, jamais il n’a renoncé même une seconde à ses convictions. Et on comprend aujourd’hui les éloges qui lui sont rendus comme hommage de la part des intellectuels, des camarades de lutte et du Malien lambda. «Victor Sy a été un grand combattant de la liberté et de la démocratie. Un grand guerrier qui a dédié sa vie à la lutte contre le régime soldatesque de Moussa Traoré», rappelle Abdourhamane Dicko, un acteur influent de la société civile malienne.

«Au-delà de ce que tout le monde sait de lui comme un infatigable combattant de la liberté, ce qui me marquait chez lui, c’était sa maîtrise de soi. Il me donnait toujours l’impression d’un homme d’une très grande profondeur humaine marquée au fond de lui par une certaine cruauté humaine. Et il semblait assumer cela comme une nature humaine avec beaucoup de foi intérieure»,  souligne le doyen Sidi Coulibaly, communicateur et chroniqueur politique indépendant à Ouagadougou, au Burkina Faso. «Je ne sais pas ce qu’il a pu dire récemment, mais j’aurais bien voulu savoir ce qu’il pensait de la transition actuelle», a-t-il ajouté.

 

Un leader courageux et un homme humble, aimable et courtois qui ne connaissait pas la peur…

Pour Fousseyni Camara,  syndicaliste et intellectuel malien de la diaspora,  «Victor Sy avait le Mali chevillé au corps. Un grand patriote désintéressé des lambris dorés». Et de poursuivre, «je retiens surtout de lui son courage et son abnégation quand il s’agissait de défendre une cause juste et noble face à une dictature sanglante. Cet homme aurait pu avoir tout de ce pays, mais il a tout refusé pour ses idéaux. Son combat est toujours d’actualité. Pour le doyen Victor Sy, la liberté n’a pas de prix. Moi président, j’aurais décrété un deuil national d’au moins 3 jours pour honorer sa mémoire».

Des nombreux autres témoignages, on retient que l’illustre défunt fut «un homme courageux, humble, aimable, courtois, qui ne connaissait pas la peur…» ! Un grand patriote a tiré sa révérence après avoir été de tous les combats qui l’ont conduit dans presque toutes les prisons du pays pour la défense de ses idées et de ses convictions. Il est un vrai homme de conviction reconnu comme tel même par ceux qui ne l’ont pas assez côtoyé. «Je ne le connais pas assez, mais l’opinion retient que Victor est un combattant de la démocratie qui a beaucoup lutté contre la dictature. Il fut un homme courageux pour défendre ses convictions…», avoue Drissa Guindo, Inspecteur de la Jeunesse et Secrétaire général du ministère de l’Entreprenariat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. «C’est une grande perte pour le peuple. Par sa constance et son courage, Victor a été un combattant hors série… Heureusement qu’un homme de son envergure ne meurt pas», salue Diatrou Diakité, consultant indépendant et membre fondateur du mouvement Ensemble pour le Mali (EPM)

«Victor Sy a tout simplement été un homme de conviction prêt à mourir pour ses idées», a déclaré Mme Diallo Salimata Ouattara, journaliste/communicatrice. Syndicaliste chevronné, il est une icône africaine en matière de syndicalisme. Contre le CMLN et le parti unique (Union démocratique du peuple malien/UDPM), «Vik» (pour les intimes) a mené une implacable et farouche lutte syndicale pour la défense des intérêts des enseignants. D’après de nombreux témoignages, il fut le premier enseignant à vouloir enseigner la physique-chimie en bambara.

La perte est si énorme que des hommes de conviction de sa trempe ne courent plus les rues où la cupidité et la mégalomanie ont eu raison de toutes les valeurs d’un vrai leadership. Et cela au moment où la jeunesse malienne a besoin d’une référence pour se frayer un chemin de l’espoir et une lanterne pour la guider sur les chantiers de construction du Mali Kura !

Comme l’a souligné M. Houssouba dans son témoignage si, par miracle, «le nom de Victor Sy résonne davantage dans les années à venir que ce jour-ci, ce serait une indication que le pays et la société pour lesquels il a lutté et souffert ont commencé à retrouver l’entrée du sentier qui les sortira peut-être de la longue promenade dans le brouillard» !

Moussa Bolly