TRANSITION AU MALI : Cheick Modibo, l’accord-cadre et les Maliens

Il y a trois mois que le gouvernement Cheick Modibo Diarra est en place. La mission à lui assignée par l’accord-cadre du 6 avril 2012 est claire : libérer les trois régions septentrionales (Tombouctou-Gao et Kidal) du joug des bandes terroristes, et organiser des élections libres, transparentes et crédibles au bout d’un an. Trois mois après sa prise de fonction, une frange importante de l’opinion nationale incarnée par le Front pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), estime que c’est un gouvernement incapable, qui doit rendre purement et simplement le tablier. Un communiqué a été diffusé dans ce sens la semaine dernière.

Comme du berger à la bergère, le PM a profité de son entretien-bilan avec la presse autour de ses 100 jours primatoriaux pour donner l’estocade. Pour lui, pas question de démissionner parce que l’accord-cadre, qui est « une parole d’évangile », lui interdit de démissionner parce que stipulant que même le président de la République n’est pas habilité à recevoir la démission du Premier ministre de pleins pouvoirs qu’il est, et faisant de lui par conséquence le vrai dirigeant du Mali. Il ne s’en cache pas : « j’ai été appelé à diriger ce pays avec pour mission de libérer le Nord et d’organiser des élections libres transparentes et crédibles ».

C’est donc dire que cet accord, secrètement signé entre la Cédéao et le CNRDRE, a, aux yeux de l’ex-employé de la Nasa (il parait qu’il n’a jamais été navigateur interplanétaire), valeur de traité et par conséquent supérieur aux lois en vigueur en République du Mali. Et pourtant on a dit « retour à l’ordre constitutionnel » !

Cette couronne royale de l’accord-cadre dont s’auréole tant le Premier ministre fait de lui le véritable « entraineur de l’équipe nationale du Mali » et le président de la République par intérim, coiffé au poteau, n’a que des fonctions à titre honorifique. Sommes-nous, avec l’accord-cadre, dans un régime parlementaire ? On aurait tenté de le croire, sauf que Cheick Modibo Diarra n’a aucun député issu de sa formation politique (RpDM) à l’Assemblée nationale. C’est dire que ceux qui pensent que CMD doit rendre le tablier prennent leurs vessies pour des lanternes.

« Je ne démissionnerai pas parce que je suis un fils de ce pays à qui on a confié une mission. Et tant que la mission n’est pas terminée, pas question de céder à la pression de qui que ce soit. Si vous voulez demain je peux vous sortir un monde gigantesque qui soutient mon gouvernement. L’accord-cadre dit que même le président de la République n’est pas habilité à recevoir sa démission. Je vais remettre ma démission à qui ? »

Quitte de la position du groupe de contact des chefs d’Etat de la Cédéao lors du mini-sommet de Ouaga du 7 juillet 2012 demandant aux forces vives de faire des consultations pour faire des propositions au président de la République par intérim en vue de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale ? Pour CMD, ce n’est que de la manipulation de ceux qui ont contribué à enfoncer le Mali pendant les 20 ans de la démocratie. Néanmoins, il reconnaît que c’est Dioncounda qui fera les consultations, mais c’est lui qui mettra en place le gouvernement d’union nationale dont il a déjà en tête la configuration.

La question que les gens se posent est de savoir si Dioncounda venait à accéder à la requête du FDR et aux souhaits tacites de la Cédéao en décidant de virer CMD qui ne l’entend pas de cette oreille ? Commencera dont la guerre entre la constitution, qui sert d’argument de guerre pour le président Dioncounda, et l’accord-cadre, qui sert de bouclier pour le Premier ministre de pleins pouvoirs Cheick Modibo Diarra.

Abdoulaye Diakité

L’Indicateur du Renouveau

(31 Juillet 2012)