Tiébilé Dramé interpelle IBK: «Créez les conditions pour que Moussa Traoré puisse présenter ses excuses aux victimes de Mars 91»

Hier, 27 mai, à pareille heure, entre Ansongo et Indelimane, cinq jeunes maliens en uniforme sont morts, victimes du terrorisme. A la mémoire des FAMAS tombés sur le chemin du devoir, à la mémoire de leurs camarades guinéens, nigériens, sénégalais, togolais, tchadiens et français morts pour la liberté du Mali, à la mémoire de toutes les victimes du terrorisme à Bamako, Sévaré, Ouagadougou, Grand-Bassam, Tunis, Paris, Bruxelles et partout dans le monde, je vous prie de bien vouloir observer un instant de recueillement et de prières.

Mesdames et Messieurs, Camarades du PARENA, Je voudrais commencer par saluer la présence parmi nous des leaders, représentants de partis amis, leur dire que les voir à nos côtés aujourd’hui vaut tout l’or du Bambouck et du Bouré!

A nos camarades de la diaspora et de l’intérieur, je souhaite la bienvenue à Bamako. A tous, je dis: nos moyens sont modestes, mais notre cœur est grand. An be kun.

A pied d’œuvre depuis un moment, les militants des communes du District et de Kati se sont également mobilisés. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

Camarades, Ce congrès intervient dans un contexte qu’il est utile de rappeler.Un matin de mars 2012, nous nous sommes réveillés dans un autre pays, dans le crépitement des armes et l’odeur de poudre et avec à la tête du pays ce que l’on croyait révolu: une junte militaire venait d’interrompre vingt ans de cheminement démocratique.

Le Mali était plongé dans une crise de société, une crise de l’Etat, une crise de valeurs, une crise politique, une crise humanitaire, une crise sécuritaire. Le pays a été annexé aux deux-tiers, livré aux séparatistes et aux jihadistes, alors qu’à Bamako, les forces vives étaient divisées, certaines escomptant de sombres dividendes, et d’autres, montant en première ligne, faisant viol de la Constitution et déni de démocratie.

Des flagellations, des amputations, des attaques, des lieux de culte saccagés! Gao, puis Tombouctou, ensuite Kidal tombent! Douentza pris! Konna pris! Des dizaines de milliers de nos compatriotes sur les routes de l’exil! Le Président par intérim battu et laissé pour mort au palais! Des périls tous plus graves les uns que les autres! Et ce, jusqu’à l’action salvatrice de Serval et les négociations de Ouagadougou, permettant, la menace jihadiste contenue, d’organiser l’élection présidentielle qui portera Ibrahim Boubacar Keita au pouvoir en août 2013.

Puis, sans que nul ne puisse se l’expliquer, et devant une communauté internationale interdite, après avoir manifesté à l’endroit du Mali une rare solidarité dans l’histoire des crises, il nous fut donné de constater à la fois des piétinements, de l’immobilisme et un pourrissement de la situation au Nord, le Nord qui était la question la plus urgente et la plus sensible du pays.

Ce dossier était et reste la condition première de l’existence du Mali en tant qu’Etat à l’intégrité et à la souveraineté préservées. Vous avez tous été témoins de ce qui s’est passé: les longs mois d’atermoiements, de déclarations contradictoires, les décisions aventureuses et irréfléchies, comme celles qui conduisit le Premier ministre à Kidal en mai 2014, contre toutes les mises en garde, avec tous les risques. Puis, les ballets incessants entre Bamako et Alger…..

Depuis, on ne peut parler d’immobilisme, mais de récession et de cessions, basées sur un rapport de force préjudiciables aux forces armées maliennes, donc à la souveraineté et à l’intégrité de l’Etat malien.

C’est dans ce contexte, vous vous en souvenez, que naquit l’Accord d’Alger, paraphé puis signé par séquences en Algérie, ensuite au Mali. Malgré certaines des dispositions de cet accord, qui portent les germes de la division et de nouveaux conflits, le PARENA a invité le pays à l’endosser, à le considérer comme une étape dans la longue quête de paix durable au Mali, un processus difficile, appelant beaucoup de patience et de compromis.

Au gouvernement, en particulier, aux mouvements signataires, à la communauté internationale, nous disons qu’il est temps que, d’un élan commun et sincère, nous nous mettions en route pour l’application dudit accord et pour l’examen négocié et consensuel de ses points controversés.

Car, comme la Constitution adoptée par le peuple souverain du Mali en 1992, l’Accord d’Alger ne saurait être ni le Saint Coran, ni la Sainte Bible. D’ailleurs, il a prévu les conditions de sa relecture et de son éventuelle révision.

Mesdames et Messieurs, Chers camarades, Notre responsabilité historique vis à vis de notre pays et de notre peuple nous oblige d’aller, sans traîner davantage les pieds, vers des concertations nationales, en vue de rassembler notre peuple, afin de forger une marge de manœuvre pour notre pays aujourd’hui coincé, aujourd’hui menacé, et en vue d’une appropriation nationale, inclusive et collective de l’Accord d’Alger, dont dépend le présent et l’avenir.
Le Président de la République dont, encore une fois, nul ne saurait mettre en doute l’amour pour le Mali, est ici particulièrement interpellé. Monsieur le Président, la situation sécuritaire se dégrade, trop de sang coule au Mali depuis trop longtemps, les populations au centre et au nord sont terrorisées, nos forces sont harcelées quotidiennement.

Dans un tel contexte, c’est votre responsabilité de réagir, pour rassurer le pays, un pays qui commence à douter, un pays coincé. C’est votre responsabilité de réunir le pays, afin qu’il se forge une marge de manœuvre sans laquelle il est en danger. C’est votre responsabilité de sortir le pays de l’immobilisme et de créer les conditions de mise au point d’une stratégie nationale autonome de sécurisation et de stabilisation du pays.

Un pays comme le Sénégal, qui a moins de défis que le Mali, entame aujourd’hui des assises nationales pour se rassembler, se prémunir des turbulences. Le Mali, qui est dans une situation quasi inextricable, traîne à se retrouver. C’est incompréhensible.

La recrudescence, la multiplication des actes terroristes dans les cinq régions du Nord sont inquiétantes et traumatisantes. Elles appellent des réponses appropriées, qui ne sauraient être seulement militaires.

Monsieur le Président de la République, les défis sont énormes: défis d’une démographie qui croît plus vite que les ressources et d’une population jeune (83% des Maliens ont moins de 35 ans), défis d’un pays pauvre, et même très pauvre, dont la majorité des habitants sont pauvres, défis d’une économie qui a tout pour passer à la croissance à deux chiffres, défis d’un espace national à quadriller effectivement, par une administration efficace ainsi que des forces de défense et de sécurité conséquemment outillées, défis d’une école compétitive, défis d’une politique sanitaire et d’une gouvernance dignes du grand peuple que nous sommes.

Monsieur le Président, les défis sont énormes: le manque d’emploi, notamment celui des jeunes, empêche des familles entières de dormir, aggravant les difficultés des ménages. Entendons l’angoisse de la jeunesse! Un pays qui n’entend pas l’angoisse de ses enfants prépare mal, très mal, son avenir.

Entendons les inquiétudes et les souffrances du peuple. Monsieur le Président, entendez la supplique des producteurs de coton, qui réclament justice et l’application des textes de droit.

Le Mali d’aujourd’hui démontre largement l’urgence d’une réflexion stratégique sur les voies et moyens de l’émergence, les révolutions institutionnelles, y compris les transferts de compétence, pour une vraie dévolution du pouvoir aux collectivités décentralisées, y compris les modes de désignation des autorités et responsables du pays.

Le PARENA, à cet effet, préconise depuis des années, une refondation de nos institutions: la suppression de l’élection présidentielle au suffrage universel, l’élection du Président de la République par le Parlement, l’élection des chefs d’exécutifs régionaux par les assemblées régionales, l’élection du Parlement national et des assemblées régionales au scrutin proportionnel.

Le tsunami politique, sécuritaire et institutionnel de 2012 aurait dû être l’occasion de cette refondation. Nous avons raté cette occasion. L’Accord d’Alger est une autre occasion à ne pas rater. La Conférence d’entente nationale, dont l’objet doit être revu, est une occasion à ne pas rater.

Monsieur le Président de la République, le défi de la réconciliation nous interpelle tous. Il vous interpelle plus directement. C’est à vous de créer les conditions des retrouvailles avec ceux qui vous ont précédé à la tête de l’État. Créez les conditions afin que le Président Moussa Traoré apporte une contribution de qualité au renforcement de la cohésion nationale, en présentant ses excuses aux victimes de mars 1991 et au peuple malien.
Créez les conditions du retour du Président ATT, qui a présidé aux destinées du pays dix ans et qui a apporté une contribution décisive à l’avènement de la démocratie. Créez les conditions afin que votre camarade AOK mette son expérience et son expertise à la résolution des problèmes du pays.

Camarades, Depuis 2013, le PARENA est ancré dans l’opposition. Il y chemine aux côtés d’autres, au coude à coude, la main dans la main, comme l’illustre la grande marche pour le Mali du 21 mai dernier.

Ce cadre unitaire d’action est un atout : il participe de la pédagogie démocratique, dans un contexte où la citoyenneté est en crise et la société civile aux abonnés absents quand il s’agit d’infléchir la gouvernance du pays. Il mutualise enfin nos moyens pour nous permettre d’être entendus, d’une même voix.

Au sein de cette opposition, en votre nom, nous avons pris toute notre part: nous avons été de toutes les investigations, de toutes les dénonciations et de toutes les actions contre la fragilisation et l’affaiblissement du pays, de toutes les actions contre la gabegie, la corruption, le népotisme, l’incompétence et l’immobilisme.
Le bilan est là. L’action du PARENA est constitutive de la conscience nationale de notre pays. Et la lutte doit continuer, avec la nouvelle direction que ce congrès donnera au parti.

A cet effet, j’ai le devoir après tant d’années à la tête du parti, de remettre mon poste de Président du parti en jeu. Vous êtes des centaines à être aptes à impulser au PARENA une nouvelle marche, une nouvelle dynamique.
En vous remerciant, du fond du cœur, de toute la confiance placée en moi, en vous remerciant pour le compagnonnage fidèle et l’amitié sincère de tous les instants, qui ont permis de vaincre l’adversité, l’hostilité ou plus simplement la méchanceté, et qui nous permettent aujourd’hui d’être debout, la tête haute, toujours prêts au combat pour le Mali!

AW NI KUNUN, PARENA! MERCI, PARENA! VIVE LE PARENA! VIVE LE MALI! En avant pour d’autres combats et d’autres victoires!
Bamako, le 28 mai 2016