Situation politique au sein du MPR: Divorce entre Choguel Maïga et Moussa Traoré

Le vendredi 15 avril, dans l’après-midi, un beau monde s’est retrouvé au CICB pour le lancement du livre intitulé : « Le Mali sous Moussa Traoré, ouvrage collectif sous la direction de Djibril Diallo », édité par la Sahélienne. (Voir ci-dessous l’article de Youssouf Diallo sur la présentation du livre).

Seulement voilà : cet évènement, qui a réuni des barons de la 2ème République, des cadres et militants MPR, a enregistré une absence de taille, celle du Président du MPR, Choguel Maïga. Celui-ci n’était ni malade ni absent de Bamako. Il a simplement décidé de boycotter cette importante activité, pour dit-on, des frustrations qu’il a accumulées de la part de Moussa Traoré. L’initiative du livre, sa rédaction, son impression et sa diffusion, sans informer, ni consulter celui qui s’est totalement et entièrement battu pour la deuxième République, constituent la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Selon nos recoupements, Choguel Maïga est profondément navré par cette attitude dont l’initiateur principal est bien Moussa Traoré, ancien Président de la République (1968 -1991). Celui-ci, qui fut condamné doublement (crimes de sang et crimes économiques) à perpétuité, a été vaillamment défendu par Choguel Maïga et son parti, le MPR, avant, pendant et après les deux procès, en multipliant les interviews dans la presse nationale et internationale. Sans oublier les fora auxquels il a participé durant cette longue traversée du désert. Il a apporté des contributions, des précisions, droits de réponse, des contradictions à tous ceux qui s’aventuraient à attaquer méchamment ou gratuitement ou encore politiquement le Général déchu.
A vrai dire, Choguel Maïga a fait preuve de bravoure, de courage, d’abnégation au moment où ceux qui avaient profité du régime dictatorial rasaient le mur.

Jeune cadre, Dr en télécommunications, major de sa promotion et toujours premier de sa classe depuis son Ansongo natal en passant par Gao et le lycée technique de Bamako jusqu’en ex- URSS, le Président du MPR, bien qu’étant de l’UNJM, n’a jamais assumé aucune responsabilité dans la haute sphère de l’Etat. C’est bien avec le régime ADEMA qu’il combattait avec véhémence – le Pr Ali Nouhoum Diallo ne dira pas le contraire – que sa valeur a été reconnue et des postes de responsabilité comme chef de projet lui ont été confiés à la Sotelma. Son engagement politique, sa détermination, son intelligence l’ont amené à se retrouver au sein d’Espoir 2002. Ce qui lui permettra d’intégrer le premier gouvernement d’ATT, en qualité de ministre de l’Industrie et du Commerce. Avec cette promotion politique, il est resté égal à lui-même, en essayant toujours et encore toujours de tenter une réhabilitation plus accrue de son mentor : Moussa Traoré.

Bref, c’est pour dire qu’il a mouillé le maillot pour ce dernier et la 2ème République qui constituent un repère politique pour lui, une référence dogmatique. L’ensemble de ses actions, il faut le dire, a permis, entre autres, d’écourter la souffrance de Moussa Traoré emprisonné depuis 10 ans. Il bénéficiera d’une grâce présidentielle d’Alpha Oumar Konaré en 2002.

Il sortira la tête haute de la prison parce que le préalable avait déjà été fait par Choguel Maïga et le MPR, qui ont toujours présenté Moussa Traoré comme une victime, un patriote, un nationaliste… Petit à petit, il devient fréquentable et savoure sa participation aux évènements sociaux : baptêmes, mariages, décès. Rapidement, il est devenu une vedette de ces activités à caractère social. A tel point qu’ATT a nourri l’espoir de l’amnistier. Mais le projet n’a pas abouti parce que les démocrates se sont mobilisés contre.

Tout cela pour vous rafraichir la mémoire, pour vous dire la contribution de Choguel Maïga dans la réhabilitation, voire la reconstruction de l’homme du 19 novembre 1968. Malgré tout, il faut reconnaitre que l’ancien dictateur a été politiquement ingrat vis-à-vis de son défenseur. Et pour cause : en 2002, pendant que Choguel était candidat à la présidentielle, il y a eu des tentatives tendant à imposer son beau fils Cheick Modibo Diarra comme candidat MPR. Les tenants de cette ligne, manipulés depuis Djikoroni (lieu de résidence de Moussa Traoré) ont été matés au sein du MPR. Résultat : Cheick Modibo Diarra s’est rendu compte que Choguel est indétrônable et a pris un autre chemin : associatif puis politique. Il crée le RpDM.

En 2013, voici le candidat de ce parti dans le starting-block sur la même ligne de départ que Choguel Maïga. Les militants MPR ont tout fait pour ne pas être dépassés par Cheick Modibo Diarra. Ce qu’ils ont réussi malgré l’implication intense de Moussa Traoré et de son épouse au détriment du candidat du parti du tigre. Malgré tout, Choguel est resté serein et a continué à entretenir les mêmes rapports avec Moussa Traoré.

Finalement, il a craqué, nous a-t-on dit, ne pouvant plus continuer à supporter le manque de considération, de minimum d’égard de la part de Moussa Traoré. La goutte d’eau comme nous le disions plus haut est bien le livre qui vient d’être édité. C’est donc le divorce direct, sans séparation de corps, en attendant que les vieux sages tentent, comme on le fait dans notre culture, de les rapprocher. Quelle que soit l’issue, quelque chose est désormais cassée entre les deux hommes.

En effet, Choguel Maïga ne doit plus continuer à le soutenir politiquement tandis que son gendre prend de la distance avec lui au plan politique. Seulement voilà : au moment de récolter les dividendes politiques, Moussa Traoré tente d’orienter les uns et les autres vers le cercle familial. Le ministre Choguel, qui tire sa légitimité politique de Moussa Traoré, doit prendre ses distances vis-à-vis de lui sans renier son combat politique d’hier, en se projetant dans des nouvelles perspectives puisque la grande majorité de la jeunesse actuelle n’a pas connu Moussa Traoré. Son nom n’est pas aujourd’hui porteur même pour les anciens.

Alors, il revient à Choguel de prendre courageusement le destin du MPR en mains, avec de nouvelles orientations politiques comportant un changement de nom et de sigle. Le MPR a fait son temps, vivement une nouvelle appellation qui verrait élargir la base sociale et électorale du parti.

Chahana Takiou
Source : Le 22 Septembre 17/04/2016