Sahara occidental : le revirement espagnol fait des vagues

Alger rappelle rappelle son ambassadeur en Espagne après la décision du Maroc de soutenir le plan marocain.

C’est un revirement politique sans précédent qui fait grincer des dents, et le mot est faible, en Europe et en Afrique.

Vendredi dernier, l’Espagne s’est dit favorable au plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. « L’Espagne considère l’initiative d’autonomie présentée en 2007 » par le Maroc, comme « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend », a dit le chef de la diplomatie espagnole José Manuel Albares ce 18 mars. Les réactions s’enchaînent depuis.

« Chantage » migratoire
Dernière en date, et pas des moindres : celle d’Alger, allié du Front Polisario dans ce dossier en suspens depuis près de 50 ans.

L’Algérie a rappelé son ambassadeur en Espagne pour protester contre les déclarations espagnoles. Des déclarations qui ont surpris à tous les niveaux. « L’Espagne ne s’était jamais prononcée officiellement (…) dans ce dossier, restant neutre, alors que là, c’est dit ouvertement », analyse, sur la DW, Yahia Zoubir, professeur en géopolitique. « Je pense que c’est la pression faite par le Maroc ». Il parle d' »un chantage par rapport à l’immigration », de la part du Rabat, faisant référence à l’arrivée massive de migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta au printemps, l’an dernier. « Une interférence dangereuse » En mai 2021, de 8 à 10.000 migrants étaient arrivées dans l’enclave, après que la surveillance marocaine de la frontière a été relâchée. Cela intervenait peu de temps après que Madrid a accueilli le chef du Front Polisario pour des soins sur son territoire. « L’Espagne a cédé au chantage et à la politique de la peur », a réagi le Front Polisario.

« C’est un revirement dangereux de la position espagnole, qui rompt avec l’équilibre qui existe et se produit dans le contexte le moins indiqué. C’est la guerre, il y a des efforts de la part de l’Onu de relancer le processus politique… Et Madrid intervient maintenant pour faire cette interférence dangereuse avec le processus et l’avorter », ajoute, au micro de la Deutsche Welle, Aoubi Bouchraya Bachir, représentant des indépendantistes saharouis auprès de l’Union européenne.

Dépendance espagnole au gaz algérien Depuis vendredi, la colère gronde aussi en interne, dans les rangs des élus espagnols. La gauche radicale, alliée des socialistes au gouvernement, proteste contre la décision du président du gouvernement.

Il est désormais difficile d’imaginer Pedro Sanchez revenir en arrière mais ses déclarations pourraient accentuer les fractures politiques. « En plus, l’Espagne est la puissance administrant du Sahara occidental, elle ne peut pas se désister par rapport au droit international, aux résolutions onusiennes, elle est toujours responsable », ajoute Yahia Zoubir.

Madrid a donc mis fin à la crise diplomatique avec Rabat, mais en a ouvert d’autres : en Espagne et avec Alger notamment. Une crise avec l’Algérie au mauvais moment, alors que l’Europe cherche à se passer du gaz russe, et que Madrid, déjà dépendant d’Alger pour une part de ses livraisons, comptait notamment sur l’Algérie pour fournir davantage de gaz au vieux-continent.

Hugo Flotat-Talon, Avec agences
DW.com