Que peut une intervention étrangère au Nord-Mali ?

Les femmes ne peuvent sortir sans voile, chants  et danses sont une infraction, les monuments réduisent le culte de Dieu et les voleurs finissent manchots. Gao, le petit espace de liberté qui restait au Nord, malgré d’énormes problèmes humanitaires, est en train, lui aussi, de passer sous le contrôle des islamistes. Hier mercredi, Ansardine y est entré en conquérant, avec en tête Iyad Ag Ali lui-même. Le 25 avril dernier, la rencontre dans la cité des Askia entre un Ansardine adossé à Aqmi et un Mnla obligé de ravaler son orgueil avait donné le consensus que la charia sera désormais la loi à Gao. Iyad est donc venu, hier, installer la police.

Le ver dans le fruit

Et personne ne sera surpris de voir dans quelques jours les éléments d’Aqmi régenter la vie dans la cité des Askias. Plus rien n’est comme avant. Y compris à Bamako où l’on craint que les sorties musclées, cette semaine, de personnalités soufi n’augurent un clash avec dans les collectifs d’associations musulmanes qui avaient jusque-là surmonté les clivages doctrinaux. La sous-région ouest africaine est aussi aux abois. Les leaders de la Cedeao, en particulier, Jonathan Goodluck qui a déjà d’énormes difficultés avec Boko Haram, veulent circonscrire la tumeur jihadiste avant qu’elle ne métastase dans leurs pays respectifs. Paris, Bruxelles, Washington sont également préoccupés au plus haut point par la donne malienne. Les Nations-Unies, par le Conseil de Sécurité s’en sont fait l’écho inquiet mardi et il semble qu’à son sommet de Chicago en fin mai, l’Otan planchera sur la menace sécuritaire qu’est devenu le Nord-Mali.

Drones et missiles ?

Il ne sera pas difficile, selon plusieurs observateurs, de mobiliser troupes et moyens pour aider le Mali  à faire face au fléau. Mais que peut « même l’aviation la plus performante  lorsque le ver est déjà dans le fruit » déplorent souvent les résidents du Nord qui cohabitent dans les villes avec les soldats de la foi ? Plus d’un spécialiste est d’accord, en effet, que c’était plus facile de défaire le mouvement  islamiste en janvier quand les forces de la rébellion n’avaient pas encore conquis les villes. Et puis ceux qui ont vu la rébellion à l’œuvre doutent de la capacité de soldats venant de pays subéquatoriaux à s’adapter aux rigueurs du climat saharien. A moins que ce ne soit les soldats nigériens, mauritaniens ou tchadiens. Or rien n’est moins sûr. Déby, semble t-il, ne veut pas se dégarnir et laisser le champ plus libre à sa rébellion, selon la presse tchadienne. Et le Niger comme la Mauritanie sont directement menacés par les jihadistes qui ne cachent pas  leurs plans d’en découdre bientôt avec Niamey et Nouakchott. L’Algérie ? Elle a les moyens, reconnaît-on, dans la sous-région. Mais elle a toujours invoqué sa constitution qui interdit à son armée de se battre en dehors de son territoire. L’expérience afghane ou somalienne consistant en des frappes sélectives, par drones et missiles interposés ? Une option, reconnaît-on dans certains milieux. Mais cela veut dire les Occidentaux que l’Algérie n’acceptera dans son pré-carré qu’à son corps défendant.

Adam Thiam

Le Républicain Mali 10/05/2012