Proposition de résolution commune du parlement européen sur le Mali

 

 

18.4.2012                                                                                                                                                        B7-0201/2012 }

B7-0204/2012 }

B7-0209/2012 }

B7-0212/2012 }

B7-0213/2012 } RC1

 

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE

 

déposée conformément à l’article 110, paragraphes 2 et 4 du règlement en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:

Verts/ALE (B7-0201/2012)

ALDE (B7-0204/2012)

ECR (B7-0209/2012)

PPE (B7-0212/2012)

S&D (B7-0213/2012)

sur la situation au Mali

(2012/2603(RSP))

 

Mariya Nedelcheva, Filip Kaczmarek, Gay Mitchell, Michèle Striffler,

Monica Luisa Macovei, Cristian Dan Preda, Tokia Saïfi, Arnaud Danjean,

Santiago Fisas Ayxela, Roberta Angelilli, Mario Mauro, Michael Gahler,

Ioannis Kasoulides, Tunne Kelam, Bernd Posselt, Peter Šťastný au nom du groupe PPE

Véronique De Keyser, Patrice Tirolien, Pino Arlacchi, Maria Eleni Koppa,

Thijs Berman, Ana Gomes au nom du groupe S&D

Charles Goerens, Louis Michel, Robert Rochefort, Ramon Tremosa i

Balcells, Niccolò Rinaldi, Graham Watson, Izaskun Bilbao Barandica,

 

Marielle de Sarnez, Johannes Cornelis van Baalen, Marietje Schaake,

Kristiina Ojuland au nom du groupe ALDE

François Alfonsi, Judith Sargentini, Nicole Kiil-Nielsen, Raül Romeva i

Rueda, Catherine Grèze au nom du groupe Verts/ALE

Charles Tannock, Ryszard Antoni Legutko, Tomasz Piotr Poręba, Ryszard

Czarnecki, Paweł Robert Kowal

au nom du groupe ECR

 

Resolution du Parlement europeen sur la situation au Mali

(2012/2603(RSP))

 

Le Parlement européen,

 

– vu la stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel, adoptée en mars 2011,

– vu les déclarations du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Mali des 22 mars1,

26 mars2, 4 avril3 et 9 avril 20124,

– vu les déclarations de la vice-présidente de la Commission européenne/haute représentante

de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité des 22 mars, 26 mars et

7 avril 2012 sur la situation au Mali,

– vu l’accord-cadre signé le 6 avril 2012 entre la junte militaire et la CEDEAO,

– vu les conclusions du Conseil des 22 et 23 mars 2012 sur la région du Sahel,

– vu les accords d’Alger de 2006 pour le développement et la paix dans la région du nord du

Mali,

– vu la déclaration faite le 12 avril 2012 par Navi Pillay, Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme5,

– vu la déclaration de la direction générale de l’aide humanitaire de la Commission sur la

prévention de la crise humanitaire au Mali,

– vu l’appel lancé par les différentes agences de l’ONU – UNICEF, HCR et OMS – le

10 avril 2012 pour apporter des fonds supplémentaires aux millions de personnes affectées par l’insécurité alimentaire dans la région du Sahel,

– vu l’appel lancé par l’UNICEF pour le versement en faveur du Mali de USD 26 millions afin de lui permettre de satisfaire aux besoins de santé et de nutrition des enfants d’ici à la fin de l’année,

– vu l’appel de fonds lancé, le 23 février 2012, par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés en faveur du versement de USD 35,6 millions destinés à répondre à l’aggravation de la crise humanitaire au Mali,

– vu ses résolutions antérieures sur l’Afrique de l’Ouest,

– vu l’article 110, paragraphes 2 et 4, de son règlement,

 

A. considérant le putsch qui a renversé, dans la nuit du 21 au 22 mars 2012, le président malien Amadou Toumani Touré et mis fin à un long processus démocratique entamé il y a plus de deux décennies;

B. considérant que, les jours qui ont suivi le putsch, la pression internationale et les efforts de médiation, en particulier de la part de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ont mené à la conclusion, le 6 avril 2012, d’un accord-cadre entre le Comité national pour le redressement et la démocratie (CNRDE) et la CEDEAO, permettant l’installation de Dioncounda Traoré comme président par intérim, chargé d’organiser des élections nationales dans les quarante jours;

C. considérant que, conformément à la Constitution de 1992, le président de l’Assemblée nationale a été investi président par intérim;

D. considérant la vague d’arrestations, les 16 et 17 avril, en dehors de toute procédure judiciaire,visant des responsables politiques, dont deux candidats à l’élection présidentielle, et des hauts responsables militaires, retenus prisonniers dans le camp militaire des putschistes;

E. considérant que le pays se trouve également aux prises avec une recrudescence des combats, dans le nord, entre les forces gouvernementales et les rebelles, qui ont entraîné le déplacement de plus de 200 000 personnes depuis janvier; considérant que le nombre des déplacés internes est estimé à plus de 100 000 et que 136 000 réfugiés environ ont fui vers des pays voisins (Algérie, Mauritanie, Niger et Burkina Faso), où sévit une grave sécheresse qui a déjà provoqué de fortes pénuries alimentaires au cours des dernières années;

F. considérant que les rebelles touaregs, appartenant principalement au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ont pris le contrôle du nord du Mali après le coup d’État militaire, chassé les forces gouvernementales des trois régions du nord du Mali (Kidal, Gao et Tombouctou) et proclamé unilatéralement, le 6 avril 2012, l’indépendance du nouvel État de l’Azawad;

G. considérant qu’un nouveau groupe islamique, dénommé Ansar Dine, qui entretient des liens étroits avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), déclare avoir pris le contrôle de Tombouctou et veut imposer la charia au Mali;

H. considérant que la prolifération d’armes en provenance de Libye, le trafic de drogues, le taux élevé de chômage et la pauvreté contribuent à la déstabilisation de la région dans son ensemble;

I. considérant les liens avérés des groupes terroristes de la zone sahélo-saharienne avec les trafiquants de drogues, d’armes, de cigarettes et d’êtres humains, en particulier par les prises d’otages contre rançon;

J. considérant que plusieurs autres mouvements extrémistes sont présents au nord du Mali, comme l’AQMI, le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), ou encore le mouvement Boko Haram en provenance du Nigeria;

K. considérant que les Touaregs du Mali se sont soulevés à plusieurs reprises, en 1963, 1990 et 2006, pour tenter d’obtenir une amélioration de leurs conditions de vie et que certaines promesses non tenues faites aux Touaregs, en particulier lors du « pacte national » de 1992, ont pu nourrir un sentiment de frustration;

L. considérant que l’immensité du territoire peu peuplé du Mali et la longueur de ses frontières, peu délimitées, nécessitent une bonne coordination régionale des renseignements et des actions;

M. considérant que l’Union européenne accorde une importance primordiale à la sécurité, à la stabilité et au développement de toute la région du Sahel, en particulier à un moment où des millions de personnes sont touchées par de graves pénuries alimentaires; considérant que la récente flambée de violence ne fera qu’aggraver encore la situation d’urgence alimentaire dans le nord du Mali et dans les pays voisins, où les réfugiés affluent dans des zones souffrant d’une insécurité alimentaire aiguë; considérant que l’Union européenne dispose d’une stratégie pour la sécurité et le développement dans la région du Sahel; considérant que le Sahel est confronté à la pire crise humanitaire de ces vingt dernières années;

N. considérant que la lutte contre le terrorisme au Sahel passe aussi par une politique active de développement, de justice sociale, de renforcement de l’état de droit et d’intégration; considérant que des perspectives économiques autres que l’économie criminelle doivent être proposées aux populations locales;

O. considérant que, le 16 avril 2012, Radhika Coomaraswamy, représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour les enfants et les conflits armés, s’est dite très préoccupée par les informations faisant état du recrutement d’enfants-soldats;

P. considérant qu’ont été rapportées de graves violations des droits de l’homme contre la population du Mali, en particulier dans des zones du nord du pays aux mains des rebelles;

Q. considérant que de nombreux Maliens se trouvent pris au piège dans les régions du nord et disposent d’un accès limité aux denrées alimentaires et autres produits de première nécessité, et que les opérations d’assistance restent dans une large mesure suspendues en raison de  l’insécurité et parce que, dans bien des cas, les équipements, les véhicules et les stocks des agences d’aide ont été volés;

R. considérant que les populations déplacées vivent dans des conditions d’extrême pauvreté, de sorte que leurs besoins humains fondamentaux ne sont pas satisfaits et que les tensions sociales s’accentuent; considérant que plus de 50 % des personnes déplacées sont des femmes, qui sont privées de toute forme de protection et constituent une catégorie particulièrement vulnérable;

S. considérant que, en raison des pillages de leurs installations et de leurs stocks, les organisations humanitaires ont, pour la plupart, quitté la région du Nord;

T. considérant que l’Union européenne a libéré EUR 9 millions supplémentaires d’aide financière pour les Maliens, au nombre de 1,4 million, qui auraient besoin d’une aide alimentaire;

U. considérant qu’entre 175 000 et 220 000 enfants souffriront de malnutrition aiguë cette année et que l’accès au nord du Mali et aux zones où se trouvent les réfugiés installés de l’autre côté des frontières est de plus en plus problématique;

1. condamne le coup d’État militaire perpétré au Mali et la suspension des institutions républicaines;

2. se félicite de la signature de l’accord-cadre qui prévoit une série d’étapes devant conduire au rétablissement de l’ordre constitutionnel; invite instamment toutes les parties maliennes concernées à appliquer cet accord immédiatement;

3. salue les actions menées par la CEDEAO, l’Union africaine et les Nations unies, ainsi que par les pays voisins, pour aider le Mali à rétablir rapidement l’ordre constitutionnel et mettre en place des mesures concrètes en vue de protéger la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du pays; prend acte des résultats de la conférence tenue à Ouagadougou, les 14 et 15 avril 2012, sous l’égide du Président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur nommé par la CEDEAO, et espère que le calendrier et les modalités de la transition seront rapidement précisés;

4. réaffirme la nécessité de sauvegarder et de respecter la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali; invite les autorités maliennes et le MNLA à parvenir à une solution pacifique et durable au travers d’un dialogue constructif;

5. invite toutes les parties prenantes à faire preuve de retenue en vue de restaurer l’autorité des représentants élus et à coopérer pour assurer l’organisation, dans les plus brefs délais, d’élections sous surveillance internationale ainsi qu’un retour rapide à la démocratie;

6. estime qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit et qu’il faut trouver une solution par la voie des négociations;

7. demande à l’Union européenne et à ses États membres de soutenir activement les prochaines étapes du processus de transition, notamment par l’envoi d’une mission d’observation chargée de suivre les élections; prie instamment la haute représentante/vice-présidente d’accélérer la mise en oeuvre des diverses composantes de la stratégie de l’Union européenne pour la sécurité et le développement au Sahel;

8. demande la libération immédiate de toutes les personnes arbitrairement détenues par les militaires putschistes;

9. demande la libération immédiate de toutes les personnes enlevées et la cessation immédiate de toute violence, et appelle à nouveau toutes les parties au Mali à s’employer à trouver une solution pacifique au travers d’un dialogue politique approprié;

10. exprime sa vive préoccupation face à l’accentuation de la menace terroriste dans le nord du Mali, due à la présence parmi les rebelles de membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et d’éléments extrémistes; condamne, à cet égard, toutes les violences et tous les pillages, notamment ceux qui sont dirigés contre le personnel humanitaire, ainsi que l’enlèvement de diplomates algériens à Gao;

11. condamne les actes de violence perpétrés par des groupes armés;

12. condamne, en particulier, les atrocités commises à l’encontre des populations civiles, les femmes en étant les principales victimes, et tout spécialement les enlèvements et les viols perpétrés comme arme de guerre; demande qu’une enquête soit menée afin de faire la lumière sur les exactions commises au Mali ces derniers mois;

13. demande à l’Union européenne et à ses États membres d’accorder une attention particulière à la situation des femmes et des jeunes filles dans la région du Sahel et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir leur protection contre toute forme de violence et de violation de leurs droits humains;

14. demande aux autorités maliennes de lutter avec vigueur contre tous les trafics mafieux;

15. condamne les pillages et la spoliation des biens culturels;

16. exhorte l’Union européenne et ses États membres à appuyer la coordination régionale dans les efforts qu’elle déploie;

17. demande à l’Union européenne et à ses États membres d’apporter leur soutien au renforcement des capacités des États de la région et de mobiliser l’ensemble des moyens disponibles pour protéger la population et promouvoir la sécurité et le développement de la région, en collaboration avec les États de la région et les organisations interétatiques que sont la CDAO et l’UEMOA;

18. demande que soit étudiée la possibilité d’une mission européenne, dans le cadre de la PESD et sous mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, pour apporter un soutien logistique à l’armée malienne, ainsi que d’une éventuelle force de la CEDEAO, ou d’une force conjointe CEDEAO / Union africaine / Nations Unies pour sécuriser les zones du Mali non occupées par des groupes armés illégaux;

19. souhaite que la mission PESD aide les pays de la sous-région à mieux contrôler leurs frontières, en particulier pour lutter contre les trafics d’armes et de drogues;

20. condamne également l’enlèvement, les 24 et 25 novembre 2011, de deux ressortissants français, d’un Suédois, d’un Néerlandais et d’un Sud-Africain en possession d’un passeport britannique, ainsi que l’assassinat d’un citoyen allemand qui tentait de résister à ses ravisseurs; observe que les otages européens dans la région du Sahel sont ainsi au nombre de douze, tandis qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique détient toujours deux Espagnols et un ressortissant italien enlevés dans le Sahara occidental en octobre 2011 et quatre ressortissants français enlevés au Niger en septembre 2010, et rappelle qu’une missionnaire chrétienne suisse a été kidnappée à Tombouctou le 15 avril;

21. exprime de nouveau la vive préoccupation que lui inspire l’aggravation rapide de la crise humanitaire et alimentaire et demande à la Commission et aux États membres d’intensifier et d’accélérer la fourniture de l’aide humanitaire destinée aux populations dans le besoin; relève que la Commission a débloqué EUR 9 millions supplémentaires pour répondre aux nouveaux besoins humanitaires dans le nord du Mali; souligne qu’il est nécessaire d’agir de toute urgence pour ouvrir un espace humanitaire et permettre que les fournitures de denrées alimentaires et de médicaments atteignent le nord du pays; craint que ne se développe, en l’absence de mesures rapides en ce sens, une crise humanitaire majeure qui pourrait affecter sur les pays voisins;

22. demande que soit créé un couloir humanitaire afin de venir en aide aux dizaines de milliers de personnes déplacées à cause des combats au Mali, la plupart d’entre elles ayant cherché refuge dans des pays voisins, notamment au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso; demande également qu’une solution complète et rapide soit apportée à la crise humanitaire qui frappe de Sahel dans son ensemble;

23. souligne que la crise qui touche aujourd’hui le Mali trouve ses origines dans les problèmes économiques et sociaux du pays et qu’il est urgent de répondre aux besoins des populations en matière d’accès à l’emploi, de santé, de logement et de services publics, avec le souci que chacun soit traité équitablement et de manière à assurer le respect des droits de l’homme  élémentaires, y compris les droits des minorités;

24. demande à l’Union européenne d’accentuer son action en faveur des populations de la région en contribuant à leur fournir un accès plus aisé à l’eau et aux services publics d’éducation et de santé, ainsi que de meilleures infrastructures pour désenclaver la région;

25. demande que le soutien de l’Union européenne à cette région fasse l’objet d’une évaluation précise;

26. est convaincu qu’une solution durable dans la région devrait viser au renforcement des institutions publiques, inciter à la participation active des citoyens au processus de prise de décisions et à la création de conditions favorables à un développement économique durable et équitable;

27. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux institutions de la CEDEAO et de l’Union africaine, au Président par intérim du Mali et au Conseil de sécurité de l’ONU.

25/05/2012