PRIMATURE Polémique autour de deux nominations

Par cette déclaration, on comprend ainsi « la volonté » de Cheick Modibo Diarra de rompre d’avec les anciennes pratiques qui ont malheureusement fait la réputation du régime défunt d’Amadou Toumani Touré. Seulement voilà : certains actes du chef du gouvernement sont en contradiction avec ce discours.

En témoigne la nomination de l’ancien Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, comme son conseiller spécial. A première vue, il n’y a rien d’anormal en cette nomination, sauf que le promu n’est autre que le grand frère de lait du Premier ministre. Il y a donc à parier, aux yeux de nombreux observateurs, que la fibre parentale ait fortement motivé cette promotion.

« Si Sidi Sosso Diarra a les valeurs pour les tâches à lui assignées, très peu de Maliens le verront sous cet angle. Et ils ont raison, car le Mali ne manque pas de cadres jeunes et patriotes pouvant assumer les responsabilités de ce poste. A sa place je me passerais de cette décision que je trouve contraire à son discours », dénonce un responsable politique du front anti-putsch sous le couvert de l’anonymat, car, selon lui, la situation politique est tellement fragile qu’il faut éviter les polémiques sur certaines questions.

Il y a une autre dimension, non moins importante dans la nomination de l’ancien Vérificateur général à la Primature : c’est surtout son dossier pendant devant les tribunaux. Interpellé en 2009 par le Tribunal de première instance dans une affaire qui l’oppose à certains travailleurs de l’institution, Sidi Sosso Diarra avait été placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction Dramane Diarra.

Il ne devra sa libération en fin de journée qu’à l’intervention du chef de l’Etat. Cependant, le dossier n’a pas été vidé. Et les professionnels du droit sont formels : Sidi Sosso reste en liberté provisoire, car son jugement n’a pas encore eu lieu.

Cumul de fonctions et incompatibilité  

L’autre nomination contestée à la Primature, c’est celle de Diango Cissoko, l’actuel Médiateur de la République, nommé pour un mandat de 7 ans. Les textes en la matière sont clairs : « le Médiateur de la République a été institué par la loi n°97-022 du 14 mars 1997, en tant qu’autorité indépendante intervenant dans le règlement des litiges entre l’administration et les administrés de l’exécution de ses missions de service public ».

En clair, dans l’exercice de ses fonctions, il ne reçoit d’instruction d’aucune autre autorité. Or, dans le cas présent, Diango n’est plus une « autorité indépendante » dès lors qu’il est devenu membre du cabinet du Premier ministre et qu’il est soumis à une hiérarchie. Ce qui fera constater aux observateurs qu’il y a cumul de fonctions, quand on sait les avantages faramineux dont bénéficie un conseiller spécial à la Primature.

En plus, la nomination de Diango Cissoko donne raison à ceux qui avaient dénoncé, après la formation du gouvernement, la réhabilitation du régime Moussa Traoré. A la retraite depuis plusieurs années, Diango a été sous ATT secrétaire général de la présidence de la République.

Sous Moussa Traoré, il a été ministre de la Justice en 1988, secrétaire général de la présidence de 1988 à 1989, puis ministre/secrétaire général de la Présidence jusqu’au coup d’Etat du 26 mars 1991.

Bref, Diango est un ancien dignitaire du régime de la soldatesque, qui est resté fidèle à son mentor. « Sous ATT on a reproché la promotion d’un homme et de son clan. Aujourd’hui, nous assistons à la promotion d’un homme, de sa famille et des amis de son gendre », ironisent cet ancien baron du régime ATT.

En nommant Diango Cissoko en qualité de conseiller spécial, Cheick Modibo prête le flanc à des attaques bien légitimes et trahit aussi son discours. Mais dans un pays où les hommes politiques manquent véritablement de courage à se saisir de certains dossiers, de telles dérives peuvent passer inaperçues.

Issa Fakaba Sissoko

L’ Indicateur Du Renouveau 17/05/2012