Depuis le 18 août 2020, le Mali est à la croisée des chemins avec la chute
de feu Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK, renversé par des jeunes officiers
du Comité national du salut du peuple (CNSP). Après quelques mois de
tâtonnement et surtout de tiraillement entre les militaires et les civils, ces
derniers ont été débarqués le 21 mai 2021 au nom de la rectification de la
transition. Celle-ci s’est traduite par une rupture aussi bien dans la
gouvernance du pays que dans ses relations bilatérales et multilatérales
afin de refonder l’État sur de nouvelles bases. En conséquence, il faut
faire maintenant face aux difficultés de cette rupture historique. Et pour
le moment, c’est le peuple qui trinque !
«Il devient indispensable que l’humanité formule de nouveau mode de pensée
si elle veut survivre et atteindre un plan plus élevé», écrivait Albert Einstein.
C’est une déclaration puissante sur la nécessité d’un changement fondamental
dans la manière dont nous abordons les défis. Elle suggère que les problèmes
auxquels nous faisons face, tels que le changement climatique, la pauvreté, la
guerre… ne peuvent pas être résolus en utilisant les mêmes modes de
pensée qui les ont créés. Ce nouveau mode de pensée doit être basé sur la
collaboration, l’empathie et la compréhension. Il doit être capable de
«transcender les divisions politiques et culturelles et de mettre en avant
l’intérêt national».
Les autorités actuelles de la transition ont compris cette nécessité face aux
défis principaux auxquels elles ont été rapidement confrontées : le terrorisme
et la refondation de l’État pour bâtir le Mali Kura ! Cette prise de conscience
est à la base de la rectification enclenchée le 21 mai 2021 et qui a vu les
leaders du Comité national du salut du peuple (CNSP) reprendre en main la
transition en cours. Cela s’est traduit par une rupture historique qui est en
cours avec une redéfinition des lignes directrices du partenariat avec notre
pays. Ainsi, depuis le 21 septembre 2022, les relations avec le Mali sont
désormais fondées sur trois principes clefs. Il s’agit du respect de la
souveraineté du Mali ; du respect de ses choix ; et de la défense des intérêts
du peuple malien dans les prises de décisions. Déployées dans le pays sous
prétexte de la lutte contre le terrorisme, les forces étrangères ont été les
premières à faire les frais de cette rupture.
Ce qui traduit une prise de conscience des nouvelles autorités de la transition
qui ont compris que la lutte antiterroriste des puissances occidentales ne peut
être aussi gagnée parce que ceux contre qui et pourquoi elle est menée ne
sont pas définis. Le terrorisme n’est qu’une arme utilisée par des courants
politiques déterminés, à des fins précises. Ni les terroristes ni les puissances
impérialistes ne peuvent gagner une guerre aux objectifs non définis parce
qu’inavouables. Il revenait donc aux forces patriotiques maliennes de
combattre intelligemment, mais impitoyablement le terrorisme et l’impérialisme
qui incarnent Satan masqué au tant qu’un enfer pavé de bonnes intentions.
Celui qui y croit s’abuse.
Les acteurs de la rectification n’y ont pas cru et ils ont eu raison. «Après
l’expérience de la présence des forces internationales, y compris les Nations
unies, le Mali a vite compris les limites aussi de ce type d’intervention, qui
dans certains cas renforçait aussi la dépendance, ne répondait pas à la
situation dans le sens où ça ne donnait pas les capacités aux Maliens et à
l’État malien d’assurer la sécurité… Depuis le départ des forces
internationales, le Mali a aujourd’hui recouvré l’entièreté de son territoire
national», a déclaré le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération
internationale, Abdoulaye Diop, dans une interview accordée à la Deutsche
Welle (service international de diffusion de l’Allemagne).
Haro sur la singerie démocratique consistant à appauvrir le peuple pour
s’enrichir
Pour ériger le Mali Kura sur des bases solides, au-delà de la lutte contre le
terrorisme, il faut savoir et pouvoir réunir les moyens et les conditions d’un
vigoureux développement économique capable de satisfaire les besoins de
l’armée au front et d’apporter la prospérité au peuple. Ce qui implique une
forte capacité d’innovation et de créativité dans un pays où tout est à faire ou à
refaire. Relever ce défi suppose de faire courageusement face aux difficultés
de cette rupture historique en cours. Nos autorités doivent aujourd’hui
privilégier une approche démocratique d’organisation, d’éducation et de
mobilisation des forces vives du pays.
Par approche démocratique, nous entendons aller au peuple pour concevoir
avec lui un devenir collectivement désiré. Les élections ne sont que le
processus de désignation de mandataires chargés de porter le projet sociétal
pour une durée déterminée. La démocratie africaine, faite d’honneur et de
dignité, consiste à «appliquer ce qui a été convenu d’un commun accord avec
le peuple». La singerie démocratique consiste à s’appauvrir en promettant tout
au peuple et en s’enrichissant en ne tenant pas ses promesses. Il faut
idéologiquement relativiser le concept de peuple. Les prêcheurs qui préfèrent
le fric aux délices du paradis et les politiciens qui émargent à la Françafrique
ne font pas partie de ce peuple, car ils ne peuvent pas avoir le Mali comme
agenda.
Les acteurs politiques de la transition se trompent s’ils sous-estiment la
capacité de régénération de l’hydre impérialiste à multiples têtes. Face à
l’idéologie et aux pratiques malsaines de ce monstre, que la révolution
n’empêche pas de guetter à la fenêtre, il faut armer culturellement,
politiquement et économiquement le peuple. Par culture, nous entendons, au
sens large, «la manière de comprendre, de sentir et d’agir, au sens de
dynamique, de capacité de compréhension et de création» sans préjudice aux
152 diverses définitions de la culture.
Economie de guerre et réarmement culturel et politique du peuple ! Voilà les
armes de sauvegarde de la dynamique de la révolution sociale.
L’acharnement, depuis des décennies, de l’impérialisme contre la Chine,
Cuba, les régimes souverainistes africains, le Venezuela, l’Iran…, démontre
que l’Alliance des Etats du Sahel (AES) vivra et grandira par la lutte de
mobilisation populaire. Celle-ci est à la fois une course de fond et d’handicap.
Et nous n’avons pas droit ni à l’erreur ni à l’échec car l’ennemi guette à la
porte, et ses affidés s’agitent à l’intérieur !
Bamako, le 21 mai 2025
Diatrou Diakité
Consultant Indépendant
diasporaction.fr