POLITIQUE Temps couvert sur mon pays…

Les nouvelles sur mon pays dans les grins, dans les marchés, sur les chantiers, dans les bureaux sont extrêmement alarmantes et inquiétantes. Je vis pourtant dans ce pays depuis toujours, et j’y conserve mes racines et… ma famille et mes amis. Bref, tout sans compte bancaire à l’étranger.

Le Mali serait dans un vilain état. Beaucoup de gens le murmurent, mais il n’est pas suffisant de le dire. Il faut que des gens agissent pour le démontrer, que les plus hautes autorités le ressentent. Le Mali va très mal dit-on, même si la situation est larvée. Le ciel est couvert. Les signes d’alerte s’accumulent, tels que la grande marche des « indignés de la République » du 21 mai 2016, la cherté du panier de la ménagère, l’insécurité généralisée, l’enlisement de la crise au nord avec ses nombreux morts de soldats maliens, la mauvaise distribution de la justice, la mauvaise gestion du foncier et de nos hôpitaux, l’incapacité du gouvernement à faire face à la demande sociale, la corruption et les scandales financiers à répétition, l’impunité, les difficultés d’approvisionnement des citoyens en eau et électricité propres et régulières à coût abordable, les difficultés de mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger, entre autres.

Le peuple en marche, le 21 mai 2016 a alerté et reproché au gouvernement d’avoir de la peine à se réformer, à faire des économies d’échelle sur son train de vie, surtout de compter en son sein des bras cassés. Il déplore le comportement agressif, insultant, ou menaçant de certains membres du gouvernement et de chefs d’institutions assurés qu’ils sont, d’être des intouchables. Je rappelle qu’un membre de l’équipe gouvernementale doit travailler, pas pour que sa présence dans l’équipe soit remarquée, mais pour que son absence se ressente.

On me rétorquera que le gouvernement est en train de fournir de gros efforts dans un pays qui avait été plombé par une crise multigrade. Qu’il faut de la patience, de la résilience car ce sont des réformes profondes qui sont en cours dont les résultats seront durables. Mais tout se passe comme si c’est une transpiration sous la pluie.
Difficile de voir les effets. Je n’accable pas le Président de la République, ni son gouvernement. Ils ne sont pas peut être responsables de tout. Ni du passé du pays, ni des contraintes réelles de mise en œuvre du programme présidentiel. Mais ils doivent s’acquitter du devoir d’amener les maliens au bonheur et à recouvrer leur honneur malmené.

L’histoire nous enseigne que l’enfer ne tombe pas d’un coup sur tout un pays. Il y a des étapes à franchir et notre pays est en train de les franchir à toute allure. Si on n’y prend garde.

Je ne voudrais pas paraître comme le prophète de malheur, encore moins comme un oiseau de mauvais augure qui prédirait le malheur pour son pays si éprouvé par le terrorisme, les violences de tous genres, car les maliens sont des amis, des frères, des parents, et je les aime tous et je voudrais les voir tous heureux à mon image à moi.
J’ai peur qu’au regard de tout ce qui se raconte que dans les jours ou mois à venir, les maliens aient à choisir entre rester et subir dans leur pays, préparer leurs effets ou ce qui en reste et fuir pour d’autres cieux plus cléments. Je présume que la majorité de la population choisira le premier cas de figure, sinon le second cas n’est en général envisagé que par des jeunes, sans famille, armés de courage et de quelques économies. Ou alors à des gens poussés à bout par la faim, la peur, ou la mort certaine.

À l’analyse de la situation ambiante, le Mali fait face à deux défis majeurs : une situation économique (microéconomie) catastrophique, et un tissu social et culturel en état de délabrement avancé. Si apparemment l’État ne manque de rien, le malien lambda commence à manquer de tout, les marmites ne bouillent plus, les jeunes manquent de travail, l’horizon s’assombrit. Ce sont, littéralement, des dizaines de milliers de gens qui se retrouvent avec une part non négligeable de leurs revenus amputée, parce que les « affaires » ne marchent plus. Des « sociétés écran » se sont multipliées dans le circuit de la fourniture de services à l’administration publique en contraignant les entreprises enregistrées au fisc à mettre les clés sous le paillasson.

Vous comprenez aisément avec moi que les maliens sont habitués aux initiatives privées mais accrochées aux bras de l’état-maman. De telle sorte qu’ils ont pour beaucoup perdu l’habitude de se battre et de prévoir.

Par ailleurs, ce qui a fait du Mali, une nation enviée de par le passé, est en train de disparaître peu à peu pour être remplacé par un mélange de cultures allogènes et d’inculture généralisée dans toutes les matières pourtant essentielles à la compréhension du monde moderne d’aujourd’hui.

Le patriotisme, une infamie…

La notion de patriotisme en est même devenue infamante. Il n’y a plus, comme ce fut le cas par le passé, de réelle cohésion nationale, car il n’y a plus vraiment de sentiment général de faire partie d’une même nation, avec une histoire et des intérêts communs. Et ce qui m’inquiète le plus, c’est l’éventualité d’un affrontement entre les populations du nord et celles du sud, entre ethnies, entre les syndicats, les associations réclamant leurs droits et les hordes de voyous manipulées qui peuplent nos banlieues, violentes et prêtes à descendre dans les rues, et à saccager tout ce qui symbolise l’Etat et les richesses bâties insolemment.

Pour faire face à ces défis, notre pays souffre malheureusement de deux tares qui limiteront grandement sa capacité d’action. D’une part, nos institutions et notre classe politique donnent l’image de n’être pas taillées pour gérer des problèmes de cette ampleur. Elles donnent l’air d’avoir créé les problèmes et de les entretenir depuis toujours. Et les populations lassées, ne peuvent plus compter sur elles pour les résoudre. Car, à l’épreuve, le processus de décision politique est trop long et fastidieux pour pouvoir réagir à l’urgence d’une situation se dégradant à grande vitesse.

D’autre part, nous constatons la démotivation et la démission des hauts cadres parmi les mieux formés, les plus inventifs, les plus imaginatifs, les plus dynamiques et les plus entreprenants dans l’administration publique. Les médiocres et les laudateurs ont remplacé les plus méritants. Les compétences sont au garage ou ailleurs, en dehors du pays. On fuit le fardeau du pays pour se positionner sur le lieu du partage du gâteau « Mali ». C’est peut-être comme cela la politique telle que pratiquée sous nos cieux. Pour autant, nous nous devons de sauver notre pays qui s’il n’est pas au fond de l’abîme, est au bord du précipice. Sachez bien que la plupart de ceux qui restent à leurs postes, le sont par manque d’autres options. Sinon, ils sont constamment humiliés par des moins que rien dont le seul mérite est de posséder la carte de membre d’un parti politique tentaculaire auquel ils ne croient même pas. Alors, ce sont des gens, pour la plupart peu scrupuleux qui se retrouvent aux commandes de l’Etat, à des postes stratégiques sans structures solides pour les soutenir, et incapables de créer de la richesse et des emplois ou d’entretenir l’espoir pour les jeunes patriotes et méritants.

Le pouvoir est en train de tomber progressivement dans une forme de disgrâce à cause des écarts insupportables dans la gestion du pouvoir, tant par les dérives du parti au pouvoir, que par le zèle de certains proches d’IBK, à la limite tombés dans la malveillance contre le peuple.

Les conséquences d’une telle situation sont imprévisibles et fâcheuses : de la pauvreté partout, un chômage qui explose ; des salaires qui ne suffisent plus ; la violence qui gagne du terrain ; l’inflation des prix des prix de première nécessité et la chute vertigineuse du pouvoir d’achat, la faim, la soif….

Rien n’est irréversible dans la marche d’un peuple, car les périodes d’euphorie sont toujours suivies de périodes de doute face à la persistance des problèmes hérités du passé et à l’apparition de nouveaux. Toutes choses qui peuvent inciter les populations « désabusées » et impatientes à ‘’radicaliser’’ leurs revendications sans tenir compte des disponibilités du pays.

L’histoire nous enseigne aussi que nos populations ne meurent pas de faim et soif à cause de simples perturbations météorologiques ou d’une incapacité quelconque de leur part à dompter la terre nourricière, mais que la faim et la soif dans nos pays sont le plus souvent organisées et planifiées de mains d’hommes, via la création des conditions socioéconomiques et politiques calamiteuses…

Certains me diront que je suis pessimiste, alarmiste ou extrémiste. Peut-être le suis-je. Peut être pas. Mais, si vous êtes optimistes, alors contaminez-moi. En attendant, je ne suis pas le seul à m’inquiéter… Alors, si nous nous couchons, nous sommes morts. La menace d’une explosion sociale est sourde. Car le silence d’un peuple meurtri est comparable à celui d’un fusil chargé ; le fusil chargé ne parle que pour tuer. Alors…

Hon. Yaya Sangaré
Député à l’Assemblée nationale
Bamako