«On ne peut pas continuer à appauvrir l’Afrique et demander aux Africains de rester chez eux»

Dans le cadre du nouveau projet financé par le ministère des Affaires étrangères allemand, Deutsche Welle (Dw), en partenariat avec Radio Kledu, a organisé un débat public sur le thème : «dilemme migratoire : partir ou rester» ? C’était le mardi 15 novembre 2016 à l’institut français.

L’objectif du débat était de fournir des éléments de réflexion relatifs aux espoirs, aux problèmes et aux défis des migrants africains, majoritairement composés de jeunes. De nombreux pays d’Afrique sont concernés par l’émigration clandestine. De plus en plus, des jeunes n’hésitent pas à tout abandonner pour rejoindre l’Europe dans des conditions de sécurité extrêmement précaires. Qu’est-ce qui les pousse à partir ? Quelles mesures sont prises par le gouvernement pour les retenir ?

Les panelistes à ce débat étaient Broullaye Keïta, conseiller technique au ministère des Maliens de l’Extérieur ; Cheick Fanta Mady Traoré, coordonateur du programme décennal de développement de la formation professionnelle pour l’ emploi ; Ousmane Diarra, président de l’association malienne des expulsés ; Aminata Dramane Traoré, altermondialiste, et Etienne Fakaba Sissoko, professeur d’économie. Le débat était animé par Mireille Dronne de la Deutsche Welle et Mahamadou Kane de Radio Kledu.
Les panelistes ont particulièrement souligné les problèmes des pays de transit, les dangers auxquels sont confrontés les migrants durant les traversées en bateau ainsi que les conditions de vie difficiles qui les attendent dans les pays d’accueil.

D’entrée de jeu, l’assistance a suivi un témoignage émouvant d’un jeune malien, Salif Tougoulé, carreautier, qui a fait part de son envie de partir. Selon lui, si les jeunes partent en immigration, ce n’est pas parce que le Mali n’est pas bon, mais parce qu’il n’y a pas du travail. Il a indiqué que son métier ne lui permet pas de vivre au Mali. C’est pourquoi il veut partir. À en croire Salif Tougoulé, tout migrant part dans l’espoir de réussir.

Pour Animation Dramane Traoré, ce sont les jeunes, qui ne demandent qu’à travailler et à vivre dignement, qui partent en immigration. À l’en croire, ils partent dans l’espoir d’avoir un emploi. L’altermondialiste a également indiqué que partir est un droit, car l’histoire de l’humanité rend compte du mouvement de migration. «L’immigration est une menace parmi tant d’autres. Mais on ne peut pas continuer à appauvrir l’Afrique et demander aux Africains de rester», a-t-elle déclaré.

Selon Cheick Fanta Mady Traoré, coordonateur du programme décennal de développement de la formation professionnelle pour l’emploi, «partir n’est pas la solution» car des politiques d’emploi sont aujourd’hui développées au Mali, pour permettre aux jeunes de s’insérer dans le tissu économique. Il a expliqué que le programme décennal de développement de la formation professionnelle pour l’emploi est un programme qui prend en compte le problème de chômage et la formation des jeunes. Cheick Fanta Mady Traoré a indiqué que des dispositions d’accompagnement sont mises en place par l’Etat telles que l’Apej et l’Anpe pour l’employabilité des jeunes. Il a aussi fait savoir que les migrants de retour sont pris en compte dans les politiques d’emploi au Mali.

Quant au président de l’association malienne des expulsés, Ousmane Diarra, il a souligné que « nous sommes tous candidats à l’immigration». Il a signalé qu’en Afrique en général et au Mali en particulier, les jeunes n’ont pas d’emploi, ce qui les pousse à s’immigrer. «Le Mali n’a pas de politique d’emploi. C’est pourquoi beaucoup de jeunes partent en immigration. Pour rester, il faut l’accompagnement de l’Etat», a-t-il déclaré.

Pour sa part, Broullaye Keïta, conseiller technique au ministre des Maliens de l’Extérieur, a laissé entendre que «si partir conduire à l’impasse, il faut rester». Selon lui, le Mali est l’un des pays qui a pris la question de migration à bras-le-corps. À l’en croire, 3 milliards de Fcfa ont été investis au bénéfice des migrants de retour de 2007 à 2014 par l’Etat. Broullaye Keïta a aussi ajouté que l’Etat a appuyé en 2016 des initiatives dans la région de Kayes pour que les jeunes puissent rester au Mali.

L’activiste-économiste, Etienne Fakaba Sissoko a martelé que les jeunes partent parce qu’ils ne sont pas pris en compte dans les politiques d’emploi au Mali. Selon lui, «partir n’est plus un choix. Partir, c’est aussi développer le pays d’origine». Il a indiqué que l’apport de la diaspora au développement du Mali est plus conséquent que l’aide publique au développement. Etienne Fakaba Sissoko a enfin remis en cause les politiques économiques de nos Etats. Il faut noter que deux autres débats sont prévus dans ce projet : le 8 décembre à Dakar avec Dunya FM et courant décembre à Niamey avec RTT.
Diango COULIBALY