Mot de la semaine : Déguerpissement

La ville des trois Caïmans est en ébullition depuis quelques jours. La cause serait, comme le stipule le libellé des sommations adressées aux occupants, le dégagement des voies publiques en vue du Sommet Afrique-France prévu au mois de janvier 2017. Cette opération initiée par le gouverneur du District de Bamako est diversement accueillie et commentée.

Selon les plus hautes autorités, Mme le Gouverneur Aminata Kane fait non seulement œuvre utile, mais aussi et surtout preuve d’un courage viril et d’abnégation qui méritent d’être soutenus. Certains usagers de la voie publique abondant dans le même sens que les autorités, estiment qu’une capitale n’est pas une banlieue, encore moins un bidonville et ne saurait accueillir toutes les misères du pays avec son lot d’inconfortables immondices nauséabondes. D’autres, plus neutres pensent que cette opération devait intervenir depuis les premières heures du pouvoir IBK de façon à maintenir intact la grande peur que certains cadres avaient retenu de la rigueur du Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré.

Comparativement à la Côte d’ivoire, le président Alassane a d’abord mobilisé les ressources et même construit des sites en prévision du recasement des déguerpis avant de procéder à la démolition des étals marchands. Gouverner étant prévoir, nos autorités auraient pu s’inspirer d’une telle démarche méthodique des autorités ivoiriennes.

Mais, pour les victimes, cette opération n’a pas sa raison d’être dans un pays où l’emploi est une denrée rare et où les autorités sont incapables d’assurer le minimum vital à la grande masse qui broie du noir. Certains observateurs de la scène politique malienne voient en cette opération un coup de poker pour séduire les hôtes du Mali, François Hollande et les autres. Ce que les autorités ne semblent pas avoir mesuré à sa juste valeur, est que l’on ne fait pas tant de dégâts chez les pauvres à deux ans d’une échéance électorale.

L’ampleur des dégâts et les conséquences sociales sont énormes. En attendant qu’un bilan officiel sur la valeur des casses ne soit disponible, le Président IBK qui a tiré sa légitimité de la grande misère du bas peuple qui s’est tant mobilisé pour lui, perdra son latin à vouloir convaincre les victimes du bien-fondé de cette opération de déguerpissement. Mais comme le disent ses détracteurs, le Président IBK rend Bamako propre pour que « Papa Hollande », le 334ème saint de Tombouctou ne s’enrhume point. Certains vont jusqu’à affirmer que la dernière visite d’IBK à Paris n’avait d’autre impératif que de rassurer le Président Hollande de la capacité de Bamako à accueillir le sommet que d’autres pays de la sous-région souhaiteraient bien détourner. Avec ce déguerpissement, les élections présidentielles de 2018 ne manqueront pas de sujet de débat.
Youssouf Sissoko
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