Mohamed Bazoum à la VOA : « Sanogo n’a eu que le mérite de faire occuper les deux tiers de son pays »

 

Au Mali, malgré l’accord signé avec la Cédéao, le pouvoir de Dioncounda Traoré semble plus que jamais menacé. Que faire ?

Mohamed Bazoum : « Il s’agit pour la Cédéao d’être conséquente et donc ferme. A dire vrai, Dioncounda Traoré n’a jamais eu de pouvoir parce que le capitaine Sanogo n’a jamais consenti à le lui en donner. Avec les évènements intervenus lundi dernier (NDLR : agression de Traoré au palais par des manifestants), on comprend que le coup d’Etat ne s’est jamais arrêté au Mali. Le capitaine Sanogo n’a jamais cessé de penser que personne d’autre que lui ne pouvait être chef de l’Etat. On ne peut pas continuer cette situation où nous signons des accords qui sont foulés le lendemain. Une telle situation au Mali est un danger pour la sous-région si elle perdure. »

Quelle réponse apportée puisque l’influence du capitaine Sanogo sur la vie politique malienne semble constante ?

Mohamed Bazoum : « Il faut mettre fin à cette situation et mettre les sanctions en application. Nous n’avons plus de temps à perdre. »

Et l’option militaire ?

Mohamed Bazoum : « S’il le faut, il faut aller à Bamako sécuriser les autorités légitimes de la transition. Le dernier accord signe avec Sanogo lui fait beaucoup de concessions en considérant qu’il est un ancien chef de l’Etat. Alors qu’il n’a eu que le mérite, c’est d’avoir fait occuper les deux tiers de son pays, parfois par des forces étrangères de type terroriste. Il a mis à bas l’Etat malien et divisé le Mali. Malgré cela, on lui a fait cette concession douloureuse pour nous pour qu’il cesse de perturber la transition. Je suis convaincu qu’il entretiendra l’ambiguïté et que le Mali va continuer de s’enfoncer. »

La Cédéao a-t-elle les moyens d’intervenir militairement ?

Mohamed Bazoum : « Elle a un premier moyen imparable : les sanctions. Elles vont contribuer à affaiblir Sanogo, à le déstabiliser. Si elles ne devaient être suffisantes, alors il faut envoyer une force. Il y a une montée en puissance du dispositif. »

Est-ce un ultimatum de la Cédéao lancé au Capitaine Sanogo ?

Mohamed Bazoum : « Oui, il faut lui lancer cet ultimatum par les canaux appropriés. Je n’exprime ici que mon point de vue même si je sais qu’il est largement répandu dans la sous-région. Notre responsabilité est en jeu. »

Y a-t-il un péril islamiste dans la région ? Cette semaine, l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique Abdelmalek Droukdel, a appelé ses combattants à imposer « graduellement » la Charia au Nord-Mali.

Mohamed Bazoum : « Oui.Quand des personnes comme lui ou d’autres qui animent les différentes katibas d’AQMI et de leurs alliés du Mujao, d’Ansar Dine, etc. occupent un territoire si important. Ils ont à leur portée tout ce qui leur faisait défaut lorsqu’ils étaient confinés dans les montagnes des Iforas. Ils ont des armes, de la nourriture et du carburant. Lorsqu’on sait tout cela, on peut considérer qu’il y a un péril islamiste dans la région. »

Vue la situation, la division territoriale du Mali n’est-elle pas amenée à durer ?

Mohamed Bazoum : « C’est pour cela qu’il est d’urgent d’avoir un pouvoir au Mali soutenu par la communauté internationale et par la majorité des Maliens. Que ce pouvoir soit en mesure de reconstituer l’armée pour lutter contre AQMI. »

Mais faut-il négocier avec les différents groupes rebelles notamment le MNLA ?

Mohamed Bazoum : « Aucune idée. S’il était possible de façon opérationnelle de faire une nuance entre eux et qu’il y a une utilité à discuter avec certains, pourquoi ne pas le faire ? Mais toute la difficulté c’est de savoir qui sont les différents acteurs. Si le MNLA existe et s’il a une quelconque force et qu’il peut contribuer à lutter contre le terrorisme, on peut dialoguer. Mais, je crains que le MNLA n’existe pas véritablement, qu’il ne soit pas un acteur intéressant et qu’on puisse perdre du temps. MNLA, Ansar Dine et autres, c’est quoi la différence ? Difficile de répondre. »

Ecoutez l’intégralité de l’entretien qu’a accordé Mohamed Bazoum à Nicolas Pinault.

Par VOA 25/05/2012