Marché de gré à gré pour 2,2 milliards avec CFAO Motors Le Premier Ministre épinglé

Cette opération, frappée du sceau de l’urgence, a été négociée par entente directe entre CFAO Motors et le gouvernement du Mali, pour la fourniture des véhicules au compte de la Présidence de la République (12), de la Primature (22) et de la déjà très fameuse Commission Dialogue et Réconciliation (21). Le montant total est estimé à 2 213 400 000 FCFA TTC. La valeur unitaire des véhicules varie entre 85,7 millions (Toyota Land Cruiser VDJ 200 VX),  et 23,2millions (Toyota Hillux DC).

Selon des sources proches de certaines concessionnaires, ce marché est «trop gros pour être attribué de gré à gré». De plus, ils estiment qu’il n’existe aucune urgence qui pourrait justifier un marché par entente directe et que l’Etat y gagnerait, au point de vue prix, s’il passait par un Avis d’appel d’offres. Sans compter que les éventuels attributaires se démèneront certainement pour qu’au moment de leur départ une réforme opportune leur permette de se voir rétrocéder à bas coût des véhicules encore bien rutilants!

«Si les véhicules étaient destinés à l’armée, on pourrait comprendre le caractère urgent et l’entente directe. Mais, de cette façon là, ce n’est pas clair du tout. On comprend bien que le fils d’un haut responsable du gouvernement est l’un des courtiers de CFAO Motors, où il touche des pourcentages sur les marchés, mais cela ne suffit pas pour justifier le gré à gré. Nous payons les mêmes taxes et nous souhaitons que l’Etat soit juste», nous a confié l’un de nos interlocuteurs.

A l’Hôtel des Finances, personne ne veut parler de ce dossier. Tous nos interlocuteurs disent ne rien en savoir. Mais, à la faveur de la nuit, le jeudi 4 avril dernier, un cadre intermédiaire a osé nous appeler pour nous entretenir de l’affaire. Selon ce dernier, le ministre des Finances, Tiénan Coulibaly, aurait bien expliqué au Chef du gouvernement qu’aujourd’hui l’administration malienne avait d’autres besoins, qui n’étaient pas forcément la dotation en véhicules de luxe de certains cadres de la Présidence et de la Primature. Et notre source de préciser que le ministre des Finances a clairement dit au Premier Ministre ne pas disposer de ligne budgétaire pour acheter, durant cette période, des véhicules pour les deux institutions.

Consterné par cette réponse, le Premier ministre a donc saisi le ministre délégué auprès du ministre des Finances, chargé du Budget, Marimpa Samoura, afin de monter le dossier. Celui-ci, qui rivalise toujours avec le ministre Coulibaly, a saisi ce «pain béni», pour monter le dossier à l’insu de son ministre de tutelle. Au finish, il s’est avéré que celui-ci, étant l’ordonnateur des dépenses, est incontournable. Le dossier revenu vers lui, il s’est montré intraitable sur la question: l’opportunité n’y est pas, encore moins la procédure.

«Je ne signerai jamais 2, 2 milliards pour acheter des véhicules pour l’administration à Bamako, pendant qu’il y a d’autres urgences», a-t-il répété au Chef du gouvernement. Il semble que la tension est actuellement très vive entre les deux hommes. Ce n’est pas la première fois que le ministre des Finances rejette des instructions venant du Chef du gouvernement, au nom de la rigueur budgétaire. Ce qui a fortement contribué à détériorer les rapports entre eux. La balle est donc dans le camp de Dioncounda Traoré, le Président intérimaire, réputé peu tranchant, pour trancher le litige. A suivre.

Chahana Takiou

 

Le 22 Septembre 2013-04-08 03:53:19