En s’alignant sur le modèle de gouvernance de la Confédération des États du Sahel (AES), le Mali confirme un choix politique assumé : celui d’une légitimité fondée sur la souveraineté populaire plutôt que sur les mécanismes électoraux classiques.
Réuni en Conseil des ministres le 11 juin 2025, le gouvernement malien a adopté un projet de loi prolongeant la Transition pour une durée de cinq ans renouvelable. Un choix structurant qui fait écho aux décisions similaires prises au Burkina Faso et au Niger, dans le cadre de la dynamique politique désormais partagée au sein de l’AES.
Dans un contexte de guerre contre les groupes terroristes, d’instabilité régionale et de rupture progressive avec les standards politiques occidentaux, les autorités maliennes revendiquent une nouvelle forme de légitimité : contextuelle, souveraine et enracinée dans les aspirations populaires. À leurs yeux, la priorité est claire : reconstruire l’État avant d’élire ses gestionnaires.
Refonder avant d’élire : un nouveau cap sahélien
La Charte révisée s’inscrit dans le prolongement des Assises Nationales de la Refondation (2021), qui avaient appelé à des réformes politiques et institutionnelles en amont de toute élection. Une feuille de route largement entamée, avec l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum en 2023, la réorganisation des pouvoirs exécutifs, et l’introduction de nouvelles institutions (Sénat, reconnaissance des langues nationales, légalisation des juridictions traditionnelles).
Le nouveau mandat accordé au Président de la Transition, le Général Assimi Goïta, s’inscrit dans cette continuité. Il ne s’agit pas, selon ses partisans, de s’accrocher au pouvoir, mais de mener à terme une entreprise de reconstruction profonde de l’État malien.
Vers un cinquième pouvoir : l’armée comme pilier de la souveraineté
Ce repositionnement politique s’accompagne de la montée en puissance d’un « cinquième pouvoir » : celui des forces armées, vues comme les garantes de l’intégrité du territoire et de la refondation de l’État. Dans cette vision, largement portée par les régimes de l’AES, l’armée incarne une autorité de transition légitime, car appuyée sur un contrat social nouveau, forgé dans la guerre et la résilience.
Une démocratie de reconstruction
Dans les capitales sahéliennes, une formule fait désormais école : stabilisation avant élections. Le modèle AES repose sur trois piliers : la souveraineté populaire exprimée par les assises et référendums, la primauté des réformes sur les échéances électorales, et une centralisation temporaire du pouvoir exécutif. Une « démocratie de reconstruction » en gestation, qui assume une rupture avec le pluralisme classique, accusé d’avoir failli.
Des partis politiques en sursis
Dans cette logique, les partis politiques traditionnels apparaissent comme les grands perdants. Jugés responsables des impasses passées, ils pourraient être suspendus ou dissous, à la faveur d’un nouveau système en cours d’élaboration. Une tendance déjà palpable dans les discours issus des concertations nationales et des consultations avec la diaspora.
Une posture risquée, mais assumée
Ce choix politique n’est pas sans risques. Il pourrait nourrir des tensions internes, raviver les critiques de la société civile et des partenaires internationaux, et renforcer l’isolement du Mali sur la scène diplomatique. Mais les autorités misent sur une stratégie de pédagogie politique, fondée sur un narratif souverainiste, et appuyée sur les acquis des dernières réformes (charte de la paix, Confédération AES, résultats sécuritaires, etc.).
Conclusion : un pari sur la durée
En s’inscrivant dans le sillage du Burkina Faso et du Niger, le Mali ancre son destin dans celui d’une alliance politique et sécuritaire inédite. La prorogation de la Transition pour cinq ans renouvelables marque une rupture profonde avec le cycle électoral traditionnel, au profit d’une légitimité populaire refondatrice.
Ce modèle suscite débat, mais il reflète une aspiration claire : reconstruire un État souverain, avant d’en confier la gestion aux urnes. Un pari risqué, mais peut-être nécessaire, dans un Sahel en quête de stabilité et d’avenir.
La rédaction
Diasporaction.