MALI-CHINE-SOUTIEN La contestation de la Chine jugée légitime par des experts

La Chine refuse de participer au procès intenté par les Philippines à la Cour d’arbitrage de La Haye (Hollande) sur l’appartenance d’îles litigieuses en mer de Chine méridionale. Et elle est soutenue par de nombreux «pays amis» à travers le monde qui sont convaincus que les îles au cœur du litige font partie de son «territoire historique» où sa souveraineté est incontestable.
Convaincus que les Etats-Unis sont derrière la procédure engagée par les Philippines, des diplomates maliens n’ont pas souhaité s’exprimer officiellement sur la question. N’empêche qu’ils nous ont presque tous rappelé que le Mali a toujours manifesté un «soutien indéfectible» à la République populaire de Chine dans les litiges frontaliers et de souveraineté, notamment sur Taïwan, Hong-Kong, le Tibet… À leur avis, dans le cas des îles de la Mer de Chine méridionale, le «dialogue bilatéral était plus approprié que la Cour d’arbitrage». Et ils sont convaincus que «le soutien du Mali à la Chine ne va pas changer maintenant au moment où la coopération sino-malienne a franchi un palier important ces dernières années». «La Chine continue à accompagner le gouvernement malien dans ses efforts pour sauvegarder son intégrité territoriale et l’unité nationale, ainsi que dans sa reconstruction nationale à travers la relance économique», avait déclaré l’ambassadrice de la Chine au Mali, Mme LU Huiyin, lors d’une réception à l’occasion du 66e anniversaire de la fondation de la République populaire. «Ces dernières années, les relations sino-maliennes ont connu un développement sain et régulier. L’amitié traditionnelle entre nos deux pays ne cesse de s’approfondir. Cette année aussi est fructueuse pour les relations entre la Chine et le Mali qui enregistrent de nouveaux progrès dans différents domaines…», avait ajouté la diplomate chinoise en «parfait accord» avec les nombreux représentants du gouvernement malien présents à la cérémonie. «Le refus de la République populaire de Chine d’accepter la procédure d’arbitrage initiée unilatéralement par les Philippines concernant des îles en mer de Chine méridionale est raisonnable et légitime», souligne S. Cissé, professeur de relations internationales.
L’incompétence de la Cour permanente d’arbitrage
Comme beaucoup d’experts à travers le monde, il est d’avis que la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye (Pays-Bas) abuse du mandat qui lui a été confié par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) en s’impliquant dans un différend territorial qui n’est pas de son ressort». Pour M. Cissé, «l’arbitrage en mer de Chine méridionale ne fera qu’empirer les tensions entre les voisins et mettre ainsi en danger la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale». Ils sont nombreux nos interlocuteurs qui pensent que les Philippines ont cédé à la pression des Etats-Unis pour porter plainte contre Pékin. L’objectif étant «d’empêcher l’ascension de la Chine».
«La mer de Chine méridionale est une voie stratégique de navigation convoitée par les Américains qui ont poussé des voisins de la Chine à des revendications territoriales», souligne un diplomate africain en poste à Bamako. Cet expert est convaincu que, sans la pression américaine, les deux pays peuvent trouver un terrain d’entente sur la base des accords bilatéraux et de la Déclaration sur la conduite des parties en mer de Chine méridionale (DOC). Il faut souligner que ce cadre juridique offre à la Chine et aux Philippines une base de négociation pour résoudre leurs différends. La décision du tribunal arbitral (attendue le 12 juillet 2016) risque surtout de semer la division au sein des Etats membres de l’Association des Nations de l’Asie du sud-est (ASEAN) dont les relations avec la Chine peuvent être compromises. «Sur cette question épineuse et complexe, mon sentiment est que les rapports bilatéraux et les discussions entre les parties devraient être priorisés. Les questions maritimes notamment les aspects liés aux limites de souveraineté ne sont pas faciles et les procédures d’arbitrage ou judiciaires peuvent difficilement satisfaire les parties», rappelle Moussa Mara, leader politique et ancien Premier ministre du Mali.
Les enjeux d’une convoitise américaine
«Je reste un partisan des vieilles habitudes diplomatiques bilatérales. Entre amis, entre époux comme entre nations, le dialogue direct est souvent la solution. On dit bien qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. Cela est valable pour ce cas», conclut-il. Nos interlocuteurs sont convaincus que le «Mali restera solidaire de la République populaire de Chine» dans la gestion de ce litige en mer de Chine. Tout comme d’ailleurs les autres partenaires de l’Empire du milieu en Afrique.
Pour comprendre les raisons de la convoitise américaine, il est bon de savoir que la moitié des supertankers mondiaux transitent chaque année par cette mer depuis l’Europe et le Moyen-Orient vers l’Est de l’Asie. Et six des dix plus grands ports commerciaux de la planète se situent sur les rives de cette mer. Au total, selon des statistiques concordantes, 5 milliards d’euros de marchandises passent par là. Mais, et c’est peut-être plus important, cette mer de Chine méridionale abriterait des réserves colossales de pétrole et de gaz. La Banque mondiale estimait récemment que les réserves de brut sont au moins équivalentes à sept milliards de barils et les réserves de gaz naturel équivalentes à 900 trillions de mètre-cube (m3). Une richesse qui pourrait permettre à la Chine, en pleine croissance économique, d’assurer sa sécurité énergétique et attirer des pays comme la Malaisie et le Vietnam.
Dan Fondio (Avec XINHUA)