Madagascar : quand la diaspora fait les courses pour les familles fragilisées par le coronavirus

Avec l’épidémie, les commandes de produits de première nécessité via Internet ont explosé sous l’influence des expatriés soucieux de venir en aide à leurs proches.

 

Consommer zen et local, c’est la devise de Supermarché.mg, une adresse qui fait fureur à Madagascar. Le vinaigre de cidre bio, les mangues séchées ou le riz noir cultivé sans pesticide peuvent être commandés sur Internet et livrés à domicile, ou bien achetés dans la boutique du centre-ville d’Antananarivo. En fait, c’est la première option qui est la plus plébiscitée aujourd’hui, via un paiement par carte bleue… parfois depuis l’étranger. Une tendance renforcée par l’épidémie liée au coronavirus, dans un pays où les trois quarts des habitants vivent avec moins de 1,90 euro par jour et où le Covid-19 est une épreuve pour bien des familles.

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Ingénieure agronome française qui ne peut rejoindre son compagnon malgache à Antananarivo, Sandie Barbot lui fait ainsi livrer des paniers de légumes et de conserves par l’intermédiaire de ce site. Dernièrement, pour 54 000 ariary (11,70 euros), elle a pu commander des pâtes, du riz, des sardines, des fruits et des légumes frais – soit une semaine de nourriture. « Avec le confinement, les artistes n’ont plus de lieu de représentation à Antananarivo. Mon ami est donc totalement privé de revenus et sa famille avec lui. Ces livraisons, c’est ma façon de les aider à distance », explique la jeune femme.

Les Malgaches de France ne sont pas les derniers à faire usage de Supermarché.mg et de son catalogue de plus de 2 000 produits. Avec une diaspora de quelque 140 000 personnes, c’est en effet la communauté subsaharienne la plus importante de l’Hexagone, selon une étude de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) publiée en 2017. Tous pays confondus, Madagascar reçoit chaque année 260 millions d’euros venant de ses émigrés ou de leurs descendants. C’est 2,5 % du PIB de l’île, selon la Banque mondiale.

« Les gens avaient peur de sortir »

« Au début j’avais l’idée de vendre en ligne du liquide vaisselle “vita malagasy” [fabriqué à Madagascar], mais ça ne marchait pas. De fil en aiguille, j’ai commencé à commercialiser du miel et des légumes », explique Manitra Andriamitondra, 38 ans, ancien informaticien et fondateur de Supermarché.mg. Au tout début du confinement, le commerçant a enregistré un pic des ventes, avec « des commandes de 50 kg de riz parce que les gens avaient peur de sortir », raconte-t-il. Puis les commandes à distance de la diaspora ont donné un second coup de boost à son affaire. « Actuellement, cela représente presque la moitié de mon chiffre d’affaires, soit environ 25 millions d’ariary par mois [environ 4 420 euros], explique-t-il. La plupart de mes clients en France sont de jeunes adultes, autonomes financièrement, qui envoient à manger à leurs parents. »

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Le panier alimentaire typique pèse entre 100 000 et 200 000 ariary et contient toujours des produits de première nécessité de qualité. De la viande, des pâtes, du riz, des œufs, précise l’entrepreneur, qui « essaie de proposer des produits éthiques dans leur fabrication ou leur composition, et surtout qui encouragent l’économie locale ». Chez lui, on trouve du papier toilette à base de déchets recyclés, des démaquillants de fabrication locale… Une démarche écologique et économique qui séduit la diaspora, certes, mais aussi les habitants de la Grande Ile. « Je vais dans cette épicerie depuis deux ans pour les produits de base », confie ainsi Joan Razafimaharo, architecte rapatriée à la tête d’une famille de quatre enfants, qui apprécie le paiement par téléphone mobile. Une technologie qui ne se limite d’ailleurs pas à l’alimentaire, puisque c’est cette solution qu’a choisie sa famille expatriée en Allemagne pour faire des dons à des orphelinats à Madagascar.