Les « amis » de Dioncounda exigent la démission de Cheick Modibo

Une semaine après l’agression du président de la République, Dioncounda Traoré, par un groupe de manifestants pros-putsch, les condamnations continuent de pleuvoir. Alors que le jeudi dernier le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FDR) demandait la démission du ministre de la Sécurité, général de brigade de gendarmerie Tièfing Konaté, c’est au tour des « amis » du président de monter au créneau. C’était à la faveur d’une conférence de presse tenue ce 27 mai à la Maison de la presse.

« Manquement grave »
Les Réseaux nationaux et internationaux des amis et sympathisants, qui sont des regroupements de militants favorables aux idéaux de Dioncounda, candidat de l’Adéma/PASJ, ont été crées à la faveur de l’élection présidentielle de 2012.
Face à ce qu’ils qualifient d’ »inacceptable », les « amis » du président de la transition n’ont pas fait dans la dentelle. Pour le conférencier, l’agression perpétrée contre leur idole, constitue une insulte et un acte injustifiable. Mohamed Ag Bilal, qui exige une enquête sérieuse pour établir les vraies circonstances de cette agression, pense qu’il y a eu un manquement grave de la part des agents de sécurité de la présidence.

« Le premier responsable de cette attaque contre le président n’est autre que le Premier ministre. Nous pensons qu’il a manqué à l’une de ses missions fondamentales : celle d’assurer à l’institution présidence de la République, la sécurité. Malheureusement, ce ne fut pas le cas ce lundi 21 mai », constate Mohamed Ag Bilal. Pour qui, « Cheick Modibo et ses ministres doivent avoir le courage de démissionner pour manquement à leur devoir ». En clair, pensent les « amis » du président, la justice dans cette affaire passe par cela.

Retenir de 10 % sur les salaires
La question de la crise au nord s’est tout naturellement invitée dans les débats. Depuis deux mois, les trois régions de cette partie de notre pays sont sous occupation de groupes armés. Pour les Réseaux nationaux et internationaux des amis et sympathisants de Dioncounda Traoré, il y a péril en la demeure et il faut agir tout de suite. Les « amis » du président  Dioncounda, qui comptent désormais jouer le rôle qui est le leur dans l’humanitaire, souscrivent au premier discours prononcé de celui-ci lors de son investiture le 12 avril dernier.
« Aucun sacrifice ne doit être de trop pour reconquérir notre territoire jusqu’au dernier centime », assène Mohamed Ag Bilal, qui appelle à la mobilisation des ressources et la fin des déchirements entre les politiciens, partagés aujourd’hui entre pros et anti-putsch.
Le conférencier propose ainsi un prélèvement de 10 % sur le salaire des fonctionnaires de l’Etat malien dans le but, dit-il, de contribuer à l’effort de guerre. Pour les « amis » du président Dioncounda, une enquête doit être menée pour établir les vraies raisons de la débâcle notre armée au nord.
Après cette conférence de presse, la question qui se pose est de savoir si cette exigence de la démission du Premier ministre ouvre la voie à une nouvelle crise politique ? Rien n’est pour le moins sûr. Mais le retour de Dioncounda, parti en France pour des soins, devra déterminer la suite des événements.
Issa Fakaba Sissoko

Nous commencions tous à désespérer du Mali tant la descente aux enfers fut à ce jour vertigineuse. On en était à se demander si l’existence des Saints tant vantés de notre Panthéon national, à commencer par les 333 qui reposent à Tombouctou (Que la paix de Dieu soit sur eux) n’était que pure légende. Aucune main secourable pour le Mali violenté depuis le 17 janvier par une horde d’apatrides d’islamistes, touaregs et de mercenaires de tout acabit qui avait planté le couteau dans le dos de notre pays.
Deux mois après, des officiers subalternes perpètrent un coup d’Etat, le 22 mars, qui accélère la déconfiture : tour à tour, Kidal, Gao et Tombouctou tombent dans l’escarcelle des insurgés ; le Mali se désagrège. Comme à bord du « Titanic », il y a un siècle, il s’en trouve de nombreux Maliens pour se réjouir au milieu de la débâcle.

Entre ceux qui avaient un compte à régler avec ATT, y compris des hommes et femmes qui ont occupé d’éminentes positions dans les dix dernières années, et ceux et celles qui pensent avoir été les grands oubliés de l’ère du consensus et enfin les éternels insatisfaits de Modibo KEITA à nos jours, le bal des réjouissances de la fin du régime ATT ne manquait ni de cavaliers ni de cavalières pour se trémousser sur les notes entraînantes de « l’hymne à la joie » de la 9ème symphonie de Beethoven.

Les jeunes putschistes ont très vite compris le parti à tirer de ce climat d’allégresse. Le coup d’Etat consommé, ils ont sorti la grosse artillerie contre la gestion de la crise du Nord par Amadou Toumani TOURE : manque d’armes et de munitions, problèmes d’alimentation au front etc. La litanie des complaintes était telle qu’elle a tiré des larmes sincères à beaucoup de Maliens qui, un tremolo dans la voix, se sont écrié : « comment peut-on envoyer ainsi des enfants au casse-pipe » ? Feu nourri sur l’héritage d’ATT : les infrastructures routières, sanitaires, énergétiques, agricoles, les logements sociaux, les revalorisations successives de salaires et des pensions, on s’en fout ! Mieux, balançons-les par-dessus bord.

Le capitaine SANOGO et ses hommes poussent même un peu plus loin leur avantage. Avec le coaching de leurs mentors politiques (SADI, MP 22, COPAM) sous la férule de  Oumar Mariko, ils s’avancent imprudemment sur le terrain politique : « le putsch, disent-ils, a fait échec à une guerre au Sud, car il n’y aurait pas eu d’élections et il n’existait pas de fichier électoral ». Pas le moindre doute, c’est Oumar Mariko qui parle dans sa bouche !

L’occasion faisant le larron, les putschistes ouvrent un nouveau front : la menace d’une lutte contre la corruption qui devait emporter les derniers barons du régime ATT qui refusaient de rendre les armes. Nous leur aurions suggéré de commencer par le volumineux dossier de « l’Opéra du Sahel », scandale retentissant s’il en fut du temps d’un certain ministre de la Culture sous ATT, Cheick Oumar SISSOKO.

Une chose est sûre, depuis le week-end qui vient de s’écouler, deux événements majeurs sont venus déchirer le voile de l’imposture qui a jusqu’ici entouré les discours sur la crise du Nord Mali.
Le premier d’entre eux, c’est la fusion du MNLA avec Ansar Dine ou plus prosaïquement la dissolution du mouvement des jeunes blogueurs appelés MNLA, sponsorisés par Sarkozy et l’ambassadeur Rouyer, dans le groupe islamiste créé par Iyad avec la bénédiction et le soutien des chefs d’AQMI dans le Sahel.

On se souvient tous des contorsions de l’ambassadeur de France à Bamako nous expliquer, en bafouillant, les raisons du traitement plus que de faveur réservé par son pays du temps de Sarkozy à une bande d’arrivistes insouciants prêts à servir de cheval de Troie à une France haineuse, viscéralement décidée à faire payer le Mali son insoumission. Le MNLA avait pignon sur rue à Paris et table ouverte sur l’ensemble des médias de l’audiovisuel public français. Les autorités françaises sommèrent la Mauritanie, le supplétif en chef dans la sous-région, d’offrir aux bandits une zone de repli et les facilités de déstabilisation du Mali. Avec la fusion-absorption du MNLA par Ansar Dine, Sarkozy pourrait être jugé pour « haute trahison » et « atteinte » aux intérêts français si demain il arrivait quoi que ce soit aux otages français.

Le second événement, qui résonne comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà passablement nuageux, c’est la découverte et la récupération d’un important dépôt d’armes et de munitions par AQMI à Gao. Déjà l’intensité presque dramatique avec laquelle la junte s’est battue pour conserver son pouvoir a semé un coin de doute dans nos têtes sur le dénuement affirmé des troupes. S’ils n’avaient pas assez d’armes et de munitions pour faire face à l’ennemi au Nord, les putschistes gardaient suffisamment de moyens pour sauver leur « pouvoir ».

Désormais, plus personne ne croit à ce concert émouvant de misérabilisme sur la condition des troupes ; la question de fond reste l’engagement patriotique, le sens du sacrifice, l’ardeur au combat et la vaillance face à la mort qui ont cruellement manqué à nos soldats. Il est superfétatoire de les disculper par on ne sait quelle formation militaire qui ne serait pas à niveau. Nos militaires subissent les mêmes épreuves que leurs compagnons d’armes de la sous-région qui sont réputés un peu plus courageux.

On peut récriminer le recrutement, c’est en partie la faute de ATT, qui faisait une large place aux sentiments. Les femmes des camps, qui n’ont cessé de harceler le pouvoir pour le retour de leur fils, ne sont-elles pas les mêmes qui, il y a quelques années, avaient fait des pieds et des mains pour que certaines places puissent être réservées à leurs enfants afin de garantir des ressources à la famille, une fois le père, militaire, parti à la retraite. Mais dans la tête de ces bonnes mères et sœurs de soldats, outrancièrement manipulées par Oumar Mariko, leurs enfants étaient dans l’armée pour assurer la pitance, pas pour faire la guerre parce qu’ils et elles n’imaginaient pas,au jour de leur enrôlement, pouvoir être confrontés tout au long de leur carrière à un embrasement militaire d’une telle envergure. Et ATT avait cédé à la revendication des mamans. A tort, même s’il est plus facile de blâmer après coup tant le social qui est la force de notre pays constitue aussi sa grande faiblesse.

Pour tout dire, le vin est tiré et il nous faut boire la honte. Un de nos compatriotes me rapportait récemment que la plaisanterie favorite au Niger, c’est de dire à toute personne qui veut se barrer en catimini de ne pas faire « le soldat malien ». Les Maliens, aux quatre coins de la planète, ont ravalé une bonne part de leur fierté et nos militaires auront l’occasion, dans les cours d’état-major, les écoles de guerre et autres formations, de voir combien leur valeur a été démonétisée sur le terrain de la bravoure et de l’héroïsme.

« Un mensonge en entraînant un autre », selon la belle formule de Terence, nos militaires sont allés jusqu’à inventer la théorie du « c’est le président ATT qui refuse de nous donner l’autorisation de feu » comme si dans une guerre, un soldat a jamais attendu un tel ordre saugrenu.

Le comble, voire l’Himalaya du ridicule a été atteint le jour où la bête et méchante rumeur tenait pour sûr un appel de ATT aux rebelles pour leur demander d’attaquer Aguel’Hoc parce que les soldats loyalistes étaient à court de munitions. Il n’en fallait pas plus pour que les « radios mille collines » enflamment les esprits, non sans succès en réussissant à emporter la conviction de certains de nos compatriotes. L’analphabétisme du plus grand nombre ne saurait tout expliquer, le mal est cent fois plus profond parce qu’il prospère sur les sentiments les moins nobles chez l’humain.

Au final, nous sommes aujourd’hui moins crédules sur ce qui passe dans notre pays et encore plus heureux de savoir que le MNLA n’a rien de laïc et qu’il n’était que le faux nez de l’islamisme conquérant au Nord du Mali. Nous sommes encore plus soulagés d’apprendre que notre armée n’avait pas toutes les munitions du monde, mais en avait assez pour se battre dignement, avec orgueil et fierté.

Pour l’anecdote, je suis toujours fasciné par le port altier du capitaine Sanogo sanglé dans de belles tenues de combat ou de cérémonie, selon les circonstances. C’est la preuve que  ATT n’a pas laissé une armée en guenilles sinon il fut des années où on voyait le gros orteil d’un soldat dans ses rangers déchirés et lui-même mal fagoté.
Shakespeare avait dit : « beaucoup de bruit pour rien », d’autres ont ajouté : « tout ça pour ça ! » ; nous nous disons simplement que tout cela valait bien UN STATUT D’ANCIEN CHEF D’ETAT. Fermez le ban et dites : salut l’artiste !

Amadou Demba TALL
Le Républicain Mali 29/05/2012