L’ÉDUCATION NATIONALE AU MALI: Comment les soubresauts d’un grand malade ont plongé le pays dans l’agonie 

Sidibé Dédéou Ousmane, ministre de l'Education nationale

Le marathon scolaire est officiellement lancé depuis lundi dernier (1er novembre 2021) pour 2021-2022.

Une rentrée que tous les parents d’élèves espèrent définitive avec moins de perturbations causées par les syndicats d’enseignants ou par les élèves et étudiants eux-mêmes.

Au moment où le pays cherche à se soustraire du joug (politique et diplomatique) de l’ancienne puissance coloniale, nos dirigeants doivent comprendre que l’éducation est l’arme la plus efficace et la plus rapide pour y parvenir puisque façonnant l’individu par son raisonnement qui dicte aussi son comportement.

Autrement, aucun sacrifice n’est de trop (aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les syndicats d’enseignants et aussi pour certains parents qui considèrent à tort que les dépenses scolaires sont de l’argent perdu) pour offrir une bonne éducation aux enfants du pays, sans distinction aucune. 

 

«L’éducation est le logiciel de l’ordinateur central qui programme l’avenir des sociétés» !

Telle est l’une des belles et pertinentes pensées du regretté Joseph Ki-Zerbo (historien et homme politique burkinabé né le 21 juin 1922 à Toma et mort le 4 décembre 2006 à Ouagadougou).

Et malheureusement, l’éducation est soumise à de rudes épreuves dans notre pays ces dernières décennies.

Ainsi, comme l’a souligné un communiqué publié par le Fonds des Nations unies pour l’Enfance (UNICEF/Mali) à l’occasion de cette rentrée, «compte tenu de la crise multidimensionnelle que connaît le Mali, 1664 écoles du pays restent fermées, près d’un demi-million d’enfants et près de 10 000 enseignants sont impactés, selon les données du cluster éducation du mois d’août 2021».

Même si l’organisme des Nations unies chargé de l’Enfance indique aussi que «tous les efforts ont été déployés pour que les espaces soient sains et les gestes barrières observés afin d’éviter une propagation de la maladie en milieu scolaire».  

L’École malienne est embourbée dans un profond malaise.

Et cela à l’image des deux dernières années scolaires sérieusement escamotées dans le public par la grève des syndicats de l’Education, notamment de la Synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 accrochée à l’application stricte (sans concession aucune) de l’article 39 de la Loi N° 2018-007 du 16 janvier 2018.

Pour cette nouvelle rentrée, il est souhaitable que tous les acteurs de l’école privilégient une année scolaire apaisée ;

que chacun accepte le sacrifice de ne pas sacrifier l’avenir de ce pays, nos enfants.

Cela est d’autant indispensable que vouloir bâtir le Mali Kura les ruines d’un secteur névralgique comme l’éducation n’est que pure utopie.

Les enjeux d’une éducation de qualité pour tous ses enfants sont énormes pour un pays qui cherche à se réconcilier, à se relever de toutes ces crises liées à la mauvaise gouvernance. 

Si de l’indépendance aux premières années de la démocratie le Mali était une référence en matière d’enseignement et par l’originalité de son système éducatif, l’Ecole malienne n’est que l’ombre d’elle-même ces dernières décennies.

Et les réformes hasardeuses et insipides ainsi que l’abus des libertés (liberté syndicale notamment) et l’instrumentalisation de l’Ecole par des supposés démocrates sont passés par là.

A force de compter que sur l’extérieur, nous avons laissé nos faux amis et partenaires détruire nos systèmes éducatif et sanitaire pour continuer à avoir la mainmise sur le peuple malien et ses richesses.

Et pourtant, il y a plusieurs siècles, un sage chinois et conseiller de son empereur, avait mis en garde ceux qui se souciaient réellement de leur pays. «Si vous voulez détruire un pays, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines.

Il suffit de détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre vingt ans et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs…».

C’est malheureusement à cela que nous ont conduit ces réformes hasardeuses et l’instrumentalisation de l’École par des politiciens et des syndicats se rejetant la responsabilité de leur forfait. 

 

Tous les secteurs touchés par les conséquences désastreuses de la destruction du système éducatif

La destruction de notre système éducatif a été le terreau fertile de la triche, la fraude et la corruption dans l’éducation.

Et du coup, «des patients meurent entre les mains de médecins médiocres, fraudeurs et corrompus ;

des bâtisses, des autoroutes et des ouvrages d’arts s’effondrent car construits par des architectes et des ingénieurs médiocres, fraudeurs et corrompus ;

le système économique du pays, ses richesses…

vont fondre comme de la neige, car entre les mains d’économistes, d’hommes politiques, d’investisseurs et d’hommes d’affaires médiocres, fraudeurs et corrompus. La justice sera alors injuste et au service des plus forts car entre les mains d’hommes de lois, des juges médiocres, fraudeurs et corrompus».

En réalité, aucun secteur n’est épargné par les conséquences désastreuses de la destruction du système éducatif d’un pays.

Malheureusement, nous le vivons dans notre pays depuis au moins deux décennies.

Et quelque part, le très légendaire et regretté Nelson Mandela (18 juillet 1918 à Mvezo-5 décembre 2013 à Johannesburg) rejoint le sage chinois en rappelant que «l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde».

Il est incontestable que l’éducation est la base de tout, une condition sine qua non pour parvenir au changement essentiellement lié aux comportements individuels et collectifs.

Elle est donc l’une «des armes les plus à même d’améliorer le monde dans lequel nous vivons».

Comme le disait un expert de «Fan du monde» (site dédié aux étudiants en quête de conseils pour survivre à la vie universitaire), «l’éducation est propre à chacun.

 L’éducation nous ouvre de nombreuses portes mais elle nous permet aussi d’apprendre de nos erreurs, et elle nous donne les armes nécessaires pour nous remettre en question lors des périodes difficiles». 

Le plus grand crime de trahison des dirigeants du Mali post 1ère République est sans doute la destruction progressive du système éducatif qui, malheureusement, se poursuit afin de priver la jeunesse malienne de toute capacité d’analyse, donc de révolte contre les mécanismes élaborés pour piller le pays en condamnant la majorité des populations aux humiliations de la précarité, de la pauvreté. 

C’est pourquoi soigner le grand malade qu’est l’Ecole doit être la priorité des priorités dans la refondation de l’Etat, la construction du Mali Kura. Le meilleur service que l’on puisse rendre à ce pays, c’est de créer les conditions d’une bonne éducation pour tous ses enfants, sans distinction aucune !

Moussa Bolly