Le rêve était trop beau pour être vrai ! Fin de la « lune de miel » franco-malienne

Les vieilles habitudes sont généralement comme une seconde nature. La désillusion est à hauteur de l’espoir et de l’estime suscités par ce qui ressemblait à un nouveau trait de caractère des relations franco-africaines. Le rêve n’aura finalement duré que le temps d’une illusion irréaliste. La situation de blocage volontairement créée et entretenue à Kidal par l’ambiguïté de la position de la France, provoque l’ire, l’indignation et la colère du peuple malien.

Ainsi, le jeu trouble de la France vis-à-vis du mouvement rebelle du MNLA et l’interposition de fait des soldats de l’opération Serval pour protéger ses bandits armés, ont fini de convaincre les populations que la France est désormais dans un agenda propre à elle et qui ne tient malheureusement pas compte des objectifs initiaux de son intervention armée au Mali, du moins comme elle a été jusque-là présentée de façon officielle.

En effet, répondant à l’appel du président de la République par intérim, Pr. Dioncounda Traoré, le président français, François Hollande a ordonné, à la satisfaction générale de la communauté internationale et des populations maliennes, des frappes aériennes sur les positions des groupes terroristes et jihadistes qui étaient parvenus à forcer les dernières lignes de défense de l’armée régulière à Konna le 10 janvier 2013.

Cela après de violents et meurtriers combats, les 9 et 10 janvier 2013 entre l’armée malienne et des milliers de combattants de la coalition de narcotrafiquants, de terroristes et de bandits de tous genres à seulement 70 km de la garnison stratégique de Sévaré (Mopti).

Cette action vigoureuse et très courageuse du président de la République française a été accueillie avec soulagement et unanimement saluée par tous, car, n’eut été la France ce jour-là aucune autre puissance étrangère ne pouvait mener avec autant de succès et de réussite une si périlleuse aventure militaire.
L’opération dénommée « Serval » a permis de repositionner la France comme acteur majeur et incontournable dans une région où elle perdait peu à peu son emprise face à une poussée cumulée d’autres puissances telles que les USA, la Chine, le Brésil et même l’Iran, entre autres.

Le succès fulgurant, la rapidité de la contre-offensive et l’efficacité des opérations militaires conjointement menées avec les forces armées et de défense maliennes, ont fait jubiler tous les Maliens, les Africains ainsi que toutes les nations éprises de paix, de libertés et de démocratie de par le monde.
Les Maliens en particulier et les Africains de l’Ouest en général, ont commencé à avoir une nouvelle impression vis-à-vis de cette France de Hollande qui avait décidé de « payer » ainsi une partie de ses dettes contractées auprès du continent noir au fil de l’Histoire.

Les drapeaux français et malien flottaient allègrement et fièrement côte-à-côte dans tous les coins et recoins du territoire. Les troupes françaises étaient chaleureusement acclamées et saluées à chaque traversée d’une ville, d’un village ou d’un simple hameau de culture.
Du coup, les uns et les autres n’ont guère prêté d’attention particulière au fait que la France ait mis à l’écart ses partenaires maliens dans sa montée en puissance sur l’extrême nord-est du pays, précisément dans la région de Kidal (Adrar des Ifoghas) en ce début d’avril 2013, soit en un peu moins de 3 mois du déclenchement de l’opération Serval.

L’agenda français se précise

On était loin d’imaginer à cette époque que derrière cette stratégie française se cachait l’idée machiavélique de favoriser le retour du mouvement rebelle touareg du MNLA sur le terrain, après qu’il eut subi la déroute totale face aux éléments du Mujao en juin 2012 partout où il existait. Mais c’était se méprendre sur les réalités géopolitiques et géostratégiques qui se dessinaient dans cette partie très sensible du monde en vue du contrôle de toute la bande sahélo-saharienne.

En effet, à la lumière des dernières tournures prises par les actions des troupes françaises au Mali, il est aisé de comprendre que dès le départ de son intervention, sous le couvert des résolutions des Nations unies et de l’appel des autorités maliennes, la France était dans un agenda particulier propre à elle.

Aujourd’hui, la mise en avant d’intérêts particuliers français à la faveur de son intervention militaire au Mali sous mandat de l’ONU, ne fait plus l’ombre d’aucun doute. Ainsi, dès la reconquête de l’aéroport de Kidal et l’éviction des troupes d’Ançar Eddine d’Iyad Ag Ghaly, la France invita ses « amis » du MNLA à venir s’installer à Kidal et à décréter la région « zone interdite à l’administration et à l’armée maliennes ».

En plus, face aux multiples provocations et exactions commises par les éléments du MNLA sur des populations arabes dans les régions de Kidal et Tombouctou, le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) s’est constitué en vue de défendre et de protéger les intérêts des siens. Il engagea donc des actions armées contre le MNLA à Ber, à Anéfis, entre autres. Chaque fois, il mettait en déroute les bandits du MNLA en leur infligeant de lourdes pertes. Encore une fois, la France ne pouvait rester longtemps insensible à cette énième défaillance de ses protégés du MNLA.

C’est ainsi que l’aviation française de l’opération Serval est intervenue pour détruire toute une colonne de véhicules et la logistique de guerre du MAA après que celui-ci ait chassé le MNLA de Anéfis à environ 90 km de Kidal. Cette intervention s’est faite sur la base d’arguments fallacieux propagés sous forme de propagande assimilant le MAA au Mujao. Cela a suffi pour décider la France à sévir contre le mouvement arabe. La France semble donc déterminée à protéger vaille que vaille « ses amis » du MNLA. Pour quels intérêts ? L’avenir nous le dira certainement.

De son côté, le gouvernement malien, par l’entremise de son ministre porte-parole, Manga Dembélé, a lui aussi fait part de « sa ferme détermination à libérer Kidal par tous les moyens et quel qu’en soit le prix avant le 1er tour de l’élection présidentielle du 28 juillet prochain ». Mais puisque ce n’est ni la première, ni la deuxième fois que le gouvernement « s’engage » sur le sujet, les populations ne semblent plus croire en rien du tout venant de ce côté. C’est certainement ce qui motive l’organisation de cette marche gigantesque du 8 juin prochain. Cependant des interrogations demeurent.

En effet, la France ne faisant plus aucun mystère sur son soutien et sa protection au MNLA, qu’en serait-il donc de l’armée malienne si elle décidait d’engager unilatéralement des opérations de terrain visant à libérer Kidal de ses occupants du MNLA ?
La France est-elle prête à aller au bout de sa logique en se découvrant enfin sous son vrai visage et afficher ainsi clairement les raisons qui semblent avoir motivé son intervention militaire au Mali ? Selon un adage de chez nous « lorsque deux rois jurent sur le lever du soleil, on verra bien ce qui va se passer quand il fera effectivement jour ».

En attendant, le peuple malien veut lui aussi afficher sa détermination à jouer sa partition et toute sa partition en soutien indéfectible à son armée nationale. D’où cette grande mobilisation, au-delà de toutes considérations ou contingences politiciennes, pour dire à tous que la récréation a assez duré comme ça. On verra bien ce que fera la France lorsque le peuple tout entier va se dresser pour la restauration de sa dignité et de son honneur souillés par tant violations, de violences, de frustrations, d’humiliations et de provocations gratuites et insensées.

Les prochains jours risquent de voir s’amonceler à nouveau de gros nuages opaques dans un ciel malien déjà bien sombre !
Que Dieu veille sur la nation malienne !

Bréhima Sidibé

L’ Indicateur Du Renouveau 2013-06-05 05:31:11