Giorgia Meloni : vérification des faits concernant ses affirmations sur la France et l’Afrique

Une vidéo de Giorgia Meloni, une politicienne de droite devenue le nouveau Premier ministre italien, accusant la France d’utiliser une « monnaie coloniale » pour « exploiter les ressources » des pays africains a été largement partagée sur les médias sociaux.

Des tensions ont récemment éclaté entre les deux pays sur la manière de traiter les migrants africains. L’Italie a refusé d’autoriser un navire de sauvetage de migrants à accoster, la France a accusé les Italiens de « comportement inacceptable ».

La vidéo montre Mme Meloni affirmant que « 50 % de tout ce que le Burkina Faso exporte finit dans… le trésor public français ».

Le 19 novembre, la commentatrice néerlandaise Eva Vlaardingerbroek a tweeté la vidéo en disant : « Je parie qu’Emmanuel Macron regrette maintenant de s’être battu avec Giorgia Meloni ». Elle a reçu des dizaines de milliers de retweets.

Le 20 novembre, le Daily Mail a écrit sur le clip vidéo avec le titre suivant : « Le nouveau Premier ministre italien lance une diatribe enflammée affirmant que l’immigration africaine s’arrêterait si des pays comme la France cessaient d’exploiter les précieuses ressources du continent ».

Mais le clip vidéo avec Mme Meloni date en fait de 2019 – bien avant qu’elle ne devienne Premier ministre – et ses commentaires de l’époque étaient faux.

Qu’a affirmé Giorgia Meloni ?
La vidéo est tirée d’une interview donnée le 19 janvier 2019 sur la chaîne de télévision privée italienne La 7, alors que Mme Meloni était députée et dirigeait le parti de droite Frères d’Italie.

Mme Meloni brandit un billet de banque en francs CFA, le décrivant comme une « monnaie coloniale » que la France imprime pour 14 pays africains et qu’elle utilise, selon elle, pour « exploiter les ressources de ces nations ».

Elle brandit ensuite la photo d’un enfant travaillant dans une mine d’or au Burkina Faso et affirme que « 50% de tout ce que le Burkina Faso exporte finit dans… le trésor français ».

« L’or que cet enfant descend dans un tunnel pour l’extraire, finit en grande partie dans les caisses de l’État français ».

Le clip vidéo se termine en lui faisant dire que « la solution n’est pas de prendre des Africains pour les amener en Europe, la solution est de libérer l’Afrique de certains Européens qui l’exploitent ».

Nous nous sommes penchés sur une affirmation similaire en 2019, lorsqu’un autre politicien italien a accusé la France d’appauvrir l’Afrique et d’encourager la migration vers l’Europe.

Quelles sont les preuves ?
La France imprime une monnaie – le franc CFA – pour 14 pays africains, dont le Burkina Faso. La participation à cette monnaie est volontaire.

Cette monnaie a été créée par la France à la fin des années 1940 pour servir de monnaie légale dans ses colonies africaines de l’époque.
Au moment où Mme Meloni a présenté sa demande en 2019, la France exigeait des pays africains qui utilisaient le franc CFA qu’ils déposent 50 % de leurs réserves de change (et non leurs exportations) auprès du Trésor français, en échange d’un taux de change garanti avec l’euro.

Ces pays étaient libres d’accéder à ces réserves à tout moment s’ils le souhaitaient et la France leur versait des intérêts pendant qu’ils les détenaient (à 0,75 %).

La France n’a pas non plus « exigé 50 % de toutes les exportations du Burkina Faso ».

Selon les données de la Banque mondiale, la France ne fait même pas partie des cinq premières destinations des exportations du Burkina Faso en valeur totale, la première exportation étant l’or. En 2020, elle a exporté près de 90 % de son or vers la Suisse.

Nous avons demandé au bureau de Mme Meloni si elle maintenait ses commentaires, mais nous n’avons pas reçu de réponse. Le gouvernement français n’a pas non plus répondu à notre demande de commentaire.
Que s’est-il passé depuis ?
En décembre 2019, des réformes de la zone CFA ont été annoncées, abandonnant l’obligation pour les pays de la zone de déposer la moitié de leurs réserves en France.

La France a commencé le processus de retransfert des réserves l’année dernière, selon des rapports de presse.

Le FMI a déclaré en mars de cette année que le compte sur lequel ces réserves étaient détenues en France avait été fermé et que la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (qui contrôle la politique monétaire de huit pays, dont le Burkina Faso) gérait désormais les réserves.

Elle est libre de les déposer où elle le souhaite.

Pourquoi la zone monétaire française est-elle controversée ?
Les détracteurs de l’accord monétaire CFA l’ont qualifié de vestige du colonialisme, affirmant qu’il a entravé le développement économique des 14 pays africains qui en font partie.

Ils affirment également qu’ils n’ont pas leur mot à dire dans les politiques monétaires adoptées par les pays européens de la zone euro.

L’année dernière, un article de l’Institut Brookings, basé aux États-Unis, indiquait que si les pays utilisant le franc CFA avaient généralement connu une inflation plus faible, l’accord sur le franc CFA limitait leurs options politiques, notamment pour faire face à l’impact de la pandémie de coronavirus.
D’autres économistes ont souligné que la croissance annuelle moyenne du PIB – l’augmentation de la valeur de tous les biens et services produits – des pays du CFA et des autres économies africaines a été assez comparable dans le temps.
La France défend le système monétaire en affirmant qu’il garantit un « cadre économique stable » pour les économies qui en font partie. Comme la monnaie est arrimée à l’euro, elle affirme qu’elle offre une meilleure protection contre les chocs économiques et contribue à maîtriser l’inflation.

Et les pays sont libres de quitter la zone, ajoute-t-elle.

Source: BBC .com