Gestion du retour de la paix au Mali : Clore définitivement deux décennies d’erreurs et de gabegie d

Non! Au nom de nos soldats froidement abattus à Aguel Hoc, des victimes françaises et africaines de cette guerre, le devoir de mémoire impose au Mali de statuer sur le cas des hommes et des femmes qui, par leur légèreté, ont trahi leur propre serment, saccagé la vie de leurs compatriotes, compromis l’avenir des enfants et mis en péril l’indépendance.

Depuis la révolution française, les Etats démocratiques ont, par souci d’équité, initié des lois d’exclusion ou de lustration qui vont du principe simple qu’on ne peut reconstruire l’avenir avec ceux qui l’ont compromis.  Deux hommes politiques aux méthodes diamétralement opposées se sont distingués dans cette politique : Robespierre et Mandela. Maximilien de Robespierre, figure de la révolution française (1758 – 1794) fit abattre tous ceux qui incarnaient la royauté et la bourgeoisie au lendemain de la prise de la Bastille.

Nelson Mandela est l’initiateur en 1993 de la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud. En Europe, les premières lois de lustration intervinrent dans les ex-républiques satellites de l’ex-URSS. La République tchèque de Vaclav Havel, la Hongrie, la Pologne, l’Albanie adoptèrent tour à tour des lois et mesures tendant à récuser les offres intellectuelles des ex-membres des partis communistes respectifs. Le phénomène eu un tel écho que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du adopter la résolution 1096, le 27 juin 1996, pour «cadrer» les procédures et prévenir les dérives en matière de respect des droits de l’homme.

En Afrique, la «Commission Vérité et Réconciliation», initiée en République Sud-africaine, participa à la création d’un lien social national et épargna à l’Afrique du Sud un bain de sang et des procès interminables du fait que les faits incriminés de l’époque étaient entachés d’une aporie irrésoluble puisque conformes aux lois de l’apartheid.

Le grand confessionnal eu pour vertus, entre autres, de lancer les bases de la nation arc-en-ciel et de mettre en retraite des dirigeants comme Frederick de Clerc et Pieter Botha. On a pu reprocher à Mandela la douceur de cette méthode, mais Madiba savait que Roben Islands est la seule prison en Afrique au sud du Sahara où une icône comme lui pouvait passer 27 ans de captivité et ressortir libre et …sauf.

Partout ailleurs en Afrique noire, il serait mort, comme Patrice Lumumba, Diallo Telly, Modibo Keïta, les filles et petites filles de ce dernier pour qui les centres de santé, laissés pour compte, sont devenus des morgues pendant qu’elles essaient d’y donner la vie, ses fils et petits fils qui se retrouvent au bord du chemin, au grand dam de parents impuissants, parce que des hommes et des femmes, brandissant un projet de justice social, tel un feu follet, parvinrent à décomposer nos valeurs sociales, à pervertir la conscience populaire et à anéantir des ambitions légitimes.

La «Loi sur la fortification de la révolution», adoptée en Tunisie pour «sauvegarder l’âme de la Révolution de jasmin et la mémoire des martyrs» excluait de la vie politique, pour 10 ans, tous les membres du parti RCD (PDES tunisien) ayant exercé des fonctions gouvernementales et toutes les personnes ayant appelé à la candidature de l’ancien dictateur Ben Ali à un autre mandat présidentiel en 2014. Hamet Diane Sémaga, au nom du PDES et Jeamille Bittar, Président d’une institution de la République, au nom des commerçants, ont organisé le 05 février 2011, une rencontre monstre, en l’honneur d’ATT, pour lui remettre une médaille hors de prix, en témoignage de son exceptionnel travail à la tête de l’Etat en même temps qu’une pétition demandant la prorogation de son mandat de Président jusqu’en 2014, en violation de la Constitution.

Le Président du HCC, Oumarou Ag Mohamed Inbrahim, qui, au fil de ses discours, ponctués d’anecdotes maladroites, assoit la conviction des Maliens par rapport à son jeu trouble dans la rebellion, n’est-il pas l’instigateur sournois de la création d’un sénat, dans le funeste dessein de continuer cet intérim, comme Chef de l’Etat, ainsi qu’une disposition du projet de parodie de sénat le prévoyait? Le Président Dioncounda Traoré, alors Président de l’Assemblée national, n’a-t-il pas, à la présentation des vœux 2010 au Chef de l’Etat, déploré la caution de la Cour constitutionnelle aux tripatouillages des élections?

Et les sombres affaires de l’ère dite démocratique: le pillage systématique du patrimoine immobilier jusque dans les cimetières, le bradage des sociétés, l’affaire de la mine de Faléa, les accusations d’intelligence avec l’ennemi, l’initiative riz, Air-cocaïne, le mensonge des pluies provoquées, la vente des moteurs des véhicules de guerre, en bon état, pour équiper des pinasses le long du Niger, etc.

Convaincus que certaines mains sont entachées d’infamie pour participer à l’œuvre de reconstruction nationale, un pôle de vingt-cinq courageux avocats tunisiens s’est constitué dans le but de poursuivre d’anciens faucons du régime pour «falsification, formation d’une bande de malfaiteurs dans l’objectif de porter atteinte à la volonté du peuple», en vertu d’irrégularités qui entachèrent les élections générales successives en 2004 et 2009. Etaient concernés les gouverneurs de régions, les responsables du parti présidentiel (RCD), les présidents successifs de l’ONE (équivalent de la CENI au Mali), un ancien président de la Cour constitutionnelle, etc.

L’accusation a porté également sur les faits de détournement de milliards de dinars tunisiens par des responsables de l’Education nationale et des imprimeurs et graveurs de la place, réunis au sein d’une association de malfaiteurs dont l’activité principale est le détournement des ressources destinées à l’impression de manuels didactiques et de CD. La procédure est aussi simple qu’elle est rodée au Mali  chaque fois qu’il s’est agi d’imprimer un million de manuels ou de CD, seulement quelques centaines sont réceptionnées, à grand coup médiatique et l’argent ainsi récolté est partagé. A croire que ces malfaiteurs ont reçu des stagiaires maliens, ou vice versa.

Une chose est de juger de la nécessité d’un principe, une autre est de s’assumer. L’Assemblée nationale du Mali, qui n’a pas été capable d’organiser, ne serait-ce qu’une session pour débattre des causes et responsabilités de la perte des 2/3 de notre territoire, la mort gratuite de nos soldats à Aguel Hoc, notre jeunesse détruite par la drogue et notre réputation écornée dans le monde, n’est pas prête d’initier une telle loi. Parce qu’elle n’a jamais fonctionné comme une vraie assemblée, mais comme une chambre d’enregistrement mais surtout parce, pour bon nombre de députés et non des moindres, l’adoption d’une telle disposition signifierai une auto flagellation, en raison de leur implication implicite dans le désarroi du Mali. Le Gouvernement de transition n’initiera non plus pas un tel projet. Il n’y a qu’à observer la foire de scandales sur la place publique pour comprendre que vu sous l’optique de ce gouvernement, le second mandat d’ATT est toujours en cours.

On ne peut pas construire l’avenir sur des bases saines avec des voleurs, des pilleurs, qui ont offert aux terroristes tous les saufs conduits leur ayant permis de faire main basse sur le Mali. Il est tout aussi nécessaire de clore définitivement deux décennies d’erreurs et de gabegie démocratique, bref d’erreurs de haute trahison. La vérité finit toujours par rattraper le mensonge. En essayant d’obstruer le ciel avec la main, les prévenus repoussent une échéance inéluctable, mais mettent le pays en danger de coups de force répétés.

Aaron Ahmed

Le 22 Septembre 2013-05-20 16:40:20