État martyrisé : la République des pléthores et du gâchis

Dire que le Mali est à terre, c’est faire preuve d’un optimisme béat. Notre nation n’est simplement pas à terre, elle est agonisante. Il est temps de nous réveiller avant que la situation ne soit irrémédiablement perdue. Le prophète de l’islam (PSL) conseillait de se méfier de la très faible instruction. Les gens peu instruits de nos jours qui ont par ailleurs des diplômes supérieurs sont des véritables poisons pour eux-mêmes et pour la nation. Ce que le prophète a dit (PSL) peut être traduit de la façon suivante : «Le peu dans l’instruction est source de conflictualité». L’illusion du savoir est pire que le cocktail de l’analphabétisme et de l’illettrisme.

Le monstre a accouché d’un Léviathan. Les mauvaises têtes doivent être coupées sans préliminaires. Le statut général de la fonction publique ne tombe pas du Ciel. Mais ce ne sont pas des députés godillots dans un hémicycle truffé d’affairistes pilotés par l’inculte Issiaka Sidibé qui comprendront les enjeux d’une fonction publique au rabais et qui par des propositions de loi y mettront un terme. Ne comptons non plus pas sur un gouvernement pléthorique et d’amateurs, dont pour certains, une simple interview télévisée montre toute la limite académique.

Les pléthores

Nous le présumons déjà, les récentes sorties de la ministre de la Fonction publique l’ont confirmé, les services fiscaux ont plus de cadres A que des agents d’exécution des catégories B et C. La faute à un statut général de la fonction publique fait par des cadres de conception constitués d’amateurs ayant peu de soucis pour le devenir et l’avenir de notre nation. Pourquoi par des vulgaires congés de formation permettre à des agents publics de changer de catégorie ? En principe, pour les États qui se respectent, l’on est admis dans l’une des catégories de la fonction publique nonobstant les autres diplômes que l’on détient ou supposer détenir.
Si l’on veut faire une formation pour changer de catégorie, on passe obligatoirement par un concours interne puis la formation universitaire. Il appartient à l’État d’organiser les concours internes en fonction de ses besoins en cadres A. Un État normal est un État qui ne se laisse pas mourir.

Au Mali, tous les contrôleurs des impôts, tous les contrôleurs des douanes sont ou presque devenus des inspecteurs. Les établissements d’enseignement supérieur pullulent et ceux qui ont l’argent nécessaire pour obtenir leurs diplômes, ne se gênent pas. Bientôt le Mali aura sur ses effectifs 98% de cadres A. N’importe qui peut se retrouver administrateur civil, parce que notre État aux responsables inconséquents ne pensent qu’à comment pouvoir voler des milliards. Notre armée regorge d’une centaine de généraux, d’un demi-millier de colonels-majors et autant de colonels. Dieu seul sait combien de lieutenants-colonels, commandants, capitaines et lieutenants, nous avons. Tellement qu’il y a d’officiers que chaque ministère a désormais son chargé de défense. Sous d’autres cieux, le ridicule aurait tué. Hélas.

Nos ambassades, consulats et autres entrepôts sont devenus des dépotoirs d’officiers en mal de courage et de combativité. Ils ne se gênent même pas. Chaka Koné est décidément mort. Entre-temps, le prytanée militaire et l’émia continuent de déverser de la vermine. Pardon des officiers. Le Mali n’a rien à faire des «papou» et des bijoux au sein de notre armée, et pourtant incontestablement notre échec se situe au niveau des admissions au prytanée militaire et à l’émia. Le prytanée militaire doit être supprimé purement et simplement. Faire intégrer désormais à l’Emia après un vrai concours les diplômés de bac+ 4.

L’actuel chef d’état-major particulier d’IBK, ancien du prytanée militaire, fils d’un ancien officier, ancien directeur du prytanée militaire où des milliers d’officiers pistonnés sont passés, est en partie responsable de notre échec. Qu’ont pu prouver nos milliers d’officiers passés par le prytanée suite à notre humiliante défaite ? L’indifférence quasi-générale tue la patrie. Faisons abstraction de tout ce que coûtent au budget national ces cadres pléthoriques qui ne sont rien et qui ne valent rien. Les mots sont pesés.

Le gâchis

Imaginons un instant un secrétaire de direction devenu administrateur civil après un congé de formation dans une école bidon, aux notes financièrement et sexuellement transmissibles, se retrouve préfet à Ménaka ou gouverneur à Kidal, ou administrateur à Taoudéni. Que sait-il de la notion même d’administration ? Comment va-t-il comprendre puis alerter Bamako sur des enjeux que lui-même ne comprend pas ? Comment un inspecteur des douanes sans bagages va-t-il s’exprimer devant ses pairs de l’Organisation Mondiale des Douanes ? Reconnaître une fausse position tarifaire ? Savoir débusquer un dossier d’exonération frauduleusement monté ? Comment un inspecteur des impôts mal formé peut-il démonter le montage frauduleux d’un vrai expert-comptable ?
Comment ne pas comprendre l’état piteux de notre service protocolaire à Paris, si ce service est dirigé par un surveillant de prison ?

C’est au Mali seulement que l’on voit des idioties pareilles, c’est-à-dire nommer un surveillant de prison chef de protocole dans une ambassade. Notre gardien de prison joue réellement son rôle, mais à l’envers, car très honnêtement la plupart des individus appelés hautes personnalités qu’il accueille à l’aéroport à Paris, méritent la prison à vie. Il est temps de modifier le statut de la fonction publique, mettre fin aux congés de formation et ne promouvoir l’avancement en catégorie après formation qu’en fonction des besoins de l’État. Et ce après un concours interne, répétons-le. Espérons demain que tous nos contractuels ne finissent cadres A sans autres formes de procès.

Tout compte fait

À Paris, notre vieil ambassadeur qui continue sa chute d’escalier vient de payer des voitures. Une pour le ministre conseiller taciturne, taiseux, l’oncle d’un certain Tiéman Hubert, une pour le conseiller en communication, Tiadiani Djimé Diallo, une pour l’agent comptable. Du jamais-vu en France au sein de notre diplomatie ! Entre-temps, des simples agents honnêtes et sérieux attentent la régularisation de leur situation administrative. Des caméras ont été placées un peu partout au consulat et à l’ambassade, les mauvaises langues rapportent que ce sont plus de 100 000 euros qui ont été engloutis. Au lieu de coopérer avec une banque de la place afin que les usagers y paient les frais administratifs, l’ambassadeur joue au dilatoire. Demain les Maliens apprendront encore comme d’habitude que le consulat a été cambriolé et comme des caméras sont installées, l’on nous parlera de voleurs cagoulés.

Comme si la France manquait de banques. Nos fameuses caméras sont un prétexte pour notre vieux diplomate pour pouvoir faire ses sorties d’argent et tenter de faire bonne figure pour la nouvelle casse. Pillages ou casses ? Comment peut-on envoyer dans les confins de Bourem une forte délégation, l’ORTM à l’appui, pour rebaptiser une école qui existe il y a 50 ans au nom du père de la première dame ? Les priorités sérieuses du Mali sont-elles épuisées pour s’adonner à ce triste folklore des années 60 dignes de l’Union Soviétique ? IBK, à quand votre déclaration publique des biens ? Les urines ne peuvent laver la merde.

Boubacar SOW

boubacarsow@hotmail.fr
LE Reporter 12/04/2016