Élection présidentielle 2018 Le patronat à l’écoute des candidats

 Pour un choix respectueux du secteur privé
En prélude à l’élection présidentielle du 29 juillet, le Conseil national du patronat
du Mali (CNPM) a initié avec l’appui de l’Ambassade du Royaume de Danemark au
Mali, une série de rencontres avec tous les candidats, afin de prendre connaissance
des grandes orientations économiques de leur programme, notamment sur la
politique monétaire et la politique budgétaire du Mali. D’autre part, connaître
leurs positions par rapport aux préoccupations du secteur privé recensées dans un
mémorandum. Toutefois le CNPM ne donnera pas de consigne de vote à ses
adhérents.

Ainsi les rencontres avec les candidats à l’élection présidentielle du 29 juillet se sont
déroulées dans une ambiance détendue. La courtoisie, la considération et le respect

de l’autre, sont les vrais mots pour décrire l’atmosphère dans laquelle les exposés
préliminaires et les séances de questions-réponses se sont déroulés. Sans langue de
bois, tous les candidats présents ont fait montre d’un effort supplémentaire, pour se
prêter à cet exercice inhabituel dirigé par Moussa Alassane DIALLO, vice-président du
CNPM, sous l’œil vigilant du président du patronat Mamadou Sinsy COULIBALY, qui
tient à ne rater aucune séance.
En amont à cette étape, des rencontres entre entrepreneurs ont fait l’objet d’un
mémorandum qui traduit à souhait les préoccupations du secteur privé malien. Il
comprend deux grands chapitres à savoir la poursuite des points d’accord obtenus
avec l’actuel gouvernement et la non remise en cause de ces avancées d’une part, et
les préoccupations actuelles dont une réponse diligente est attendue.
Le premier chapitre intitulé ‘’la poursuite des points d’accord obtenus avec l’actuel
gouvernement et la non remise en cause de ces avancées’’, concerne la réduction
de l’Impôt sur le traitement des salaires (ITS) à partir de la loi de finance initiale de
2019, avec un taux maximal souhaité de 25 % ; la suppression de la “Taxe emploi
jeunes (TEJ)” et la “Taxe de formation professionnelle (TFP” à partir de la loi de
finance rectificative 2018, soit une réduction de charge pour les entreprises de 4 %
de la masse salariale ; l’accès à la commande publique dans des conditions
préférentielles pour les entreprises ou regroupements d’entreprises nationales.
Le deuxième chapitre sur les préoccupations actuelles dont une réponse diligente est
attendue est scindé en 4 thématiques : l’environnement des affaires, la fiscalité ; le
financement des entreprises, les relations avec les banques et les Partenaires
techniques et financiers (PTF) ; la sécurisation de l’activité économique ; l’emploi, la
formation et le développement des compétences des ressources humaines.
Le sous chapitre ” l’environnement des affaires et la fiscalité ” concerne la mise en
œuvre d’une véritable réforme fiscale en vue de la promotion de l’investissement
national ; la relecture de plusieurs textes (Code minier, Code des investissements,
etc.) afin de les rendre plus facilement applicables et plus incitatifs pour les
entreprises ; l’apurement de la dette intérieure et l’indemnisation rapide des
victimes de la crise sécuritaire de 2012 ; l’instauration d’une fiscalité applicable aux
banques et opérations bancaires dans les parties à fort risque sécuritaire afin de
garantir l’activité économique sur l’ensemble du territoire national, les indemnités
de fin de carrière.
Le sous chapitre “financement des entreprises, relations avec les banques et les
PTF” est relatif à une réduction des taux d’intérêts des établissements financiers
grâce à une facilité au refinancement auprès de la BCEAO ; l’élargissement des
sources et des gammes de garanties pour le financement avec à la clé plus de

flexibilité et d’accessibilité pour les PME et les banques ; la mobilisation de
ressources à long terme au niveau des partenaires au développement ; l’accès aux
ressources publiques pour l’ensemble des intervenants du secteur financier ;
l’innovation en matière d’ingénierie financière ; l’accompagnement des partenaires
publics et privés avec une nouvelle approche basée sur une combinaison entre prêts
et dons ; la vulgarisation du crédit-bail et du leasing ; l’instauration d’une autorité de
gestion pour coordonner, suivre et évaluer l’intervention des bailleurs dans les
projets/programmes ainsi que leurs financements sous forme d’un guichet unique.
Le sous chapitre “La sécurisation de l’exercice de l’activité économique” a trait à la
célérité dans la formalisation des garanties au niveau des services du cadastre à
travers une sécurisation des titres fonciers ; l’exercice en toute impartialité et avec
professionnalisme de l’action juridique et judiciaire intentée à l’encontre des
entreprises ; le renforcement de la répression des infractions à caractère
économique sous toutes leurs formes avec une attention particulière pour la
cybercriminalité ; l’encadrement de l’exercice du droit de grève avec l’instauration
d’un service minimum dans les branches sensibles du secteur privé tel que le secteur
bancaire et des assurances ; l’instauration d’une clause de sous-traitance obligatoire
de 30 % du montant du marché à des entreprises nationales pour les multinationales
adjudicatrices de marché de gros travaux en vue de favoriser un transfert de
technologies ; le respect strict des critères de catégorisation des entreprises lors de
l’attribution des marchés ; l’amélioration de la gestion des deniers publics,
notamment ceux réservés aux paiements des factures des entreprises privées lors de
l’exécution de marchés publics.
Le quatrième sous chapitre “l’emploi, la formation et le développement des
compétences des ressources humaines” traite de l’augmentation de l’offre de
formation professionnelle à travers une multiplication sur tout le territoire de
centres de formation professionnelle (collèges et lycées agricoles, collèges et lycées
techniques); la promotion de la formation en alternance par le biais de partenariats
signés avec des entreprises locales et assortis de mesures incitatives ; la signature
d’accords bilatéraux avec des pays partenaires afin de permettre aux élèves et
étudiants d’effectuer des stages professionnels ; le renforcement de l’éducation de
base dans les régions avec une attention particulière pour la question de la
scolarisation des jeunes filles ; la mise en place d’un mécanisme de financement de
la formation professionnelle plus efficace, plus souple et plus transparent ;
l’amélioration de l’adéquation emploi/formation dans des secteurs d’activités
particuliers tel que celui de la construction pour une meilleure insertion des jeunes
diplômés.
La réponse des candidats

Dans leur exposé préliminaire, chacun des candidats a salué l’initiative du patronat
de faire appel à tous les candidats, pour que les préoccupations du monde des
affaires soient prises en compte dans leur projet de société. Tous ont reconnus qu’il
est important de prendre au sérieux le secteur privé après avoir présenté les grandes
orientations de leur programme. Selon eux, il faut commencer par assainir
l’environnement des affaires, le problème de financement, la sécurité juridique dans
toutes les dimensions des affaires, le problème d’emploi comme le souligne le
mémorandum du patronat. Ce sont des préoccupations partagées et pris en compte
par tous les candidats, du moins d’après leurs propos.
Quel modèle économique pour le secteur privé? A la question de Moussa Alassane
DIALLO, de savoir quelle alternative trouver à la politique monétaire et budgétaire
pour le développement du Mali, chaque candidat répond à son tour devant les
acteurs du secteur privé par un exposé liminaire et un partage des préoccupations
du patronat. L'objectif étant de permettre aux participants d'apprécier le contenu
des programmes des candidats qui acceptent de se donner à cet exercice, qui se veut
démocratique.
Pour certains en l’occurrence les candidats Choguel Kokala MAIGA et le Général
Moussa Sinko COULIBALY, il ne revient pas au président de la République de créer
des emplois. Son rôle est de se fixer le cap, trouver des bons ministres, avoir une
vision d’ensemble de chaque secteur pour conduire le pays vers le bien-être des
populations. Selon eux, le président doit créer les conditions pour que le secteur
privé y crée des emplois. Aussi l’Etat doit prendre des mesures pour protéger les
entreprises, sinon on n’aura jamais une souveraineté alimentaire.
Le candidat Choguel Kokala MAÏGA, insistera, le Président de la république n’a pas
pour fonction de créer de l’emploi, mais il doit créer les conditions, sécuriser les
emplois et protéger les industries. Il doit avoir une vision globale de la situation et se
faire entourer de spécialistes et de stratèges, en vue de créer la richesse et la
redistribuer. Le Président doit fixer le cap et faire identifier les secteurs porteurs et
pourvoyeurs de richesses, et toutes les questions techniques relèveront du
gouvernement, selon Choguel K. MAÏGA. Mais, le tout doit se passer dans un
contexte où il y a la sécurité et où le droit existe réellement, ajoute-t-il. Une fois
arrivé au pouvoir, le Dr Choguel K. MAÏGA mettra en place une gouvernance à deux
grandes priorités, à savoir la sécurité des personnes et de leur biens ; la promotion et
la protection des industries. «Nous devons faire une protection intelligente de nos
industries.», a-t-il averti. Selon le candidat, les projets initiés par l’État ne pourront
pas réussir dans notre pays, tant que le secteur privé n’est pas mis dans son rôle de
création d’emplois et de richesse avec le soutien du gouvernement. A l'idée que la
Société Sukala, créée alors qu’il était ministre, est à l’agonie à cause de la mévente
de ses produits, il se dit choqué. Pourtant, a-t-il fait savoir, cette société ne produit
que le tiers de la consommation nationale en sucre.

Pour sa part, le candidat Aliou DIALLO a dévoilé son programme économique basé
sur une politique économique volontariste de développement économique
décentralisé. Il entend dynamiser le secteur privé et faire émerger une classe
moyenne. Selon le Candidat Aliou Boubacar DIALLO, un accent particulier sera mis
sur le développement du domaine agro-pastoral et la valorisation du secteur minier.
Interpeler sur sa vision sur la corruption, Aliou Diallo a indiqué qu'il entend mettre
d'abord les travailleurs dans de bonnes conditions à l'abri de la tentation de la
corruption. « Nous aurons un plan spécial de 200 milliards de FCFA pour
l’amélioration des conditions de vie et de travail des fonctionnaires », a-t-il précisé.
En tant qu'entrepreneur, le candidat Aliou DIALLO se dit mieux placé pour assurer le
développement et la protection des entreprises maliennes. « Sous mon mandat, je
me battrai pour qu’aucune entreprise qui crée même deux (2) emplois ne soit
liquidée», a-t-il signalé. Aliou DIALLO annonce l’appui à la création de 120.000
entreprises ainsi que la projection de 1.200.000 emplois sur cinq ans. Aussi il va
construire beaucoup de routes qui seront privatisées par la suite. Chaque
investissement devra suivre le schéma 49% pour les investissements étrangers et
51% pour les nationaux.
Drissa TRAORE, représentant le candidat Soumaila CISSE propose de construire une
économie performante et solidaire en faisant du secteur privé le moteur de la
croissance pour créer des emplois durables.
Pour Drissa TRAORE, son candidat compte améliorer le cadre des affaires et assurer
un meilleur financement de l'économie, en modernisant le secteur bancaire. Selon
lui, Soumaïla CISSE une fois arrivé au pouvoir, va mettre en place des politiques
sectorielles d'accompagnement, valoriser les atouts de l'économie malienne et faire
de l'industrie manufacturée, son cheval de bataille. En ce qui concerne les
représentants du candidat Ibrahim Boubacar KEITA, la promotion d'une croissance
économique inclusive avec comme mode de financement alternatif, la finance
islamique est ce que propose leur candidat pour sortir le Mali de l'ornière du sous-
développement. Ils précisent que ce programme va coûter 339 milliards
d'investissement. Selon l'ancien ministre de la communication Mahamadou
CAMARA, le candidat lbrahim Boubacar KEITA compte améliorer significativement
les recettes à l'horizon 2023, en renforçant et en modernisant la gestion des finances
publiques, étudier la structure économique du Mali en termes de diagnostics et de
leviers d'amélioration. Le montant global que le candidat projette d'investir dans cet
axe de son projet de société est estimé à 339 milliards FCFA. Selon les représentants
d’IBK, le programme de leur candidat prévoit de développer et faire la promotion
des investissements et du secteur privé. Faire du Mali, un pays exportateur net de
produits agricoles transformés et valorisés.
Le candidat Modibo KONE propose de bâtir une économie solidaire axée sur la
promotion des petites et moyennes entreprises, d'assurer un développement
durable et une sécurité alimentaire pour tous les maliens, et d'accélérer

l'industrialisation du Mali, en s'appuyant sur les matières premières. Interpellé par le
modérateur sur la protection des entreprises nationales, Modibo KONE explique qu'il
va doter le système financier de moyens institutionnels et de mécanisme de garantis
suffisants. « Je donnerai priorité au développement du mécanisme de partenariat
public privé (PPP), la création des PME/PMI et le développement des filières
d'exportation, avec la création de 50.000 emplois par an, soit 250.000 emplois pour
les 5 ans de mandature ».
A vrai dire, l'analyse des forces et faiblesses des projets de société présentés par les
candidats à l'élection présidentielle devant les acteurs de l'économie nationale, a
révélé que presque tous les candidats ont une bonne lecture du système
économique malien. Est-ce à dire que tous ont la maitrise et les moyens de mise en
œuvre de leur théorie ? Certainement pas. Pour l'instant, quel modèle économique
va séduire les acteurs du secteur privé ? Attendons de suivre le programme du reste
des candidats. Affaire donc à suivre !!!
Les Secrets Bancaires