Du Franc CFA comme sujet politiques étrangère, économique et financière

Fcfa

Henri Temple

Le symbole monétaire du franc ne subsiste qu’en Suisse, dans le Pacifique (TOM de Mélanésie, Polynésie) et en Afrique, pour 8 pays d’Afrique de l’ouest et 6 d’Afrique centrale. Le CFA est lié à la France par un accord financier et technique qui date d’avant les indépendances, qui a été ensuite aménagé, d’abord aux indépendances, puis après Maastricht et la disparition (réversible) du Franc français.

La France, via le Trésor et la Banque de France garantit: la convertibilité de cette devise, sa solidité et sa stabilité, son taux de change fixe avec l’euro (1 € = 655 CFA au guichet), la rigueur de sa gestion prudentielle par deux Banques centrales depuis longtemps installées en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale. Et il faut souligner l’exceptionnelle (au niveau mondial) résistance de la zone CFA et de ses banques aux tempêtes qui ont succédé au crash de 2008 quand le reste du monde, l’Europe, et même la France devaient financer la survie de certaines banques, et les USA assister à des faillites de banques.

Quels sont les avantages et les inconvénients de cette zone monétaire?

Pour la France: contrairement à ce que l’on affirme souvent, aucun avantage monétaire ni économique particulier. La fiabilité du CFA dans les relations commerciales bénéficie à tous pays du monde. Et l’Afrique s’est depuis longtemps ouverte au commerce mondial: dans les rues africaines, presque plus de véhicules français. Il demeure néanmoins un avantage psycho politique, une idée de communauté de passé et de destin, renforcée par la langue, le droit, la culture. Une vieille et durable affection réciproque. Mais aussi un avantage technique incontestable: l’obligation pour la BECEAO et la BEAC (les 2 banques centrales) de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Cette masse (croissante) le rémunère de ses missions.

Pour l’Afrique: les avantages sont très importants. Confiance des partenaires internationaux, commerciaux, institutionnels ou financiers, ce qui rend fluides, stables et rapides toutes les opérations économiques. Interopérabilité commerciale et touristique des entreprises et des particuliers sur de vastes zones d’échange. Si on met ceci en faisceau avec les communautés douanières, juridiques et linguistiques c’est un grand facteur de la belle dynamique africaine.

Mais il y a aussi trois inconvénients à considérer. Le premier, le moins grave, tient au fait que la libre convertibilité entre le franc CFA de l’ouest et celui du centre n’a pas encore été rétablie. L’effet économique fluidifiant entre les 8 pays de l’ouest et les 6 du centre est donc gêné. Et, notamment, pour le Tchad et le Niger qui sont les deux pays où des deux CFA sont en contact.

Le second inconvénient a longtemps résulté de la cherté de l’euro, entraînant celle du CFA, et plombant ainsi les exportations africaines, surtout après l’abandon des préférences commerciales généralisées des accords de Lomé (ACP/UE), sous la pression de la très américaine OMC. Et empêchant ainsi tout développement industriel des pays concernés. Aujourd’hui la baisse de près de 20% de la monnaie européenne a un effet bénéfique sur les exportations africaines.

Malheureusement la baisse corrélée du CFA correspond (ce n’est pas une coïncidence) avec celle des cours du pétrole (près de 50%), et tout porte à penser que cet abaissement va durer (diminution de la demande et augmentation de l’offre). Or 5 des pays d’Afrique centrale sont exportateurs de pétrole. Les budgets de ces pays sont donc affectés, notamment celui du Tchad, qui ne sera plus en mesure de financer au même niveau son remarquable effort militaire face à l’État islamique (auquel Boko Haram a adhéré).

Le troisième inconvénient est causé par des choix économiques aberrants effectués par la France:
— le dogmatique «équilibre budgétaire» (effet dit de l’équivalence ricardienne, qui est un abus intellectuel) imposé par l’UE,

— et la règle encore plus aberrante (depuis 1973) d’obliger les états à emprunter sur le marché mondial aux conditions et taux du secteur privé, et non à très bas taux, aux banques centrales.
Ce sont ces orientations qui empêchent ou grèvent lourdement tout emprunt ayant pour objet une nécessaire relance économique des pays pétroliers par une politique d’investissements productifs, publics ou privés.

Dans 18 mois, à présent, la France se débarrassera, selon toute probabilité, de l’équipe calamiteuse qui prétend gérer les affaires pour lesquelles elle a fait la preuve de son incompétence en tous domaines. Il sera alors possible de faire évoluer le CFA (et l’euro) vers l’intelligence monétaire:

— possibilité pour les états de la zone CFA de faire des emprunts (destinés à une politique de relance par des investissements productifs) auprès des banques centrales, à très faibles taux,
— réduction des montants des réserves en devises déposées auprès du Trésor français,
— libre interchangeabilité des deux CFA dans les deux zones dont ils sont la monnaie.

La France pourra alors se libérer au moins de la politique étrangère, de défense et de coopération, que lui impose la Commission non élue enfermée au Berlaimont récupérer la part corrélative de ses versements financiers et reprendre une coopération refondée en Afrique.

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