Directive CRD VI : quand l’UE lorgne la diaspora marocaine et africaine

La redoutée directive bancaire européenne directive CRD VI, qui sera appliquée en 2025, durcira la législation de l’UE envers les banques des pays tiers dont, le Maroc. Elle consistera à retreindre la commercialisation de plusieurs services, notamment à la diaspora marocaine et africaine installée en Europe, acteur essentiel du développement économique et social de l’Afrique.

En effet, si l’on s’en tient aux textes, les autorités de régulation et les banques centrales de plusieurs Etats européens devraient suspendre l’activité d’intermédiation, pour le compte des maisons mères d’Etats tiers. C’est la diaspora africaine résidant en Europe qui en pâtira en premier puisque les filiales et les banques seront empêchées d’offrir leurs services à leur clientèle en Europe.

Le Juriste français Alain Gaudin déclarait sans se tromper en septembre dernier dans une tribune au journal Le Monde que « la diaspora africaine est un acteur essentiel – plus stable que l’aide publique au développement et les investissements directs étrangers – du développement économique et social de l’Afrique« . On le voit la directive CRD VI met en danger le partenariat Afrique-Europe.

Cela dit les banques marocaines seraient amenées à quelques adaptations sur les exigences en fonds propres, mais pour autant cela ne changera pas grand-chose aux dégâts collatéraux en perspectives.

Pour nombre de spécialistes, c’est un obstacle à la bancarisation de la diaspora. Cela alimentera des circuits informels pouvant servir aux réseaux de blanchiment. Le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, lors d’un forum consacré aux coûts des transferts de fonds des migrants, tenu dernièrement au siège du ministère des Affaires étrangères, avait au demeurant, déploré cette situation.

Pour Jouahri le rôle de « commissionnaire » entre autres services, dont se targuent les filiales des banques marocaines en Europe « est un pilier du modèle économique« . Pour les banques étrangères non établies dans l’UE dont font partie bien sûr, les marocaines malgré leur passeport européen, elles se voient là, pénalisées par un texte qui leur interdit d’offrir des services bancaires du pays d’origine directement à leurs clients résidant dans un pays de l’UE.

Les banques marocaines, concernées selon BAM, sont installées à travers leurs filiales, bureaux de représentation et succursales dans sept pays européens, d’où le coup dur que porterait la directive européenne CRD VI à ces Institutions. Les MRE ou Marocains du monde de leurs ressources ont, de leurs dépôts lors de l’exercice passé, contribué à remplir les caisses de 198,5 milliards de dirhams (MMDH) sur un total de 1.134 milliards.

Dans ce contexte on peut légitimement s’interroger sur l’attention politique européenne que nous porte l’UE et à sa capacité à renforcer et à pérenniser son partenariat économique avec l’Afrique, dont la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait pourtant rappelé la nécessité, lors du 6e sommet Afrique-UE. L’incohérence avec la politique européenne, est, on ne peut plus flagrante et la contribution des transferts d’argent ainsi que la « bi-bancarisation » en lien économique entre les deux continents s’en retrouve du coup, énormément affectée.

C’est paradoxal, car d’un côté, la directive CRD VI exige des banques des pays tiers de créer une succursale dans chaque pays de l’UE où elles exercent une activité et leur interdit de commercialiser, sur leur sol, auprès des diasporas, les services bancaires dont ces dernières ont besoin dans leur pays d’origine. En effet, une banque marocaine ne pourra plus proposer à ses clients MRE en Europe de conclure des contrats bancaires de droit marocain, elle devra se limiter à ne fournir que des services bancaires européens et non étrangers.

Ce qui ne manquera pas d’impacter le business pour les banques de pays tiers. D’un autre côté, comme pour mieux ficeler le dossier, on y a incorporé les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance dits « ESG », histoire de s’assurer que la banque se voue à un business modèle et une stratégie générale alignés sur les objectifs climatiques de l’UE.

Mohamed Jaouad EL KANABI
Source: fr.hespress.com