Diaspora malienne : Des fonds qui ne servent pas le pays ?

Selon l’estimation de la Banque Mondiale, la diaspora malienne a contribué à hauteur de 7% du PIB national en 2018, à travers les transferts d’argent vers le pays. Cette contribution, dont les contours ne semblent pas totalement maîtrisés par les pouvoirs publics, a t’elle un impact palpable sur l’essor économique du Mali ?

Environ 530 milliards de FCFA en 2017 et plus de 600 milliards FCFA en  2018, c’est la taille des transferts d’argent issus de la diaspora malienne. Une manne financière considérable qui contribue à maintenir le tissu social entre les migrants maliens et leur famille d’origine. Toutefois, ces capitaux contribuent peu à la création de richesses dans le pays. Selon des statistiques, 80% de ces fonds sont employés dans la consommation. Les mêmes données révèlent que seulement 5% des fonds de la diaspora sont investis dans des projets productifs et durables. 4,5 millions de Maliens vivent à l’étranger, soit 24,7% de la population du pays.

Le Mali a connu de nombreuses évolutions au fil des années et des générations de migrants. « Au début, si le succès des migrants maliens se mesurait à construire une villa en famille, l’essor du temps impose que la diaspora malienne, au regard de ses immenses potentialités, s’investisse davantage dans le développement de leur pays d’origine, à travers des investissements dans des projets durables à long terme et créateurs d’emplois », estime le sociologue Abdoulaye Doumbia. En effet, malgré les initiatives, de nombreuses études ont prouvé le vide en termes d’opportunités d’investissement que la diaspora pourrait combler.

À titre de rappel, en 2017 sur les 530 milliards,  2/3 ont été consacrés à l’entretien des familles, aux aides sociales et autre assistance de la famille sous diverses formes. Alors que « 80% des apports de la diaspora sont utilisés dans les consommations, 15% dans les projets communautaires, les puits, forages et périmètres maraîchères. Seulement 5% sont utilisés dans les investissements productifs », déplore le ministère en charge des Maliens de l’extérieur.

Cette vieille tendance doit évoluer, puisque ces transferts massifs de fonds pourraient créer plus d’impact. C’est l’objectif de l’idée de création, depuis 2016, d’une banque des Maliens de l’extérieur pour faciliter le financement et l’accompagnement des projets des communautés maliennes de l’étranger. De l’avis de Noumoussa Traoré, coordinateur de projets communautaires, ce sera un grand pas pour l’investissement de la diaspora au pays d’origine. « La création de cette banque permettra non seulement de formaliser les transferts financiers de la diaspora malienne vers le pays, mais aussi d’alléger le coût élevé des transferts financiers diasporiques. La création d’une banque de la diaspora, permettra aussi de financer des projets de la diaspora, dans des secteurs prioritaires comme l’agriculture, l’eau, l’élevage qui ne manquent pas au Mali, mais qui sont sous exploités ».

Si l’un des défis majeurs liés à l’investissement des Maliens de l’étranger réside dans le manque d’accompagnement de leurs projets, l’adoption d’une politique de création d’entreprises en milieu rural n’est pas une mesure moindre quand on sait que bon nombre de migrants maliens ambitionnent de développer leur horizon natal. C’est dire que l’enjeu de l’investissement de la diaspora malienne se joue non seulement à Bamako, mais aussi à des milliers de kilomètres de là.

Ainsi, pourraient-on affirmer qu’il y a un double enjeu : « d’abord de développement des zones rurales, mais aussi de répondre à l’attente de bon nombre de Maliens de la diaspora qui veulent investir dans leurs villages », note Noumoussa Traoré.

Pour ce faire, estime-t-il, il faudrait réduire le déficit d’accès à l’énergie dans les milieux ruraux, le coût élevé des facteurs de production, notamment l’eau, mais aussi l’énergie, dont le taux d’accès en milieu rural est en deçà des 18%.

Par ailleurs, Noumoussa Traore suggère également d’améliorer et de simplifier les cadres légaux, réglementaires, institutionnels et administratifs relatifs aux formalités de l’entrepreneuriat au Mali.

Ousmane Tangara

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