Coup d’Etat et changement de régime: Le renouveau promis se fait toujours désirer

Le président de la transition SE Assimi Goïta

Une chose est de promettre le changement de cap dans la gouvernance, après avoir renversé le régime en place, une toute autre de concrétiser cette promesse dès la période de transition. C’est le cas aujourd’hui au Mali.

En dehors du secteur de la défense et de la sécurité, où l’Etat malien réalise des actions d’envergure, comme l’acquisition de matériels et équipements entraînant quelques succès des Famas dans la lutte contre le terrorisme, le Malikura se fait désirer dans divers domaines.

Sur des pans entiers de la gouvernance du pays, les Maliens restent, pour le moment, sur leur soif. Nombreux sont ceux qui s’attendent à voir les signaux d’un véritable changement dans la gestion des affaires publiques.

A titre d’exemple, l’accès à la fonction publique est-il géré à présent avec la transparence et l’éthique requises ? Le recrutement de ressources humaines dans divers secteurs d’activités est-il administré avec le principe de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » ? Quid de la culture de l’excellence et du mérite ? De l’équité dans la gestion et la répartition des richesses ? Quid de la transparence dans la passation des marchés publics ?

En effet, de nombreux Maliens ont l’impression que malgré le discours politique récurrent insistant sur « la rupture » avec l’ancien système de gouvernance ou de « gouvernance vertueuse », l’on se désole d’un certain immobilisme. Par exemple, le problème récurrent du délestage du courant électrique demeure une préoccupation lancinante. Les Maliens sont encore sevrés du courant électrique comme lors des régimes passés. Qu’est-ce qui a changé ? Rien ! Dès lors, l’on se demande si la montagne du renouveau malien a-t-elle finalement accouché d’une souris ? L’éléphant attendu après IBK est-il arrivé avec des pattes cassées ? Des questions fusent chez les uns et les autres.

Au plan de la bonne gouvernance, même si l’on ne signale pas de scandales ou de malversations financières dans la gestion publique durant la transition en cours, rien ne permet de se rassurer aujourd’hui que la gestion du pays connaît l’orthodoxie requise, depuis la chute du régime IBK. C’est ainsi que personne ne sait rien des récents marchés d’équipements militaires, dont on se félicite tant. Combien coûtent les aéronefs (hélicoptères et avions de transport de troupes) acquis récemment ? Quels sont les contours des marchés publics passés au niveau du ministère de la Défense durant les 18 derniers mois grâce au partenariat avec la Russie ? A combien s’évalue l’assistance militaire des experts russes en matière de déminage ou en termes de formation ?

Même si ces questions portent essentiellement sur le domaine militaire et pourrait bénéficier du sceau« secret défense », il est évident que l’opinion a plus que besoin d’être un peu édifiée ?

En outre, avec la transition, l’on sait que les états-majors politiques sont en quasi-hibernation. Il n’y a pas d’opposition à un pouvoir de transition pour en espérer des critiques et des actions de contestation levant le voile sur des actes majeurs de gestion du pays. Alors que ce pouvoir de transition est censé poser les jalons de la bonne gouvernance ou de la « gouvernance vertueuse ». Ne doit-il pas alors prendre des mesures pour convaincre les citoyens sur son respect vis-à-vis du bien public? Le gouvernement de transition respecte-t-il le principe de la redevabilité qui l’oblige à rendre compte sur la gestion du pays ? Le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, qui a participé au régime IBK est-il un modèle de bonne gouvernance ?

En un mot, comment croire en la promesse d’une « gouvernance vertueuse » avec une transition, dont le mouvement acteur principal est constitué majoritairement d’anciens collaborateurs de poids du régime défunt ? Le M5-RFP n’a-t-il pas pour ténors Dr Choguel Kokalla Maïga, Me Mohamed Aly Bathily, Me Mountaga Tall, Konimba Sidibé qui ont tous été ministres sous IBK ? Si le coup d’Etat du 18 août a été « justifié » par le fait que le pouvoir d’alors était marqué par la mauvaise gouvernance, il faut se demander comment la nouvelle gouvernance, dont des inspirateurs sont l’actuel Premier ministre peut-elle réussir une rupture véritable avec les anciennes méthodes. Il urge que les colonels putschistes opèrent un virage véritable pour convaincre les Maliens, dont certains commencent à douter du bien-être promis.

Kassoum TOGO