CHEICK MODIBO A PROPOS DE LA FORMATION D’UN NOUVEAU GOUVERNEMENT : « Je ne vais pas démissionner ! »

Vendredi 27 juillet 2012, au premier étage de la Primature. Dans les halls, un espace aménagé sur ses murs porte le portrait de l’ensemble des Premiers ministres du Mali indépendant. C’est ici que la Cellule de communication a choisi pour l’enregistrement du débat télévisé sur le bilan des trois mois du Premier ministre Cheick Modibo Diarra. Pour l’occasion, toute la crème du gouvernement était réunie autour de lui.

Ce débat, tant attendu par les téléspectateurs de l’ORTM et de « Africable », a véritablement battu le record d’audience des émissions de cette semaine. Autour du Premier ministre, quatre journalistes de la presse d’Etat et privée, pour passer en revue les différents domaines. Il s’agit notamment de Youssouf Touré de l’ORTM, Madiba Keïta de « L’Essor », Sékou Tangara de « Africable » et Dramane Aliou Koné, représentant l’Association des éditeurs de presse (ASSEP).

 

« Nous travaillons jours et nuits »

 

D’entrée de jeu dans le débat, le chef du gouvernement est formel quant au caractère positif de son bilan, marqué, selon lui, par le réconfort de la présence du Mali sur la scène internationale et la mobilisation des partenaires face à la crise. C’est dans ce contexte, explique Cheick Modibo Diarra, qu’au lendemain de sa nomination, plusieurs « amis » du Mali ont répondu à l’appel d’aide humanitaire lancé. Le 1er pays à mettre la main à la poche a été le Maroc qui, 48 heures après cet appel, a envoyé deux cargos de 57 tonnes de vivres et de médicaments. L’Afrique du sud a mis à la disposition 7 millions d’euros, alors que la Chine a débloqué, dans le cadre du besoin humanitaire, 3000 tonnes de riz, de moustiquaires imprégnées, etc. A cela, cite Cheick Modibo, s’ajoute l’aide de l’Egypte qui a envoyé  une dizaine de tonnes de médicaments. Ceci démontre, croit le chef du gouvernement, la forte présence des partenaires du Mali en ces moments difficiles. Et le Premier ministre de rassurer que ces dons sont gérés à bon escient.

A sa nomination à la tête du gouvernement, le défi majeur pour Cheick Modibo était la reconquête du territoire Nord aux mains des bandits armés du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), d’Ançar Dine du Mujao et d’Aqmi. Trois mois après sa nomination, les lignes peinent à bouger pour chasser les envahisseurs. S’agit-il d’un immobilisme du gouvernement ? Non, s’empresse de répondre le Premier ministre aux journalistes. Cheick Modibo, qui rappelle le caractère complexe de la situation au Nord, a expliqué que la lutte contre le terrorisme ne se fait pas en trois mois, faisant allusion à dix années de présence des grandes puissances occidentales en Afghanistan.  « Je ne vais pas dévoiler la stratégie que nous mettons en place. Mais nous travaillons jour et nuit pour recouvrer l’intégrité du territoire. Des efforts sont en cours pour relever l’état moral des troupes et le niveau de commandement de l’armée… », a déclaré le chef du gouvernement. Pour qui « il faut être réaliste ». Pour le Premier ministre, si la guerre contre le MNLA est celle du Mali, la guerre contre les groupes armés est une affaire de celui-ci et de la Communauté internationale. C’est pour cela, explique-t-il, depuis sa nomination, le Mali a multiplié les contacts avec les pays du champ et d’autres partenaires, faisant allusion aux déplacements en Algérie, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, au Burkina Faso, etc. « Il n’y a pas une force qui peut chasser les islamistes en trois mois. Ils se sont infiltrés dans notre pays depuis 10 ans, et nous avons tous été complaisants face à la situation. Si la guerre est inévitable, elle ne se fera pas en un jour », a recadré Cheick Modibo Diarra.

 

Mes rapports avec le capitaine Sanogo

 

Parlant de l’intervention des forces militaires de la Cédéao, le Premier ministre a expliqué que le Mali accepte l’aide extérieure, mais à des conditions bien définies. « Nous n’avons jamais refusé l’aide de la Cédéao, ni de qui que ce soit. Seulement nous disons que nos forces armées et de sécurité sont capables d’assurer la sécurité des institutions de la transitions, contrairement à ce qui est dit par certains. Nous avons donc demandé que les forces étrangères viennent appuyer nos militaires en besoin de formation, de logistique, etc. C’est ce travail qui est en cours », a martelé Cheick Modibo.

L’un des sujets abordés par Cheick Modibo au cours de ce débat, c’est aussi l’agression, le 21 mai dernier, du président de la République par intérim, Dioncounda Traoré par des manifestants et celle des journalistes par des individus armés. Pour le chef du gouvernement, « tout sera mis en œuvre pour punir les auteurs ». « La justice travaille pour cela, et les conclusions seront portées à la connaissance du peuple malien », rassure-t-il. Déjà, annonce le Premier ministre, les enquêtes dans l’agression du président connaissent une nette évolution avec l’arrestation de suspects, et la piste sur deux autres, dont un militaire, en fuite.

S’agissant du contrecoup d’Etat, le chef du gouvernement a également rassuré que le travail de la justice se poursuit dans le respect des droits des prévenus et de leurs parents.

Quels sont ses rapports avec l’ex chef de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo ? En réponse à la question du confrère, Cheick Modibo est formel. « Nos rapports sont des plus cordiaux ». Dans une réponse brève, le Premier ministre a expliqué que lui et l’ex chef de la junte travaillent ensemble dans le cadre du Comité de suivi de la réforme de l’armée. « Cette collaboration se fait dans une parfaite symbiose pour la recomposition de l’armée », ajoute-t-il, sans autre commentaire.

L’un des sujets ayant fait l’objet de débats houleux, c’est aussi la formation du futur gouvernement. Et d’entrée de jeu, le Premier ministre est on ne peut plus clair : « Je ne vais pas démissionner pour faire plaisir à des gens ». Cheick Modibo, qui a écorché au passage la classe politique, justifie sa décision par deux raisons : le premier, dit-il, est d’ordre académique en ce sens qu’il s’interroge sur celui à qui il remettra sa démission. La seconde raison, renchérit-il, est l’Accord-cadre qui consacre sa nomination. Pour lui, cet accord, signé le 6 avril, ne prévoit pas sa démission. Le Premier ministre, qui dit avoir une idée de l’attelage du futur gouvernement qu’il formera, annonce que les consultations sont en cours par le président de la transition Dioncounda Traoré. « On n’a pas besoin d’être dans le gouvernement pour le servir son pays. Je fais confiance en mon équipe, mais si des gens pensent que la résolution de la crise passe par la formation d’un gouvernement de 50 personnes, je le ferai », a martelé Cheick Modibo. Qui ajoute qu’il ne subit aucune pression quant à l’ultimatum de la Cédéao de former un gouvernement d’union nationale avant le 31 juillet. « Restons dans la mesure, la date de la Cédéao n’est que indicative. Et le Mali est un pays souverain », a asséné Cheick Modibo Diarra.

Issa Fakaba Sissoko

L’Indicateur du Renouveau

(30 Juillet 2012)