Cameroun: libération attendue du Français Thierry Michel Atangana

Ce n’est pas un décret nominatif, le nom de Thierry Michel Atangana n’y figure pas. Le document signé par Paul Biya fait trois pages, il y a cinq articles et dans le premier, il est indiqué qu’une remise totale de peine est prévue pour les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement pour détournements de deniers publics et dont le séjour en milieu carcéral est supérieur à dix ans. C’est justement le cas de Michel Atangana, en prison depuis 1997. C’est aussi le cas de Titus Edzoa, l’ancien secrétaire général de la présidence du Cameroun condamné lui aussi pour le détournement de 1,6 million d’euros. Des faits que les deux hommes ont toujours contestés.

Si les avocats du Français se félicitent de cette décision et attendent une libération rapide, son comité de soutien présidé par Dominique Sopo se dit vigilant : « Tant que Thierry Michel Atangana n’aura pas quitté sa cellule, nous resterons extrêmement vigilants. Il faut qu’il y ait une décision formelle qui soit prise par le ministre de la Justice. Il y a aussi les délais pour la levée d’écrou, elle peut être extrêmement rapide comme elle peut prendre quelques heures ou quelques jours. Nous attendons cette libération sans doute dans les jours qui viennent. Nous attendons peut-être une bonne nouvelle aujourd’hui, nous l’espérons en tout cas pour Michel ».

Atangana serein

Les autorités ne confirment pas actuellement la libération prochaine des deux hommes, mais elles étudient le cadre de ce décret, comme l’explique le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary : « Dans l’esprit de tolérance et de pardon, le chef de l’Etat investi du pouvoir de remise de peine a donc fait valoir ce pouvoir que lui confère la Constitution et a effectivement signé ce décret. Si d’aventure, monsieur Atangana, monsieur Edzoa et tous les autres remplissent les conditions telles que définies par le décret, ils bénéficieront du décret du chef de l’Etat. Je présume que Thierry Michel Atangana et le professeur-ministre Edzoa entrent dans cette catégorie, mais il appartient à l’expertise judiciaire, basée dans nos lieux de détention, de voir qui remplit les conditions ».

La joie anime le camp de la défense depuis la publication mardi du décret du président Biya. Les avocats camerounais de Thierry Michel Atangana ont pu, ce mercredi, rencontrer leur client et c’est avec un large sourire qu’ils sont sortis de la prison, explique le correspondant de RFI sur place. Thierry Michel Atangana serait serein et plutôt en bonne santé malgré une apparence physique légèrement amaigrie. Les avocats disent que leur client n’exprime ni amertume ni rancœur particulière, même s’il n’a aucun mot à l’endroit des autorités camerounaises. Tout au plus, il aurait salué l’implication personnelle du président français, François Hollande et de l’ancien ambassadeur de France à Yaoundé.

Les avocats du Français ont engagé des démarches auprès du ministre de la Justice, mais l’agenda politique est actuellement chargé. Le Cameroun célèbre ce jeudi le cinquantenaire de la réunification. Des festivités qui mobilisent tous les membres du gouvernement.

Aure libération possible, celle de Titus Edzoa

L’autre personnalité de ce dossier, qui devrait être libérée suite à ce décret présidentiel, est Titus Edzoa. Poursuivi pour les mêmes charges de détournement de fonds que Thierry Michel Atangana, il avait lui aussi été condamné en 2012 à 20 ans de prison, après une première peine de 15 ans prononcée en 1997. Pourtant, avant son arrestation, Titus Edzoa était considéré comme l’un des plus proches collaborateurs du président Biya,

Bientôt 17 ans désormais que Titus Edzoa est incarcéré. Pourtant, ce chirurgien camerounais aujourd’hui âgé de 69 ans, s’était peu à peu imposé au sein du premier cercle de Paul Biya.

Leur première rencontre date de 1981. Titus Edzoa opère la sœur de Paul Biya, alors Premier ministre. Quand Paul Biya est élu président un an plus tard, Titus Edzoa, bien que sans titre officiel, deviens un habitué du palais et le médecin du chef de l’Etat. Vient le temps de la reconnaissance officielle : longtemps ministre chargé de mission à la présidence, mais sans attribution particulière, Titus Edzoa accède en 1994 au poste très influent de secrétaire général de la présidence. Dans une interview à Jeune Afrique en 2011, le médecin camerounais affirme « avoir toujours eu la conviction d’être un collaborateur proche du président, mais sans plus, pas un ami », précise-t-il.

La rupture intervient en 1997. Titus Edzoa, alors ministre de la Santé, démissionne soudainement et annonce sa candidature à l’élection présidentielle prévue la même année. Son directeur de campagne est son futur coaccusé : Thierry Michel Atangana. Les deux hommes se sont rencontrés en France au début des années 90, lors d’une visite d’Etat du président Biya. Arrivé au Cameroun, Thierry Michel Atangana, spécialiste des montages financiers, représente notamment les intérêts de plusieurs entreprises françaises dans le pays. Il travaille donc étroitement avec Titus Edzoa, alors secrétaire général de la présidence.

Les deux hommes s’apprécient, ont une relation de mentor à protéger. En 1996, ils dirigent ensemble le comité de pilotage d’un programme de développement d’infrastructures, notamment dans le cadre du sommet de OUA, devenue l’Union africaine, à Yaoundé. C’est notamment sur leur gestion de ce comité que porteront les accusations de détournement un an plus tard.

RFI 2014-02-19