Brésil : Bolsonaro planche sur la formation de son gouvernement

Au surlendemain de son élection à la présidence du Brésil, Jair Bolsonaro a réuni mardi son état-major pour choisir les membres de son futur gouvernement d’extrême droite, qui va innover avec une fusion controversée des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement.

Pour le ministère de la Justice, le président élu a fait un appel du pied à Sergio Moro, figure emblématique de la lutte anticorruption, qui s’est dit « honoré » dans l’attente d’une proposition formelle.
Le président élu a également évoqué la possibilité de proposer au magistrat un poste de juge de la Cour suprême, qui sera à pourvoir durant son mandat.

Le juge Moro s’est notamment illustré en condamnant en première instance l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui purge une peine de 12 ans et un mois de prison depuis avril pour corruption passive et blanchiment.

À l’issue de la réunion de Jair Bolsonaro avec ses proches conseillers à Rio de Janeiro, le député Onyx Lorenzoni, présenté comme le futur chef du gouvernement, a confirmé que le Brésil aurait à partir de janvier « 15 à 16 ministères », contre une trentaine actuellement.

Cette réduction drastique implique la fusion de plusieurs ministères. « L’Agriculture et l’Environnement feront partie du même ministère, comme prévu au départ », a précisé M. Lorenzoni.

Pourtant, Jair Bolsonaro avait indiqué mercredi, quatre jours avant le second tour, être « ouvert à la négociation » sur ce point très controversé de son programme.

– « 80% des postes attribués » –

Les écologistes considèrent que cette fusion reviendrait à sacrifier la protection de l’environnement aux intérêts du puissant lobby de l’agro-business, qui soutient ouvertement le président élu.

Cette mesure inquièterait même des représentants de ce lobby, qui craignent des sanctions commerciales de pays étrangers sur les exportations brésiliennes de viande ou de soja, deux productions à fort impact environnemental.

L’écologiste Marina Silva, elle-même ex-ministre de l’Environnement, a qualifié cette fusion de « désastre », estimant sur Twitter qu' »une ère tragique s’ouvre où la protection de l’environnement est égale à zéro ».

Greenpeace a qualifié cette fusion de « grande erreur » dans « un pays qui a la plus grande biodiversité de la planète et la plus grande forêt du monde », l’Amazonie, et qui ainsi « se tire une balle dans le pied d’un point de vue économique ».

Autre fusion, autre rétropédalage: Paulo Guedes, gourou ultra-libéral de Bolsonaro, a confirmé qu’il serait à la tête d’un super-ministère de l’Economie, qui réunira les ministères actuels des Finances, de la Planification, de l’Industrie et du Commerce extérieur.

La semaine dernière, après une réunion avec des représentants des secteurs industriels et agricoles, il avait affirmé qu’il maintiendrait les ministères de l’Industrie et du Commerce extérieur séparés de celui de l’Economie.

La Bourse de Sao Paulo a clôturé mardi en hausse de 3,69%.

En début de soirée, des milliers de personnes ont manifesté à Sao Paulo, chantant « Pas lui » (Bolsonaro), lui jamais », sous la surveillance de très nombreux policiers militaires.

Gustavo Bebianno, autre éminence grise de Jair Bolsonaro qui a participé à la réunion, a assuré par la suite qu' »environ 80% des postes de ministres ont déjà été attribués ».

« Les noms seront annoncés un peu plus tard pour des raisons stratégiques », a ajouté cet avocat, qui a quitté lundi la présidence du Parti social libéral (PSL) de Bolsonaro, pour se consacrer exclusivement à la transition.

Le président élu a indiqué lundi soir qu’il irait la semaine prochaine à Brasilia pour rencontrer le chef d’Etat sortant Michel Temer.

– « Légitime défense » –

Onyx Lorenzoni a par ailleurs affirmé lundi que ses premiers voyages à l’étranger seraient au Chili, en Israël et aux Etats-Unis, des pays « qui partagent notre vision du monde ».

Lundi, lors de sa première interview télévisée depuis son élection, Jair Bolsonaro a insisté sur ses promesses de campagne les plus radicales, notamment la libéralisation du port d’arme, dont il veut entre autres abaisser la limite d’âge de 25 à 21 ans.

Pour se justifier, il a donné un exemple: « Si un chauffeur routier est armé et réagit quand quelqu’un tente de voler sa cargaison (…) le voleur est abattu, (dans une situation de) légitime défense. Le chauffeur riposte et n’est pas puni. Ça va diminuer la violence au Brésil, c’est sûr ».

(©AFP / (31 octobre 2018 00h37)