BANQUE CONFÉDÉRALE POUR L’INVESTISSEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT

Une aubaine pour le Mali de tourner définitivement la page de la crise
énergétique pour booster la croissance des industries

Les dirigeants de l’Alliance des États du Sahel  (AES) ont décidé de se
doter de la Banque confédérale pour l’investissement et le
développement (BCID-AES). Pour mieux situer cette initiative dans son
contexte économique et géopolitique, Dr Fousseynou Ouattara a accordé
une grande interview à «DM TV» d’Abdoul Diallo. Président-directeur
général (PDG) de BR&T AFRICA, Dr Ouattara est un expert en finance de
marché et détenteur d’un Ph.D. Economic Sciences (Strategic
management). Sans compter qu’il assure la vice-présidence de la
Commission Défense nationale, Sécurité et Protection civile du Conseil
national de transition (CNT) et préside le Collectif pour la refondation du
Mali (COREMA).

«Un pas décisif vers une intégration économique plus renforcée et plus
dynamique de la région du Sahel» ! Telle est la conviction affichée par le
Premier ministre, Général de division Abdoulaye Maïga, le 23 mai 2025 dans
un discours prononcé à une rencontre ministérielle de la Confédération des
États du Sahel (AES) pour le compte du pilier «Développement».  À cette
rencontre, le PM était accompagné par son homologue du Niger, Ali Mahaman
Lamine Zeine, qui a abondé dans le même sens en invitant les acteurs à
«s’engager davantage dans la consécration de ce choix commun de nos trois
pays».
Cette conviction et cet optimisme sont largement partagés par l’économiste Dr
Fousseynou Ouattara, l’invité de «DM TV» d’Abdoul Diallo, il y a quelques
semaines. D’une manière générale, de ses explications, nous avons retenu
que les banques d’investissement se distinguent par leur rôle d’intermédiaire
financier qui facilite la levée de capitaux pour les entreprises et les institutions,
ainsi que les conseillent dans des opérations financières complexes. Elles se
concentrent surtout sur les marchés de capitaux, les fusions-acquisitions et la
gestion d’actifs, tout en offrant des services de courtage et de négociation.
Ainsi, la BCID-AES pourra jouer un rôle important dans l’intermédiation
financière en mettant en relation les entreprises et les institutions qui
cherchent des fonds avec les investisseurs. Elle pourra aussi intervenir
comme conseillère dans les opérations financières en accompagnant les
entreprises dans des opérations complexes comme les fusions-acquisitions,
les introductions en bourse et les émissions d’obligations. Tout comme
la BCID-AES aura un rôle à jouer dans la facilitation des opérations sur les
marchés actions et obligataires et dans la gestion des portefeuilles
d’investissement pour leurs clients.
Comme toute banque d’investissement, l’institution bancaire confédérale
pourra aussi offrir ses services dans le trading et la négociation des produits

financiers.  Il est aussi important de savoir que, contrairement aux banques
commerciales, les banques d’investissement ne reçoivent pas de dépôts de
particuliers et n’accordent pas de crédits. Elles ont néanmoins un fort taux de
rentabilité, malgré le niveau de risque élevé de l’activité qu’elles exercent. Au
final, il faut retenir que les banques d’investissement sont des acteurs
essentiels du monde financier, qui mettent en relation les demandeurs de
capitaux avec les investisseurs, tout en offrant des services de conseil et
d’exécution sur les marchés financiers.
Une initiative souverainiste pour booster le développement par des
investissements judicieux
Qu’est-ce qu’un pays comme le Mali peut tirer de la création de la BCID-
AES ? «Le Mali a besoin de s’industrialiser. Ce qui nécessite de l’électricité.
L’accès à l’électricité et à moindre coût doit être une priorité absolue pour le
Mali. La création de la BCID peut être une opportunité pour tourner pour de
bon la page de la crise énergétique», a répondu Dr Ouattara.
L’autre priorité, selon l’économiste, «c’est la réalisation et l’amélioration des
infrastructures routières. Il faut aussi développer les voies ferroviaires qui sont
d’une importance capitale dans le transport des marchandises. Il est
aujourd’hui vital que toutes nos capitales régionales soient reliées à Bamako
par la voie ferrée». C’est une priorité, car cela permet de transporter beaucoup
de marchandises et à moindres frais.  La voie ferrée est aussi le meilleur
moyen de soustraire le pays au chantage, voire au diktat des transporteurs
routiers et de leurs gros porteurs. Sans compter les emplois créés et l’impact
sur le secteur informel.
Mais, Dr Ouattara a beaucoup insisté sur l’accès à l’électricité à moindre coût
car, a-t-il rappelé, «cela va booster l’implantation des unités industrielles qui
aura un impact sur le développement de notre pays grâce aux richesses
générées… La Banque va être un précieux atout dans ce sens». Il s’agit aussi
d’un projet souverainiste. «Les 8 États de l’UEMOA partagent la même
banque centrale qui est la Banque centrale des États de l’Afrique de
l’Ouest  (BCEAO) émettrice du franc CFA. Ce qui lui donne des moyens de
pression qui ne favorisent pas trop nos initiatives de développement. La BCID-
AES nous permet de contourner ses pressions, car elle peut lever des fonds
sur le marché international pour faire face aux besoins d’investissement de
chacun des trois pays ou de la confédération. Ainsi, nos États n’auront plus à
trop solliciter la Bcéao», a expliqué Dr Fousseynou Ouattara.
L’expert en finance n’a pas manqué de rappeler les méfaits du CFA sur le
développement de nos États. Les pays de la zone CFA étaient par exemple
obligés de vendre leurs produits d’exportation, généralement en dollars ou, à
la rigueur, en euros et les recettes transitaient toujours par le Trésor français.
Elles étaient utilisées par la France à sa guise. Et quand nos États avaient
besoin d’argent, elle (France) puisait dans cet argent pour leur accorder des
crédits avec un taux d’intérêt non négligeable. Autrement, «tu ne peux pas
jouir de ton propre argent au moment que tu veux. Il faut que tu t’endettes
pour faire face à tes besoins. C’est la raison principale qui fait que la France

ne veut pas que ce lien d’asservissement soit brisé», a déploré le spécialiste
de l’économie du marché.
Autrement, le Premier ministre Abdoulaye Maïga a raison de nous
rappeler que la création de la BCID-AES est une «nouvelle page de notre
histoire partagée, que nos enfants liront avec fierté, qui marque non seulement
la volonté de souveraineté retrouvée, mais aussi l’audace d’un avenir repensé
et remodelé par le Collège des chefs d’État de la Confédération des États de
l’AES». Gageons que les dirigeants de l’alliance vont tout mettre en œuvre
pour doter la banque des moyens de la performance attendue et combler
l’attente suscitée : booster un marché d’au moins 78 millions de
consommateurs !
Moussa Bolly
Quand le temps prouve la dépendance budgétaire de la France du franc
CFA !

Dans l’interview accordée à nos confrères «DM TV» par l’économiste
Fousseynou Ouattara, il a été beaucoup question aussi du franc CFA, des
avantages que la France tire de cette monnaie aux dépens de nos États, de
l’impact de la fermeture du compte d’opération sur le budget français… L’un
des arguments longtemps utilisés par Paris pour convaincre nos États que le
CFA était un atout pour eux est la garantie de sa convertibilité. «Depuis que le
franc CFA est opérationnel (il est né le 26 décembre 1945), notre compte
d’opération n’a jamais manqué de devise au point que nous puissions solliciter
la France pour garantir la convertibilité de cette monnaie», a aussi précisé Dr
Ouattara. Et cela au vu et au su de nos dirigeants.
Il a également rappelé que lors de la dévaluation de 1994, le Premier ministre
français (Edouard Balladur) a clairement fait comprendre à nos dirigeants et à
nos peuples que «la question de monnaie n’est pas technique, mais qu’elle est
plutôt politique car touchant à la souveraineté, donc à l’indépendance des
États». La dévaluation du CFA n’avait pas donc une motivation économique.
Elle n’était nullement liée à une question de convertibilité ou à un quelconque
problème économique. La preuve, a assuré l’invité de «DM TV», «notre solde
n’a jamais été déficitaire».
Heureusement que, en attendant la fin du CFA, la situation a beaucoup
évolué. «Les Français ne siègent plus au conseil d’administration de la Bcéao
et le compte d’opération a été fermé», s’est réjoui l’expert. Mais, a-t-il aussi
souligné, «un adage dit aussi quand tu chasses le chien et que tu continues à
voir sa queue, ce qu’il ne s’est pas trop éloigné. La France n’a pas donc
encore dit son dernier mot parce que ces mesures lui créent beaucoup de
problèmes.  Le déficit de son budget ne cesse de croître depuis la fermeture
de notre compte d’opération. La réalité est en train de démontrer ce que les
Français ont toujours nié : ce pays profitait plus du CFA que nos États et cette
monnaie est un atout précieux pour son trésor».
En 2024, le déficit public en France s’est élevé à 5,8 % du PIB, soit 169,6
milliards d’euros. Ce chiffre est inférieur aux 6 % initialement anticipés par le

gouvernement, mais reste supérieur à la moyenne de la zone euro (3,1 %).
Selon l’Insee, l’endettement public est monté à 113 % du PIB à la fin de 2024.
Un record hors période de crise et la hausse risque de se prolonger jusqu’en
2030. La charge (intérêts) de la dette française va annuellement de 60 à 100
millions d’euros. La charge des intérêts de la dette de l’État représente,
officiellement en 2024, plus de 50 milliards d’euros. Ce montant étant appelé à
croître fortement en raison de l’augmentation des taux d’intérêt, la France
devrait alors connaître la hausse la plus importante (en points de PIB) parmi
les États européens avec plus de 1 % à l’horizon 2030.
«C’est en partie la raison qui fait que les autorités françaises en veulent plus
aux États de l’AES, plus précisément au Mali. Et cela parce que nous leur
avons fermé les robinets qui alimentaient leur trésor, leur budget… Elles sont
frustrées de nous voir nous en sortir sans leur pays, et aussi de nous voir
développer un partenariat plus respectueux et surtout mutuellement
avantageux avec d’autres pays (la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie,
l’Inde…)», a expliqué Dr Fousseynou Ouattara.
M.B