Algérie : Macron en visite sur fond de quête énergétique

Le président français Emmanuel Macron veut tourner la page des brouilles avec l'Algérie

La visite d’Emmanuel Macron a lieu dans un contexte de guerre en Ukraine. L’Europe recherche du coup de nouvelles sources d’approvisionnement en énergie.

Le président français, Emmanuel Macron a entamé ce jeudi 25 août une visite de trois jours en Algérie. Une visite pour « refonder » une relation qui reste marquée par le poids du passé. Mais au-delà du caractère historique, la visite d’Emmanuel Macron en Algérie se déroule dans un contexte particulier : la guerre en Ukraine qui pousse les pays européens à rechercher de nouvelles sources d’approvisionnement en énergie.

Si les relations entre Paris et Alger demeurent compliquées en raison du passé colonial, l’heure semble toutefois à l’apaisement.

Au-delà des problèmes politiques et historiques entre la France et l’Algérie, pour le chercheur Brahim Oumansour, spécialiste de l’Afrique du Nord à l’Institut des relations internationales et stratégiques, le déplacement d’Emmanuel Macron revêt également un autre intérêt.

« La visite de Macron sera aussi l’occasion de renforcer la coopération économique, de maintenir sa place sur le marché algérien, voire d’augmenter sa part de marché face à la rude concurrence de plusieurs puissances régionales et internationales, à savoir la Turquie, la Chine notamment, dont l’influence s’accroît de plus en plus en Algérie » explique t-il. L’Algérie présente également un intérêt en tant que fournisseur de gaz et pas seulement pour la France, mais aussi pour d’autres pays européens.

L’Algérie fait en effet partie des plus grands producteurs de gaz au monde et dispose également de réserves de pétrole (1,5 milliard de tonnes). Le pays pourrait également jouer un rôle de transit, comme en témoignent les projets de plusieurs pays africains de construire un gazoduc vers l’Europe. L’importance de l’Algérie en tant que fournisseur d’énergie a été rappelée en juillet dernier lorsque des entreprises italiennes, françaises, américaines et algériennes ont signé un accord sur 25 ans pour exploiter conjointement des gisements.

Une production insuffisante
Environ quatre milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires devraient être livrés à l’Italie. Au total, le pays recevra cette année 21 milliards de mètres cubes de gaz de l’Algérie.

Mais ces volumes restent à peu près constants depuis des années et l’Algérie est loin de pouvoir à elle seule approvisionner l’Europe en pétrole et en gaz, souligne Matthias Schäfer, représentant de la Fondation Konrad Adenauer en Algérie.

« L’Algérie a un énorme potentiel. Mais l’Algérie seule ne suffira pas non plus à approvisionner l’Europe – surtout si l’on se rend compte, du point de vue allemand, que des pays comme l’Italie, l’Espagne et la France sont dans une bien meilleure position de négociation » précise t-il. Des investissements importants sont nécessaires par ailleurs pour la modernisation et l’expansion des infrastructures du secteur énergétique algérien. L’Europe doit donc être prête à mettre sur la table des sommes importantes pour pouvoir profiter plus tard des ressources du pays.

Autre problème : une grande partie du gaz que l’Algérie est capable de produire est captée par le marché intérieur et n’est donc pas disponible pour l’exportation.

Les droits de l’homme sacrifiés
Au-delà de ces obstacles logistiques et de gestion, Maria Josua, experte de l’Algérie à l’Institut allemand d’études globales et régionales (GIGA) à Hambourg, s’inquiète que l’Europe contribue à la prospérité d’un régime autoritaire.

« On approuve ainsi la politique intérieure désastreuse et on ferme les yeux sur les violations des droits de l’homme. La stabilité économique passe une nouvelle fois avant les droits de l’homme et les valeurs qui caractérisent pourtant l’Union européenne. »

Selon Maria Josua, le gouvernement algérien continuera donc à faire ce qu’il fait déjà : utiliser les revenus de l’exploitation du gaz et du pétrole pour soutenir davantage le système autoritaire à la tête du pays.

Carole Assignon, Kersten Knipp
Source: dw.com